
De nombreux travaux ont déjà été consacrés à ce qu’il est convenu d’appeler « l’effet week-end », qui décrit le risque supérieur de mortalité associé aux hospitalisations les samedi et dimanche. Si ce risque semble désormais bien établi, les causes en sont beaucoup moins évidentes. Il a été dit (mais pas toujours par les auteurs des études) que l’origine de cet excès de mortalité pouvait être la diminution fréquente des effectifs dans les services hospitaliers pendant le week-end. Mais l’on peut toutefois s’interroger sur ce paradoxe : pourquoi cette situation de « sous-effectif » n’a-t-elle de conséquences délétères que pour les patients admis le week-end et non pour ceux qui sont déjà à l’hôpital ? Quoi qu’il en soit certaines autorités sanitaires se sont engagées à fournir la même offre de soin quel que soit le jour de la semaine. D’autres explications peuvent toutefois être évoquées : par exemple, il est possible que les patients admis au cours du week-end aient des caractéristiques différentes de ceux qui sont adressés les autres jours.
Une équipe du Royaume-Uni a voulu éprouver cette hypothèse. Les auteurs ont analysé les données de plus de 500 mille admissions aux urgences, concernant 257 mille individus. Au total 18 mille décès (4,7 %) se sont produits dans les 30 jours parmi les patients hospitalisés un jour de semaine et 6 070 (5,1 %) parmi les patients hospitalisés au cours du week-end. D’autres patients (n = 9 343) ont fait l’objet de 9 707 hospitalisations en urgence pendant les vacances, et parmi eux 559 (5,8 %) sont décédés avant 30 jours.
Des patients en moins bon état de santé
Mais les auteurs ne se sont pas arrêtés à ce constat et ont examiné les constantes biologiques et biochimiques dosées au moment des hospitalisations, reflétant l’état général des patients et l’existence d’une éventuelle dysrégulation métabolique ou d’une infection : numération sanguine, plaquettes, C-reactiv protéine, urée, bilirubine, créatinine, albumine, alanine-amino-transférase, phosphatases alcalines, sodium et potassium.
Des différences notables existent dans les résultats de ces dosages selon qu’ils concernent des patients admis aux urgences le week-end ou en semaine et il apparaît que ces résultats sont des éléments prédictifs puissants et indépendants de la mortalité à 30 jours. A tel point que l’ajustement pour ces résultats réduit sérieusement l’importance de l’effet week-end. Cet ajustement réduit de 33 % l’excès de mortalité associé aux hospitalisations du samedi, de 52 % celui des hospitalisations du dimanche et de 87 % l’excès de mortalité après une hospitalisation pendant les vacances. Plus précisément encore, avec l’ajustement pour les résultats des tests sanguins, le fameux effet week-end est limité aux admissions ayant lieu entre 11heures et 15 heures le samedi et le dimanche, sans excès de mortalité pour les admissions pendant la nuit.
Il ressort de tout ceci que la pénurie de personnel ne peut pas, à elle seule, être tenue pour responsable de l’effet week-end. Le degré d’altération plus important de l’état de santé des patients qui se présentent aux urgences à certaines heures du week-end semble entrer aussi en ligne de compte. Reste à étudier les raisons de ce phénomène. Selon les auteurs, ce pourrait être lié à l’organisation des soins de ville conduisant à un retard de prise en charge le week-end.
Mais l’on peut craindre aussi que les patients, alertés par la médiatisation du fameux effet week-end, retardent le moment de se présenter aux urgences, de crainte d’être moins bien soignés. Un effet « effet week-end », en quelque sorte.
Dr Roseline Péluchon