
Portant sur une cohorte de 16 341 hommes et de 28 905 femmes, âgés de 40 à 69 ans et suivis pendant près de 20 ans, une étude réalisée au Japon évalue le lien entre le taux de cholestérol total et le risque de suicide.
Dans cette population, durant la période du suivi (en moyenne 19 ans pour les hommes et 20 ans pour les femmes), les auteurs dénombrent 185 suicides (107 hommes et 78 femmes). Et ils constatent, mais seulement chez les femmes, une association entre cholestérol total et risque de suicide : comparées aux femmes avec un taux de cholestérol total normal (4,66-5,70 mmol/l) celles avec un taux de cholestérol élevé (≥ 5,70 mmol/l) présentent un risque significativement accru de suicide (Hazard Ratio [HR] = 1,90 ; intervalle de confiance à 95 % [IC] 1,13–3,19). Une élévation de 0,26 mmol/l du LDL (HR = 1,11 ; IC : 1,02–1,21) et du cholestérol non HDL (HR = 1,09 ; IC : 1,01–1,18) confère également une augmentation statistiquement significative du risque de suicide toujours chez les femmes.
Des associations énigmatiques
Il faut préciser que toutes ces associations (encore énigmatiques, d’autant plus qu’elles n’affectent pas les hommes) concernent « particulièrement les femmes avec un Indice de Masse Corporelle (IMC) inférieur à 25 kg/m2, mais pas les femmes en surpoids ni obèses. » Ce dernier constat est paradoxal, dans la mesure où le surpoids (reflété par l’IMC) constitue, par lui-même, à la fois un autre facteur de risque cardiovasculaire (comme l’élévation de certaines fractions lipidiques) et, a priori, un facteur de risque psychologique (donc une source possible de majoration du risque suicidaire), en altérant généralement l’image de soi.
Les auteurs estiment que d’autres recherches sont nécessaires pour « clarifier cette association » insolite, mais dont il faudrait tenir compte en matière de prévention, puisqu’une élévation sérique du cholestérol total s’accompagne ainsi d’un risque de suicide « presque doublé chez les femmes. » Il faudrait aussi savoir si cette étude (portant sur une population japonaise) est transposable à d’autres contextes : culture différente (notamment en matière d’alimentation et de vision sociale sur le suicide), facteurs génétiques, etc.
Dr Alain Cohen