
Préjudice d’anxiété
Il faut dire que le succès de plus d’une vingtaine de patients en Haute-Garonne, qui ont obtenu que soit imposé aux laboratoires Merck Serono d’assurer la délivrance de l’ancienne formule du Lévothyrox, en a inspiré beaucoup. Face aux difficultés de certains patients de se procureur la précédente version du médicament, en raison de défauts d’approvisionnement des pharmacies, un magistrat de Haute-Garonne a ordonné au laboratoire Merck d'assurer cette distribution, sous peine d’une astreinte de 10 000 euros par jour et par patient ! Bien qu’en dépit de l’appel qu’il a formé contre cette décision qu’il considère illégitime, notamment parce que la répartition des médicaments ne relève pas de la responsabilité des laboratoires, Merck Serono a affirmé qu’il procurerait aux patients concernés le médicament. Mais la présidente du collectif des "victimes" de Haute-Garonne, Sylvie Chereau assure que les difficultés persistent. Certains patients témoignent de ces impairs en se faisant établir par le pharmacien une attestation de non délivrance. L’éventuelle inefficacité immédiate du recours en justice n’a pas empêché les patients qui s’étaient unis à cette action, mais qui pour des raisons de territorialité avaient été exclus de la décision, de s’engager dans une nouvelle procédure. Celle-ci concerne une quarantaine de personnes, qui seront entendues lors d’une audience devant le tribunal de grande instance de Saint-Gaudens le 4 décembre. On ne sait si le président de ce tribunal aura la même attitude que celle du juge de Toulouse qui s'était rendu dans une pharmacie proche du palais pour vérifier "expérimentalement" la difficulté de se procurer l’ancienne formule du Lévothyrox. Pas plus qu’on ne peut connaître la position des magistrats quant à la nouvelle demande de l’avocat Jacques Lévy qui souhaite désormais également la reconnaissance d’un préjudice d’anxiété, lié au fait pour les patients d’avoir présenté des effets secondaires sans pouvoir en déterminer la cause.Formidable exagération !
Enfin, sur le terrain médiatique, les outrances demeurent. Ainsi, l’actrice Annie Duperey qui fait actuellement la promotion de la dernière saison d’Une famille formidable diffusée sur TF1 n’hésite pas dans une vidéo publiée par le Figaro à lancer : « Pour émouvoir la ministre, il faudrait plus de morts du Lévothyrox » ! Par une telle sortie, on constate que la comédienne n’a pas renoncé à une vision totalement alarmiste de l'affaire et en décalage avec les données de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Annie Duperey s’attèle d’ailleurs à contester vigoureusement toutes les présentations de l’affaire qui accorderait une place plus importante aux défauts d’information qu’aux effets secondaires. Elle a ainsi morigéné des journalistes d’Envoyé Spécial, leur reprochant une mauvaise écoute des maux des patients et une déformation de la situation belge (où le passage à une autre formule du Lévothyrox, mais pas celle aujourd’hui commercialisée en France, a pu éviter les crispations grâce à une information préalable du risque d’effets secondaires transitoires). Mais les journalistes de France 2 ont refusé de s’amender face à la comédienne et lui ont répondu : « Nous contestons avoir commis une quelconque faute ».Gageons que l’affaire Lévothyrox pourrait connaître une longévité comparable à la série Une famille formidable !
Aurélie Haroche