
Paris, le vendredi 15 septembre 2017 – « Il n’y aura pas de retour à l’ancienne formulation ». Tant les responsables de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) que les représentants des laboratoires Merck paraissaient formels à la fin du mois d’août, alors que la pétition signée par des dizaines de milliers de patients atteints de troubles thyroïdiens réclamant un accès à l’ancienne formule du Levothyrox commençait à être largement médiatisée. Pourtant, moins d’un mois plus tard, le ministère de la Santé a annoncé que l’ancienne composition du Levothyrox serait accessible en France dans quinze jours.
Théorie et pratique
La promesse d’une mise à disposition de la précédente formulation du Levothyrox avait été faite la semaine dernière par le ministère de la Santé à l’Association des malades de la thyroïde, mais sans publicité par l’avenue Duquesne. L’information a été aujourd’hui confirmée par Agnès Buzyn qui a indiqué sur France Inter : « Nous avons fait en sorte que l’ancien Levothyrox soit accessible de façon à ce que ceux qui le réclament puissent le prendre, et ce sera disponible en quinze jours ». En théorie, les pharmaciens pourront donc se réapprovisionner auprès de leur grossiste habituel. En pratique, l'ancienne formule portera le nom d'Euthyrox, afin d'éviter la confusion. En théorie, l’accès à l’ancienne composition ne pourra se faire que sur prescription médicale. En pratique, en dépit du changement de nom, il sera difficile aux pharmaciens sur la base d’une ordonnance ne mentionnant pas quel type de Levothyrox est prescrit de refuser l’ancienne composition s’il en dispose !
Reculer pour mieux sauter ?
Si l’arrivée sur le marché dans un mois d’alternatives au Levothyrox devrait encore quelque peu modifier l’équation, ce retour à l’ancienne formule n’est, tout au moins tel qu’on le présente aujourd’hui, pas destiné à être définitif. « L’ancien Levothyrox devrait normalement disparaître puisque le laboratoire Merck ne devrait plus le produire dans les années qui viennent » a prévenu Agnès Buzyn. En théorie donc, il faut concevoir que les patients qui connaissent aujourd’hui le plus de difficultés à retrouver un équilibre thyroïdien avec la nouvelle formule vont pouvoir reprendre l’ancienne formule pour plus de confort. Bien qu’il ne puisse pas être exclu que la prise de la précédente composition ne coïncide pas chez ces malades à un immédiat retour à la normale, s’ils retrouvaient facilement un équilibre, on conçoit mal comment ils pourraient accepter de reprendre la nouvelle formule, même avertis, même préparés, quand l’ancienne disparaîtra totalement ! En pratique, on peut donc prédire que la cohabitation entre les deux formules pourrait durer plus longtemps qu’espéré par les autorités et le laboratoire. Et on peut même se demander, tout en reconnaissant que les effets secondaires du nouveau Levothyrox ne relèvent pas (uniquement) de l’effet nocebo, s’il n’aurait pas mieux valu pour gérer la crise, admettre les erreurs mais accompagner les patients sur la voie de la stabilisation plutôt que d’accepter le retour à l’ancienne formule. En tout état de cause, tout au moins pour les patients qui ont connu une transition sans dommage, le patron des laboratoires Merck exhorte à ne pas abandonner la nouvelle formule !
Gagner ou perdre du temps ?
Avec cette réponse, les pouvoirs publics jouent plus certainement sur le court terme. Sans apparemment anticiper les défiances profondes suscitées par cette crise, sans analyser ce qu’elle révèle des manquements de l’ANSM (quant à la connaissance des médicaments à marge thérapeutique étroite, à l’anticipation des conséquences prévisibles d’un changement de formulation et de communication), ils espèrent néanmoins que le retour à l’ancienne formule, réponse à la principale revendication des associations de patients permettra d’apaiser la fronde. Mais les plaintes, y compris désormais directement dirigées contre le ministère de la Santé et les pouvoirs publics se multiplient et l’idée d’une machination cachée, relayée notamment par Annie Duperey, est également de plus en plus nourrie.
Aurélie Haroche