La rougeole tue à Poitiers

Paris, le mercredi 14 février 2018 – Depuis plusieurs mois, l’Aquitaine est touchée par une épidémie de rougeole qui suscite une inquiétude croissante. Selon les chiffres communiqués hier par l’Agence régionale de Santé (ARS), 283 cas ont été notifiés entre le 1er novembre et le 13 février, dont 66 ont nécessité une hospitalisation. Dans la très grande majorité des cas (90 %), les patients n’étaient pas vaccinés ou n’avaient pas reçu l’ensemble des doses recommandées (dans une région où la couverture vaccinale est inférieure à la moyenne nationale). Quatre personnes ont dû être admises en réanimation et une femme est morte ce samedi au CHU de Poitiers.

Des mesures de protection insuffisantes au CHU de Poitiers ?

Elle s’appelait Jessica et avait 32 ans. Le Centre hospitalier universitaire (CHU) qui l’a prise en charge indique que son décès est survenu « dans un contexte de comorbidités sévères et complexes ». La mère de Jessica qui a souhaité témoigner devant la presse a notamment confirmé que sa fille souffrait d’obésité sévère. Cette pathologie avait conduit la jeune femme à restreindre drastiquement ses déplacements et ses sorties. Elle s’était contentée récemment d’accompagner ses parents au CHU de Poitiers, où selon sa mère elle aurait été contaminée dans la salle d'attente. Ce week-end là effectivement, le CHU a reçu un afflux important de patients atteints de la rougeole et confirme qu’elle pourrait faire partie des cinq personnes ayant pu « contracter la maladie au contact d’un autre patient (…) lors de l’apparition des premiers cas ». Si des mesures destinées à limiter la propagation de l’épidémie au sein de l’hôpital ont été aujourd’hui prises, la mère de Jessica assure qu’elles n’avaient pas été déployées lors de la visite de la jeune femme à son père. Elle déplore par ailleurs que sa famille n’ait pas fait partie des personnes contactées par l’ARS pour les alerter d’un éventuel risque ; bien qu’une procédure de rappel ait bien été lancée qui a inclus 91 personnes et une centaine de soignants. Jessica n’était pas vaccinée ; sa mère affirme que quand la question s’était posée pendant son enfance, le discours ambiant assurait que cela n’était pas nécessaire. On compte ainsi des milliers de jeunes adultes non protégés : « Il y a des gens de 20 à 40 ans qui ont grandi sans être vaccinés et se retrouvent aujourd'hui non immunisés. Il reste un énorme réservoir de sujets non immunisés, qui peuvent être demain les prochains cas de rougeole, voire de décès », déplore Daniel Lévy-Brühl, responsable de l'unité chargée des infections respiratoires et de la vaccination au sein de Santé publique France.

Très contagieuse et potentiellement mortelle

Ce tragique épisode le rappelle : la vaccination contre la rougeole est essentielle et est d’ailleurs désormais obligatoire pour tous les nourrissons. D’abord, parce que la rougeole est très contagieuse : « Dans une population non vaccinée, on estime qu’un malade de la rougeole va infecter en moyenne 17 personnes de son entourage. Pour la grippe, c’est seulement 1,5 personne », rappelle cité par La Croix le professeur Floret vice-président de la commission technique des vaccinations. Ensuite parce qu’elle est potentiellement une maladie grave. « Parmi les adultes, qui développent des complications mortelles de la rougeole, principalement des pneumopathies ou des encéphalites, une partie non négligeable sont des personnes immuno-déprimées. Mais, parfois, la rougeole peut aussi tuer des gens en parfaite santé », insiste le professeur Floret. Plus que jamais, l’engagement réaffirmé des autorités en faveur de la vaccination apparaît essentiel : ce matin Agnès Buzyn a prié les personnes non vaccinées de faire un rattrapage. L’ARS d’Aquitaine insiste sur le fait qu’au moindre doute quant à son statut vaccinal, il importe de consulter son médecin rapidement.

Aurélie Haroche

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Vos réactions (10)

  • L'obligation sera-t-elle respectée ?

    Le 14 février 2018

    Malheureusement ce n'était pas seulement il y a 20 ans ou 40 ans qu'à propos de la vaccination "le discours ambiant assurait que cela n’était pas nécessaire". C'est encore malheureusement le cas aujourd'hui. L'obligation est une sage mesure, mais sera-t-elle respectée ?

    Dr Patrick Froger
    Médecin généraliste retraitée

  • La rougeole tue

    Le 14 février 2018

    Le procain épisode : la mère attaque le CHU de Poitiers.
    Cette dame a expliqué sur les antennes de plusieurs radios :
    1 qu'elle n'a bien sûr rien contre les vaccins.
    2 qu'au début des années 80 on lui a dit que la rougeole était éradiquée.
    3 que l'hôpital a manqué à ses devoirs.

    Dr Jack Genaudeau

  • S’interroger sur sa culpabilité

    Le 14 février 2018

    Avant d’incriminer l’hôpital, la mère aurait quand même pu évaluer le bénéfice-risque pour sa fille quant à une vaccination qui lui a sûrement été recommandée alors que celle-ci était porteuse de surcroît d’un facteur de comorbidite (obésité majeure). Trop facile de se disculper en accusant les autres ! Et pas capable de s’interroger sur sa culpabilité à elle !

    Dr Marie-France Marchand

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