
Un essai en ouvert en situation de pratique médicale courante
Cette situation est à l’origine de l’étude dite TASMINH4 (Telemonitoring and/or self-monitoring of blood pressure in hypertension), un essai randomisé mené au Royaume-Uni sur groupes parallèles dans les conditions de la pratique médicale courante. L’étude a en effet reposé sur l’intervention de 142 médecins généralistes qui ont pris en charge 1 182 patients hypertendus (PAS/PAD > 140/90 mm Hg) âgés d’au moins 35 ans. Les participants ont été répartis par tirage au sort dans trois groupes (1:1:1) : autosurveillance sans (AS) ou avec télésurveillance (AS/TS) et prise en charge usuelle (PU). L’essai est ouvert, en ce sens que ni les participants ni les investigateurs n’ignoraient les modalités de la prise en charge propres à chaque groupe. Le critère de jugement primaire n’a été ni plus ni moins que la valeur de la pression artérielle systolique (PAS) atteinte 12 mois après le tirage au sort, sa mesure étant effectuée selon la méthode sphygmomanométrique classique.Dans les deux groupes AS et AS/TS, les valeurs de la PAS se sont avérées plus faibles que dans le groupe PU, soit respectivement 137,0±16,7 mm Hg, 136,0±16,1 mm Hg versus 140,4±16,5 mm Hg. Les différences moyennes ajustées (vs groupe PU) étaient respectivement à –3,5 mm Hg [intervalle de confiance à 95 %, IC –5,8 à –1,2] (AS) et –4,7 mm Hg (–7,0 à –2,4) (AS/TS). Aucune différence significative n’a été en revanche mise en évidence entre les groupes AS et AS/TS (soit –1,2 mm Hg [IC –3,5 à 1,2]). Les analyses de sensibilité incluant des imputations multiples n’ont en rien modifié ces résultats. La fréquence des évènements indésirables s’est avérée identique dans les trois groupes.
Un bénéfice clairement établi qui devrait modifier les recommandations
Ainsi, l’autosurveillance de la PA chez les patients atteints d’une HTA mal équilibrée permet un meilleur contrôle des chiffres tensionnels, qu’elle soit couplée ou non à la télésurveillance. Ce bénéfice est clairement établi dans les conditions de la pratique médicale courante, celle de médecins généralistes exerçant, en l’occurrence, au Royaume-Uni. La baisse des chiffres tensionnels obtenue dans les groupes AS avec ou sans TS (de l’ordre de 5 mm Hg) se traduirait de facto par une réduction du risque d’AVC de 20 % et de maladie coronaire de 10 %, ce qui concrètement est plus que significatif, encore qu’il s’agisse d’une extrapolation.Dans ces conditions, l’autosurveillance de la PA pourrait prétendre au statut de pierre angulaire de la prise en charge de l’HTA mal équilibrée, dès lors que le patient accepte d’y recourir. Si tel est le cas, l’observance s’en trouve à l’évidence renforcée. Il reste à intégrer cette pratique dans les recommandations officielles et la pratique médicale courante du monde réel, quelque peu éloigné du monde des essais contrôlés.
Il faut notamment tenir compte des contraintes imposées à la communauté médicale qui sera de plus en plus soumise à une avalanche de signaux numériques émanant de leurs patients, pas seulement les hypertendus. Le développement de cette médecine digitale est dans l’air du temps et la pléthore d’objets connectés va favoriser son essor, ce qui risque de modifier en profondeur la pratique médicale et de nécessiter des régulations techniques nouvelles. La réactivité thérapeutique immédiate a des exigences et un coût qui ne sauraient être ignorées au plus haut niveau de la collectivité, a fortiori si le spectre des maladies concernées s’élargit de plus en plus, ce qui est concevable.
Dr Peter Stratford