
Paris, le jeudi 14 septembre 2017 – « L’information incitant les femmes à participer au dépistage organisé (DO) [du cancer du sein] est souvent incomplète concernant la balance bénéfices/risques. Elle ne rend pas compte (…) des doutes existants et ne permet pas une prise de décision en toute connaissance de cause » déplorait en octobre dernier le Comité d’orientation chargé d’établir les conclusions de la concertation sur le dépistage organisé du cancer du sein mise en place par Marisol Touraine. « Le contenu de l’information destinée aux femmes concernées (…) doit être équilibré et complet, notamment sur les facteurs de risques, sur le rapport bénéfices/risques et les incertitudes s’y rapportant, sur les suites d’un examen positif et les stratégies proposées pour le suivi en fonction des résultats, sans oublier d’évoquer les cancers d’intervalle » avait insisté le Comité.
Des autorités réfractaires
Recevant ces recommandations, les autorités sanitaires et les responsables de l’Institut national du cancer (INCA) n’avaient pas caché leur malaise et avaient immédiatement signalé leur refus de remettre en cause le dépistage organisé. D’ailleurs, la décision rapide des pouvoirs publics de rembourser à 100 % l’échographie comme outil de dépistage complémentaire, alors même que le comité s’interrogeait sur la pertinence d’une telle mesure avait conforté beaucoup d’observateurs dans l’idée que les recommandations resteraient lettre morte.
Sobriété et unicité
Pourtant, l’INCA a présenté hier sa nouvelle brochure d’information à destination des patientes invitées à réaliser un dépistage de cancer du sein, outil d’aide à la décision présentée comme « le premier élément tangible du plan de rénovation du dépistage organisé », a expliqué le patron de l’INCA, le professeur Norbert Ifrah. Des efforts importants ont de fait été réalisés. Sur la forme tout d’abord, on notera que le titre du livret qui compte plus d’une dizaine de pages (quand les femmes devaient se contenter auparavant d’un bref dépliant) invite à « s’informer et décider ». On relèvera encore que la brochure est exempte de toute illustration sentimentaliste, ce qui tranche également avec les entreprises de communication précédentes. Enfin, le document devrait être le même dans toute la France, afin d’éviter une hétérogénéité potentiellement délétère.
A savoir
Sur le fond, les sujets qui fâchent sont effectivement abordés. D’ailleurs, l’existence même du livret est en introduction justifiée par différentes controverses, s’appuyant, apprend-t-on, sur « des études conduites avec sérieux ». La brochure revient donc sur la question des surdiagnostics (sans minimisation puisqu’il est précisé qu’ils pourraient concerner de 10 à 20 % des cancers détectés), des faux positifs, des faux négatifs, des cancers de l’intervalle et des cancers radio-induits. Néanmoins, et l’INCA ne s’en cache pas, le ton reste résolument favorable au dépistage. Il est d’ailleurs clairement précisé que la recommandation des autorités est de s’y soumettre sans que l’on sache d’ailleurs dans quel sens une telle notation pourra influencer les femmes en cette période de défiance vis-à-vis des experts. On notera en outre qu’il n’existe pas de chapitre spécifique concernant les risques, chapitre qui aurait pu faire écho à celui intitulé : « Quels sont les risques à ne pas réaliser de dépistage du cancer du sein ? ». Les différentes limites sont abordées à travers d’autres questions : l’information sur les surdiagnostics est glissée derrière la mention « A savoir » après un exposé général sur ce qu’est un dépistage. De même, les précisions sur les faux positifs et les faux négatifs sont également rapidement livrées derrière le petit avertissement « A savoir » après une discussion sur la nature des résultats possibles. On peut craindre qu’ainsi étiquetés, ces éléments apparaissent comme des données secondaires, et qu’ils ne soient pas toujours lus avec la même attention.
En attendant Octobre rose
Au-delà des réserves que l’on peut donc avoir (et que les détracteurs du dépistage organisé ne manqueront probablement pas d’étayer dans les jours qui viennent), on peut néanmoins apprécier cet effort de transparence et d’information. A la lueur de la participation ou non du ministère de la Santé à la grande messe "Octobre rose", elle aussi objet de critiques de la part de la concertation citoyenne, on pourra, dans quelques semaines, de nouveau évaluer dans quelle mesure les pouvoirs publics ont pris acte des recommandations formulées.
Aurélie Haroche