Pollution : la France, dans le viseur (avec d’autres) de la Commission européenne

Paris, le mardi 30 janvier 2018 – Feinte pour donner le change et ne pas être à son tour ciblée par les critiques ou véritable volonté d’action ? La Commission européenne donne le sentiment aujourd’hui de taper du poing sur la table face à la pollution persistante dans la plupart des pays de l’Union. Aujourd’hui, notamment, neuf états, qui dépassent très régulièrement les seuils recommandés concernant l’émission de particules fines (PM10) et de dioxyde d’azote (NO2) sont convoqués par Bruxelles en une réunion de la dernière chance. Outre la France, l’Allemagne, l’Espagne, la Hongrie, l’Italie, la République Tchèque, la Roumanie, le Royaume-Uni et la Slovaquie sont les participants de ce sommet de mauvais élèves. Bruxelles a prévenu : si des solutions concrètes et efficaces ne sont pas trouvées et si des résultats ne sont pas obtenus prochainement, la Cour européenne de justice sera saisie et de lourdes amendes pourraient sanctionner les états épinglés.

Paroles, paroles, paroles

L’annonce pourrait ne pas totalement convaincre. Le commissaire européen à l’Environnement, Karmenu Vella, reconnaît lui-même que cette rencontre est le point d’orgue d’une « longue période, trop longue diront certains, pendant laquelle nous avons proposé notre aide, donné des conseils et lancé des avertissements ». Loin de Bruxelles, certains se montrent plus acerbes en faisant remarquer que les premières alertes visant la France remontent à 2009 et que les sanctions promises dès cette époque se font toujours attendre. Que dire, de la même manière, du fait qu’il y a un an, à propos du dioxyde d’azote, Bruxelles lançait déjà ce qui devait constituer un « dernier avertissement » ? Pourtant, parfois, la menace est mise à exécution. Ainsi, la Bulgarie et la Pologne font déjà l’objet d’une procédure devant la CJUE concernant la pollution aux particules fines. Mais la méthode pourra-t-elle s’imposer toujours quand on sait qu’au total ce ne sont pas seulement onze pays, mais 23 sur 28 dont les taux de pollution dépassent régulièrement les normes fixées par la Commission ?

Sur la bonne route ?

Du côté des associations militantes, la convocation de Bruxelles suscite cependant l’espoir, espoir d’un sursaut des pouvoirs publics pour prendre la mesure des enjeux. Greenpeace déplore ainsi : « Bien qu’il existe des lois censées protéger les populations, pendant des années, les gouvernements n’ont tout simplement pas pris les mesures nécessaires pour mettre fin aux niveaux illégaux de pollution de l’air ». Certains remarquent néanmoins que le gouvernement français actuel a pris quelques mesures. L’augmentation de la fiscalité du gazole prévue cette année et la baisse des limitations de vitesse vont dans le bon sens remarque par exemple le Réseau Action Climat, mais l’absence de « mesures structurantes pour développer les solutions alternatives au transport routier » est regrettée. Peut-être les semaines à venir permettront de faire évoluer ce diagnostic alors que Nicolas Hulot, ministre de l’Écologie, a sommé tous les préfets de lui présenter avant fin mars un plan anti-pollution et alors que de nombreuses villes ont récemment déployé leur propre programme (au grand dam souvent des automobilistes!).

Sauver des vies

Difficile à réellement évaluer, tant les facteurs de confusion sont nombreux, la pollution liée aux particules fines serait responsable de 9 % de la mortalité en France, soit 48 283 décès très exactement, selon une publication réalisée dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) en 2016. Il faut dire que dans neuf villes françaises (Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux, le Havre, Lille, Rouen, Strasbourg et Toulouse), intégrées dans le projet européen Asphekom, dont l’objectif est d'évaluer l’impact sanitaire de la pollution atmosphérique le niveau de particules fines a varié de « 14 à 20 µg/m3 selon la ville » au cours de la période 2004/2006 alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande de ne pas dépasser 10 µg/m3. Selon les auteurs des estimations discutables concernant la mortalité globale, si l'ensemble des communes françaises étaient aussi "vertueuses" que les 5 % de communes où la pollution est la plus restreinte, une diminution de 7 % de la mortalité pourrait être espérée, une augmentation de l'espérance de vie de neuf mois et près de 35 000 décès évités. Les normes de l’OMS sont cependant souvent plus sévères encore que celles de l’Union européenne… mais il s’agit d’un autre type de pollution !

Aurélie Haroche

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