Quand le ministre des droits des femmes maltraite gynécologues et obstétriciens

Paris, le mardi 25 juillet 2017 – Depuis quelques années, les "violences" obstétricales sont devenues un thème de réflexion important. Des médecins, des philosophes et des juristes s’y sont intéressés pour déterminer dans quelle mesure demeurait encore  une tendance à l’infantilisation des femmes, qui les priverait d’un droit de regard sur les décisions prises pendant leur accouchement. Souvent complexe et subtil, le débat a parfois tourné à la caricature, visant notamment les gynécologues, accusés, généralement sans distinction, d’autoritarisme, voire de maltraitance. Régulièrement, le sujet revient, alimenté notamment par des blogs. Parmi les pratiques qui sont l’objet des critiques les plus virulentes, l’épisiotomie est en première ligne. Les femmes sont nombreuses à se plaindre que cette intervention ait été pratiquée sans leur consentement, voire même sans qu’elles en aient été informées ou contre leur volonté.

La nécessité de l’épisiotomie est par ailleurs souvent remise en cause : si des pratiques abusives ont pu être constatées (ou si des raisons non médicales, comme le manque de disponibilité des équipes sont parfois invoquées), son utilité est cependant régulièrement confirmée. 

Réduit d’un tiers depuis 1998

La France a de fait longtemps affiché un taux d’épisiotomie plus élevé que la moyenne des pays occidentaux comparables et une tendance à la systématisation de cet acte pour les primipares. Mais des efforts importants ont été réalisés ces dernières années en ce qui concerne non seulement l’information des patientes (et dans la mesure du possible le recueil de leur consentement au moment de l’acte, ce qui est parfois délicat), mais aussi la formation des médecins. Ainsi, selon les derniers chiffres disponibles, l’enquête nationale périnatale 2010, le nombre d’épisiotomies chez les primipares est résolument en baisse : il a été réduit d’un tiers depuis 1998. Aujourd’hui, le taux d’épisiotomie est ainsi de 44 % pour les primipares et de 14 % pour les multipares, soit un niveau global de 27 %. Les statistiques du Collectif interassociatif autour de la naissance (CIANE) sont proches et évoquent 30 % d’accouchement ayant conduit à une épisiotomie entre 2010 et 2013.

Quand la secrétaire d’Etat confond son blog avec une étude épidémiologique

Ce n’est cependant pas l’amélioration des pratiques qui retient aujourd’hui l’attention de Marlène Shiappa, secrétaire d’Etat aux droits des femmes, qui a assuré devant la Délégation aux Droits des femmes : « En France, on a un taux d’épisiotomies à 75 %, alors que l’OMS préconise d’être autour de 20/25 % ». Ce chiffre iconoclaste de 75 % est extrait d’une étude réalisée par le réseau Maman travaille créé par la même Marlène Shiappa avant sa nomination : en 2013, 75 % des 983 femmes ayant participé à l’enquête avaient affirmé avoir « subi » une épisiotomie ! Outre les biais inévitables et certains d’un tel mode de sélection (sur la blogosphère, les femmes, sont, pour diverses raisons, plus certainement concernées par l’épisiotomie que dans la population générale et plus enclines à s'en plaindre), un taux d’épisiotomie par accouchement (qui est le chiffre de référence) ne saurait être comparé à la proportion de femmes qui déclarent avoir été concernées au cours de leur vie par l’épisiotomie ! Le ministre n’en a cure, elle n’est nullement honteuse d’utiliser des chiffres tendancieux, non vérifiés, quand bien même ils risquent de donner une fausse image de la réalité et de jeter le discrédit sur l’ensemble d’une profession. Elle ne paraît pas gênée de s’être contentée du bruit de fond d’internet, sans avoir plus certainement approfondi le sujet, au risque de desservir son propos (et de se discréditer). « Il n’appartient pas au gouvernement de dire quelle est la réalité des chiffres » a-t-elle répondu quand les gynécologues ont hurlé contre l'affirmation de telles contre-vérités. « Non Madame la secrétaire d'État, les obstétriciens ne maltraitent pas leurs patientes et entendent à leur tour ne pas l'être par une secrétaire d'État mal informée » a ainsi dénoncé dans une lettre ouverte lundi le président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), le professeur Israël Nisand.

Un rapport sur les pratiques obstétricales non consenties

« Lorsque vous parlez de violences obstétricales, vous maltraitez notre profession dans son ensemble », poursuit Israël Nisand, jugeant « injuste et néfaste » « d'induire une telle perte de confiance envers les gynécologues et obstétriciens ».

Espérons que le rapport commandé au Haut conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes (HCE) qui doit faire le point sur la prévalence des « pratiques obstétricales non consenties » et les éventuelles « violences obstétricales » évitera de s’appuyer uniquement sur des « ressentis » (pour reprendre le terme de Marlène Shiappa) et offrira une représentation objective de la situation en France, afin de permettre une réelle amélioration des soins et éventuellement des conditions de travail des équipes dédiées à la naissance.

Aurélie Haroche

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Vos réactions (7)

  • Des episiotomies soi disant abusives

    Le 25 juillet 2017

    J'aimerais qu'on porte à la connaissance des femmes, en particulier celles qui se permettent de juger les épisiotomies, le resultat à long terme des "petites dechirures" (comme elle disent) qui sont parfois la conséquence d'une episio évitée, et surtout le resultat à long terme sur la continence urinaire.

    Mais avons nous des statistique la dessus.
    Je ne suis pas epidemiologiste, mais il me semble qu'on devrait comparer :
    -fréquence des incontinences urinaires chez la femme menopausée selon antecedants d'episiotomie ou pas aux accouchements,
    -fréquence des antécédents d'episio ou de dechirure ou rien chez les femmes traitées pour incontinence urinaire apres la ménopause
    et porter les resultats, avec traduction en langage compréhensible par ces femmes qui bloguent contre les épisiotomies abusives.
    En effet rares sont les femmes qui établissent une relation entre dechirure aux acouchements et incontinence post ménopausique.

    C'est dommage, je crois que ça calmerait le débat!

    Dr Chantal Knippel

  • Pasionaria sans panache

    Le 25 juillet 2017

    Il est regrettable que madame Schiappa n'ait pas fait partie de la charrette des ministres remerciés du gouvernement Philippe 1er.

    Cela aurait évité à cette pasionaria sans panache de proférer des inepties aussi grosses que ses déformations statistiques. Il est vrai qu'elle s'est surtout illustrée jusqu'ici en donnant des recettes pour frauder la Sécurité sociale.
    Elle déshonore le gouvernement auquel elle appartient et elle se discrédite chaque fois qu'elle ouvre la bouche. Son égalité c'est 0= 2x0.

    Dr Jean-Fred Warlin

  • Pitié

    Le 26 juillet 2017

    Nous sommes gatés ! Entre cette dame et le "Dr" Rebsamen qui conseille Mme Buzyn sur les vasoconstricteurs ! Pitié, on ne va pas finir par regretter les précédents !

    Marie-Odile Marchal

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