Reconnue comme maladie rhumatismale par l'OMS depuis 25 ans, la fibromyalgie continue de faire débat. D'aucuns nient son existence, d'autres en doutent, d'autres encore ne se prononcent pas. Mais, au-delà de tout cela, une des réalités indéniables est que ce syndrome douloureux chronique est fréquent en pratique (il concernerait environ 1,6 % de la population française) et que sa prise en charge s'avère très souvent délicate et peu gratifiante. Les résultats d'une enquête par questionnaire en ligne aident à y voir un peu plus clair.
Cette enquête épidémiologique repose sur les réponses (autodéclarations) à un questionnaire mis au point conjointement par l'Association Fibromyalgie SOS et l'Association Française de Lutte Anti-Rhumatismale (AFLAR). Ce questionnaire qui comporte 103 items a été développé par un collectif de 3 médecins experts (rhumatologues inclus) et de plusieurs patients. Il a été complété en ligne sur le site de l'Association Fibromyalgie SOS par 4 516 personnes se considérant comme atteintes de fibromyalgie.
Le profil type
Les répondeurs étaient très majoritairement des femmes (93 %), âgées en moyenne de 48 ans, vivant en couple dans 69 % des cas et 80 % avaient eu des enfants. Les plaintes remontaient en moyenne à une douzaine d'années, mais le diagnostic n'avait été porté ou avancé qu'après un délai moyen de 7 à 8 ans (délai supérieur à 1 an dans 82 % des cas). Ce diagnostic avait été porté par un rhumatologue dans un peu plus d'un cas sur 2 (54 %).
Un tiers des sujets avaient des activités professionnelles à temps plein, 22 % à temps partiel pour raison médicale et 28 % étaient sans emploi.
Quelles comorbidités ?
Les comorbidités sont fréquentes et concernent tant la sphère somatique (arthrose [49 %], dysthyroïdies [22 %], autres manifestations rhumatologiques dont syndrome de Gougerot-Sjögren [5 %], polyarthrite rhumatoïde [4 %] et spondylarthrite ankylosante [4 %]), que psychologique (troubles cognitifs [62 %], anxiété [52 %], dépression [48 %], bipolarité [5 %]). Et, s'y ajoute dans plus de 3 cas sur 4, un sentiment profond d’injustice vis-à-vis de la maladie ("pourquoi moi","qu'ai-je fait pour mériter cela" [77 %]).
Les symptômes endurés et les facteurs de déclenchement
Les symptômes rapportés sont divers et variés et couvrent l'ensemble des domaines utilisés pour l'évaluation dans les essais cliniques de rhumatologie (douleurs, fatigue, raideur, troubles du sommeil, troubles cognitifs, altérations de l'humeur, sensibilité douloureuse, raideur et perte de fonction).
Dans près de 3 cas sur 4, un élément déclencheur est rapporté et il s'agit plus souvent d'un élément psychologique (76 %) que physique (50 %).
Quels facteurs aggravants ?
Les facteurs perçus comme aggravants sont légion. Les plus souvent mis en avant sont le surmenage (94 %), les conflits (90 %), les traumatismes physiques (84 %), les déplacements (80 %), les variations météorologiques (80 %), le travail (63 %), les examens médicaux (53 %), les activités physiques (49 %), les rapports sexuels (28 %), les relations de couple (24 %), les médicaments (20 %) et l'inactivité physique (7 %).
L'impact sur la vie de tous les jours
Dans cette enquête, l'impact (évalué par l'outil FIQ, Fibromyalgia Impact Questionnaire) est côté 51 sur une échelle allant de 0 à 100 et 58 % des répondants font état de périodes de rémission. Preuve s'il en était besoin que la vraie vie n'est pas ce qui se rencontre dans les essais cliniques qui recrutent des sujets sélectionnés et souvent beaucoup plus graves. Cela étant, il est quand même rapporté, au cours de l'année précédant la réponse à l'enquête, un arrêt de travail par 65 % des répondants.
Prise en charge médicale ou autre
Plus d'un sujet sur 4 est sous traitement : antidépresseurs (82 %), suivis à quasi égalité par les antalgiques/anti-inflammatoires, les anxiolytiques et les antiépileptiques qui plafonnent chacun légèrement au dessus de 50 %. Les professionnels de santé qui sont en première ligne sont les généralistes (85 %), les kinés (63 %), les rhumatologues (54 %).
La consultation d'un médecin algologue n'est mentionnée que dans moins de 10 % des cas.
Les approches non conventionnelles sont fréquemment utilisées : ostéopathie (41 %), sophrologie-relaxation (22 %), acupuncture (21 %) et homéopathie (19 %).
Dr Jean-Claude Lemaire