
Plus de 1 400 mouvements sociaux dans les hôpitaux depuis le début de l’année
Ce sont des familles qui ne reçoivent aucune réponse quand elles se présentent aux urgences, ce sont des médecins qui ne parviennent pas à obtenir de rendez-vous spécialisés ou d'imagerie dans des délais raisonnables pour leur patient, ce sont des équipes qui voient rejetées quasiment systématiquement toutes leurs demandes de nouveaux équipements. Chaque jour, l’hôpital souffre et voit sa réputation d'excellence se déliter auprès d’une population constatant ses défaillances et ses dysfonctionnements. Les hyper centres qui partout ont été constitués à partir de la fermeture d’hôpitaux de moins grande importance ne sont pas toujours à la hauteur des espérances. A Paris, par exemple, la concentration des urgences pédiatriques semble avoir contribué à un engorgement et à une prise en charge sommaire des jeunes patients, y compris des cas complexes. Les infirmiers et les médecins ont tenté de tirer la sonnette d’alarme à de multiples reprises ces derniers mois. Depuis le début de l’année on a ainsi recensé pas moins de 1 400 mouvements sociaux dans les différents établissements publics. Les médecins se sont régulièrement associés à la grogne. En septembre, 360 médecins hospitaliers de l’Isère, du Rhône, de Savoie et de Haute-Savoie écrivaient leur désarroi au ministre de la Santé. Tous faisaient le même constat : celui d’un service hospitalier qui ne cesse de se dégrader et qui répond de plus en plus difficilement aux besoins de la population. Attentes interminables dans les services d’urgences, manque de matériel, bricolage pour pallier les pénuries de certains équipements élémentaires (comme les draps ou les blouses), absentéisme en progression en raison d’un épuisement de plus en plus marqué et peut-être plus encore d’un sentiment de perte de sens : les maux ont été décrits à de très nombreuses reprises. Ils sont encore évoqués aujourd’hui par les praticiens de l’Assistance publique – hôpitaux de Marseille (AP-HM) qui s’inquiètent de l’annonce de la possible suppression d’un millier de postes.Un diagnostic ministériel mais pas de traitement défini
Agnès Buzyn a-t-elle pris la mesure de la gravité de la situation ? Dans un entretien accordé à Libération, elle considère qu’une restructuration de l’hôpital est « indispensable ». « Nous sommes arrivés au bout d'un système » juge-t-elle encore. Considérant que la question des moyens financiers n’est pas seule en cause, elle veut se concentrer également sur le sens de la mission des personnels hospitaliers. « Nous avons risqué de faire perdre le sens de la mission de l'hôpital aux équipes en leur faisant croire qu'elles ne devaient faire que la rentabilité. Les équipes hospitalières ont été malheureuses de ce virage. Et cette logique est arrivée à son terme » observe-t-elle encore. La ministre se montre cependant peu précise quant aux réformes qu’elle entend appliquer pour offrir un regain de vitalité aux hôpitaux effectivement à bout de souffle. « Il va falloir recentrer leur activité sur leur valeur ajoutée et la médecine de recours, en renforçant leur capacité à accueillir tout le monde. Il faut surtout redonner confiance aux équipes de l'hôpital et du sens à leur mission » se contente-t-elle de noter.Aurélie Haroche