Déserts médicaux : pas de révolution en vue... mais une volonté d’agir

Paris, le vendredi 13 octobre 2017 – Les consultations conduites par les équipes d’En Marche dans toute la France pour établir le "diagnostic" à la base du programme d’Emmanuel Macron ont nécessairement vu revenir régulièrement le sujet des déserts médicaux parmi les préoccupations les plus fréquemment exprimées. Pourtant, nous l’avions souligné à plusieurs reprises pendant la campagne électorale, les mesures annoncées se sont révélées souvent restreintes à quelques déclarations d’intention. Néanmoins, certains voulaient croire que le dynamisme nouveau que le Président entendait faire souffler sur la France concernerait également l’organisation des soins. D’ailleurs, sans détailler son programme, Emmanuel Macron promettait dans ce domaine pas moins qu’une révolution.

Rien de vraiment nouveau

Compte tenu de ces promesses, la déception est immanquable à la lecture du projet de lutte contre les déserts médicaux dévoilé ce matin par Agnès Buzyn, ministre de la Santé et des Solidarités et Edouard Philippe, premier ministre, à l’occasion d’un déplacement à Chalus. L’ensemble des mesures préconisées renvoie en effet le plus souvent à des dispositifs existants, tandis que certaines, depuis toujours controversées, sont absentes, telle la refonte du numerus clausus (pourtant envisagé pendant la campagne) ou le développement des transferts de compétence. Cependant, on constate une certaine volonté d’agir, illustrée notamment par un effort de cohérence dans la présentation des mesures.

Un panel de mesures souvent déjà testées

Ainsi, le plan s’articule en quatre axes qui ne manquent pas de clarté. Le premier objectif est de manière simple l’augmentation du nombre de professionnels. Le plan rappelle à cet égard la mise en place d’un nouveau forfait destiné à l’aide à l’installation dans les zones sous dense, décidé par la nouvelle convention. Un zonage tenant mieux compte des particularités locales est également à l’étude, ce qui répond à une préoccupation de nombreux observateurs. Le gouvernement projette également de faciliter le cumul emploi/retraite grâce à des exonérations de charge dans les zones les plus désertées. Pas sûr cependant que de compter sur les recrues les plus âgés corresponde à une solution pérenne ! L’exercice mixte est également plébiscité avec en perspective le développement des consultations avancées et la création d’assistants partagés entre la ville et l’hôpital. La généralisation du contrat de médecin adjoint figure également au programme : ici encore la mesure n’est pas nouvelle, le recours à ce dispositif initialement destiné à répondre à des afflux ponctuels de patients dans certaines zones touristiques dans les déserts médicaux est déjà l’objet de plusieurs expérimentations locales. Enfin, pour faire progresser le nombre de stages en médecine de ville, une amélioration de l’indemnité des maîtres de stage et une simplification des démarches pour assurer cette fonction sont prévus.

Maisons de santé : l’incontournable mesure

Augmenter le nombre de praticiens est un objectif nécessaire, mais probablement insuffisant si cette augmentation n’est pas pérenne. Plusieurs mesures ont pour objectif d’assurer cette pérennité, mais l’innovation n’est guère plus au rendez-vous. Figure ainsi à ce chapitre le déjà annoncé doublement du nombre de maisons de santé (bien que tout le monde ait souligné, jusqu’au ministre de la Santé elle-même, que cette formule n’était certainement pas la panacée). Plus séduisants sont la création d’un guichet unique d’information et d’orientation pour l’exercice des professionnels de santé, le lancement d’une mission concernant les demandes de soins non programmées aux heures d’ouverture des cabinets ou encore une entreprise de simplification des structures destinées à améliorer le parcours des patients « en situation complexe ».

Télémédecine : des équipements partout en 2020 ?

Volet très attendu du plan, le chapitre concernant la « révolution numérique » pêche lui aussi par son manque d’actions concrètes. Sont ainsi évoquées les négociations conventionnelles encore en cours concernant la fixation de tarifs, la généralisation du dossier médical personnel, le développement de services numériques et l’amélioration de la compatibilité des logiciels. Plus marquante est la promesse d’un équipement de tous les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes et toutes les zones sous dense en matériels permettant des téléconsultations d’ici 2020. 

Peut mieux faire

Enfin, marque de l’équipe Macron, le plan se caractérise par sa volonté de souplesse. Ainsi, concernant les consultations avancées, le plan indique que chaque acteur pourra « convenir librement » des modalités visant à les développer. Plus généralement le programme souhaite la mise en place d’un « cadre commun permettant aux professionnels de santé d’expérimenter de nouvelles organisations ». Concernant sa propre partie, le gouvernement promet des actions rapides avec notamment l’ouverture des guichets uniques et le cumul emploi-retraites. Ainsi, si on le voit les innovations font sans doute défaut, une véritable volonté d’assouplir les cadres est en œuvre. Néanmoins, il est fort probable que ce plan ne réponde pas, loin de là, à tous les enjeux de la question et notamment au fait que la désertification médicale est liée à l’abandon général de nombreux territoires par la plupart des services publics. A cet écueil, nulle réponse.

Aurélie Haroche

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Vos réactions (5)

  • Payer l'acte médical à sa juste valeur

    Le 13 octobre 2017

    En 1982, pour une consultation chez le généraliste, il fallait débourser 55 francs, d'après les chiffres de la Caisse nationale d'assurance maladie. Si l'on convertit cette somme en euros et qu'on lui applique l'inflation cumulée depuis 30 ans, on arrive à 19 euros. La consultation étant aujourd'hui à 23 euros, cela fait une augmentation de 21% du tarif de base entre 1982 et 2012 en francs et euros constant...

    Les charges, elles, ont cru bien plus que l'inflation (déplafonnement des cotisations d'allocations familiales d'abord, puis CSG, foncier, secrétariat...).
    Au lieu de "subventionner", il serait plus judicieux de payer l'acte médical à sa juste valeur...

    Bruno Gury

  • Devant les inégalités d'accès il faut créer des inégalités des actes et des exercices

    Le 14 octobre 2017

    Quelques possibilités, faciles à mettre en place, pourraient avoir un effet rapide. Quelques suggestions.

    Pour payer l'acte médical à sa juste valeur dans un désert médical, encore faut-il rester en équilibre financier démontré.

    Or, de nos jours, les inégalités d’accès à la médecine des assurés sociaux qui cotisent de façon égale fracturent la société française en 2 parties : les habitants des grandes centres, les plus chanceux, le plus souvent, et ceux qui vivent en milieu rural, bien plus défavorisés, à quelques exceptions près.

    La seule façon de parvenir à un résultat dans le domaine des déserts médicaux est de demander un effort à l’Assurance Maladie : créer une inégalité de valeur des actes et des exercices selon que l'on soit en ville ou en désert médical.

    Bref réduire ces inégalités et plâtrer cette fracture ne peuvent s’entreprendre qu’à l’aide de décisions inégalitaires entre les CPAM dont les assurés vivent des inégalités flagrantes.

    Des mesures immédiates sont possibles dès demain.

    1-Supprimer le ticket modérateur dans les déserts médicaux. Justifications:

    Le ticket modérateur, au lieu de modérer l’accès aux soins génère des retards de première consultation préjudiciables essentiellement là où les populations sont en difficulté économique. C’est le cas, presque toujours, des déserts médicaux.

    Cela équivaut à augmenter les actes payés aux médecins dans le désert de 30 %. Cela conduira à un diagnostic précoce et à un moindre coût, celui des longs transports vers les villes des patients qui sont en situation de recherche diagnostique.

    2-Payer les médecins pour la totalité de tous leurs actes sans ticket modérateur, ni aucune mesure discriminatoire :

    Il faut que les praticiens qui osent prendre en charge des actes, qui sont à leur portée comme la fonction de propharmacien là où cela est nécessaire, échographies sur place au lieu de les envoyer à cinquante kms, radiographies et réductions du Membre Supérieur, petits actes de gynécologie, les biologies banales avec un automate), soient payés en tiers payant comme en Allemagne, même si les actes sont réalisés le même jour, mieux encore s’ils le sont le même jour.

    Les mêmes examens prescrits par un médecin du désert médical coûteront le même prix, moins le prix des transports pour les réaliser en ville et les surcoûts des retards de diagnostics.

    3-Appliquer le tiers payant pour tous ceux qui le demandent sans restriction aucune.

    Les assurés qui vivent au désert ont rarement de quoi avancer les sommes dues à leurs praticien en tiers garant. Mieux vaut leur proposer le tiers payant sans obligations.

    4-Payer les médecins des petits hôpitaux publics plus chers là où ils sont obligés de sacrifier leur confort familial. Comment peut-on payer des émoluments semblables à un PH de Roubaix comme à un PH de Cannes ?

    Dr Jean Doremieux

  • Des déserts tout court

    Le 15 octobre 2017

    Dans les déserts médicaux l'air que l'on respire est sain et à Paris il est fortement pollué, ce qui est néfaste pour la santé, le fonctionnement cérébral et de l'organisme en général. Cela devrait faire réfléchir les politiques qui n'ont pas tout compris : ce n'est pas un problème de déserts médicaux mais de déserts tout court pour lequel ils proposent un programme de mesurettes et de saupoudrage.

    Il y aurait du bon sens et de l'intelligence à assortir cette lutte contre les déserts médicaux à des aides ou exonérations aux entreprises services et activités s'installant dans les mêmes territoires. Dans le dictionnaire le mot existe: décentralisation.

    Dr Jean Cueff

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