
Paris, le vendredi 2 juin 2017 - L'Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et de cérébro-lésés (UNAFTC) contestait dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité un décret d’application de la loi Leonetti-Claeys confiant au médecin le pouvoir de décider l’arrêt des soins de patients dans l’incapacité de faire connaître leur volonté et dont le maintien en vie est manifestement artificiel et assimilable à de l’acharnement thérapeutique. L’UNAFTC considérait qu’une telle disposition ne pouvait être confiée au pouvoir réglementaire au nom de l’article 34 de la constitution, qui prévoit que la loi fixe les règles concernant « les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ».
Des familles inquiètes
L’action de l’UNAFTC est née de l’affaire Vincent Lambert, où une partie de la famille de cet homme en état de conscience minimale depuis sept ans, s’oppose à la décision des médecins d’arrêter les soins qui le maintiennent artificiellement en vie. Certaines familles de patients dans une situation proche de celle de Vincent Lambert ont en effet fait part à l’UNAFTC de leur crainte de se voir imposer par les équipes soignantes des décisions qu’elles refusent. Porte-parole de ces familles inquiètes, l’UNAFTC plaide pour que « le doute profite au droit fondamental à la vie » et que l’adhésion de la famille soit systématiquement recherchée. Elle plaide encore pour qu’en l’absence de consensus entre les proches et les équipes médicales, un médiateur soit nommé.
Protéger le droit de recours des familles
Le Conseil Constitutionnel a refusé d’aller dans le sens de l’UNAFTC en invalidant le décret et en renvoyant l’exécutif et le législateur à leurs œuvres (ce qui aurait contraint Emmanuel Macron à se pencher sur un sujet dont il a plusieurs fois répété qu’à ses yeux, il ne constituait pas une urgence). Les sages viennent en effet de rendre leur décision et ont confirmé qu’il n’est pas contraire à la constitution qu’un décret confère au médecin la possibilité de décider seul, à l’issue d’une procédure collégiale consultative, l’arrêt des traitements d’un patient ne pouvant exprimer sa volonté sur le sujet. Néanmoins, le Conseil Constitutionnel a insisté sur deux points, qui devront être respectés par les équipes médicales concernées par de telles décisions : toute décision d’arrêt ou de limitation des traitements doit être « notifiée aux personnes auprès desquelles le médecin s’est enquis de la volonté du patient, dans des conditions leur permettant d’exercer un recours en temps utile ».
Ce recours doit par ailleurs « pouvoir être examiné dans les meilleurs délais par la juridiction compétente aux fins d’obtenir la suspension éventuelle de la décision contestée » insiste le Conseil Constitutionnel.
Des situations rares
Ce choix des sages n’est guère surprenant : reconnaître un « droit à la vie » aurait ouvert une brèche dangereuse qui aurait été probablement invoquée par les opposants à l’Interruption volontaire de grossesse (IVG). Par ailleurs, bien que très douloureuses et régulièrement médiatisées, les situations dans lesquelles une opposition irréconciliable entre les proches et les médecins existe sont rares. « Des affaires Lambert, il y en une tous les dix ans. Mais depuis cette affaire des familles nous disent avoir été mises sous pression. Ces conflits sont en émergence » indique au Monde le président de l’UNAFTC, Philippe Petit.
Aurélie Haroche