Tribune contre les « médecines alternatives » : l’Ordre des médecins ne cache pas son agacement

Paris, le lundi 19 mars 2018 – Comme nous l’évoquions dès lundi, cent vingt-quatre professionnels de santé, principalement des médecins, ont publié, cette semaine, une tribune contre les « médecines alternatives » dans le Figaro. Dans ce texte au vitriol, les signataires fustigeaient, notamment, les « charlatans en tout genre qui recherchent la caution morale du titre de médecin pour faire la promotion de fausses thérapies à l'efficacité illusoire » qualifiées de « fake médecine ».

Un "bad buzz" pour l’Ordre

Les commentaires ont été très nombreux. Rares ont été ceux se félicitant d’une prise de position sans nuance. L’Ordre des médecins, directement pris à partie par les signataires qui lui reprochent son inaction, se montre également agacé par cette tribune. Sur la forme, tout d’abord, l’instance regrette sa teneur « véhémente » qui a contribué à nourrir : « le buzz médiatique » plutôt « qu’une réflexion sereine et argumentée sur le sujet » juge-t-il. Ce "buzz" aurait favorisé une « confusion des genres ». Sur le fond, l’Ordre semble refuser de trancher. Concernant les « aspects scientifiques », il indique « qu’il ne tire d’aucun texte une compétence institutionnelle pour se prononcer ». Il demande donc à l’Académie de médecine de se pencher une nouvelle fois sur le sujet. Néanmoins, l’Ordre a pu publier quelques documents d’information, auxquels il renvoie pour que chacun « se forme sa propre appréciation ». Enfin, concernant les « aspects déontologiques », l’Ordre estime que son intervention ne peut se faire qu’au cas par cas. Le communiqué se conclut par une petite mise en garde concernant l’expression des praticiens dans la sphère publique ! Voilà qui ne devrait guère renforcer l’estime des signataires de la tribune vis-à-vis de l’instance ordinale.

Pas d’amalgame !

Ajoutant sa voix aux contradicteurs du texte, le SML (Syndicat des médecins libéraux), contribue un peu plus à faire de l’Ordre un défenseur de l’homéopathie. L’organisation rappelle en effet que « quatre médecines alternatives et complémentaires sont officiellement reconnues par l’Ordre : l’homéopathie, l’acupuncture, la mésothérapie et la médecine manuelle ostéopathie ». Elle en conclut que ces disciplines « n’ont donc rien de fantaisistes ». D’une manière générale, le SML fustige un « insupportable amalgame ».

Il s’étonne ainsi « de voir certains médecins s’ériger en inquisiteurs » pour assimiler à « des pratiques déviantes », les « orientations pratiquées par des médecins dans un cadre défini et reconnu ». Il affirme apporter « son soutien aux confrères injustement et gratuitement attaqués dans cette tribune qui visiblement se trompe de cible ».

Attention danger

Face à ces querelles, les pouvoirs publics, tout en évitant toute surenchère, affichent clairement leur mise en garde vis-à-vis des conséquences potentiellement néfastes des médecines alternatives. Dans une fiche publiée ce mardi, le ministère de la santé fait la distinction entre médecine conventionnelle et médecines alternatives. Il signale que ces dernières, même si elles peuvent faire l’objet de diplômes d’université ou universitaires ne relèvent pas de « diplômes nationaux ». Le gouvernement indique encore que les médecines alternatives « ne s'appuient pas sur des études scientifiques ou cliniques montrant leurs modalités d'action, leurs effets, leur efficacité ou encore leur non-dangerosité » et que dans certains cas « elles peuvent annihiler les chances d'amélioration ou de guérison des personnes malades ».

Xavier Bataille

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions (12)

  • Abus de confiance auprès d'une clientèle naïve

    Le 23 mars 2018

    Qu'on appelle enfin un chat un chat ne peut qu'être profitable à tous, à commencer par les patients.
    Personnellement, je souscris entièrement à ce texte concernant les "médecines" alternatives. Et je me réjouis qu'on ne les appelle plus médecines parallèles car selon Euclide, des parallèles sont des droites qui ne peuvent jamais se croiser...

    J'ai toujours été choqué par le fait que ces médecins alternatifs s'abritent derrière le titre de docteur en médecine qui leur a été décerné par une faculté de médecine au terme de leurs études scientifiques légales. Une fois en possession de ce titre, s'appuyant sur cette reconnaissance légale, ils s'empressent de faire le contraire de ce qui leur a été enseigné, ce qui correspond donc manifestement à de l'abus de confiance auprès d'une clientèle naïve, rassurée et abusée par le titre de docteur en médecine.

    Pour avoir le droit de conduire il faut passer un examen au terme duquel on reçoit un permis de conduire. Mais si le conducteur se met à rouler à gauche, à brûler les feux rouges et ne respecte pas les stop, il se fait verbaliser et son permis lui est retiré car ce sont des fautes graves: c'est juste le contraire de ce qu'on lui a appris. On l'oblige à repasser son examen...

    Je ne vois pas pourquoi un médecin qui se permet de faire le contraire de ce qu'il a appris pendant ses études a encore le droit de porter ce titre et d'exercer la médecine.
    Un bémol: avant de blâmer les médecins "alternatifs", les autres médecins doivent être certains de toujours essayer de se conformer aux données reconnues de la science et de consacrer à leur patients un minimum de temps raisonnable ...

    Dr Camille Willem

  • Patients sur-bilantés et abandonnés

    Le 24 mars 2018

    Déserts médicaux (on les a vu venir depuis plus de vingt ans...), charges pesant sur les actes libéraux ayant été à l'origine de leur inflation et de leur dénaturation, services d'urgences dantesques, 35 heures à l’hôpital, répondeur à 17 h, l'ambulance la plus proche à 30 km, le centre 15 qui démarre une garde de WE sans disponibilité de lits...J'en passe et des meilleurs.

    Et parallèlement ubérisation des formations de "thérapeutes" en tout genre sans contrôle, masquant des reconversions de personnes aux chômage ou en "développement" personnel qui cependant créent des clientèles à 70 € en moyenne la séance. Pourquoi ? Car certaines techniques de ces médecines alternatives tant décriées marchent et sont recherchées par de plus en plus de patients sur-bilantés puis abandonnés à leur propre sort... Le plus bel exemple hier sur les grands médias : le coût exorbitant du "mal de dos" et l’inefficacité des traitements proposés par la médecine classique qui a fait disparaître de ses tablettes l'écoute, le ressenti, l'examen clinique et des techniques simples qui devraient être enseignées dans toutes les formations de kinésithérapeutes, infirmières, médecins et j'ajoute d'aide soignante qui sont peut être les seules maintenant à voir et à toucher le malade nu...on est loin de la polémique des petites granules...

    Dr B. Lamy (médecin généraliste et acupuncteur retraité)

  • "Docteur"

    Le 24 mars 2018

    Revenant sur "la caution morale du titre de médecin" un point me semble actuellement totalement occulté : le titre de "docteur" tout court.
    Dans le langage usuel ce titre, en France, est systématiquement synonyme de "médecin" contrairement à d'autres pays comme l'Italie. Or, du temps lointain où j'appris la médecine légale j'ai gardé en souvenir que, pour éviter l'équivoque, il était interdit de se faire appeler "docteur" tout court par tout non médecin. Le titre obligatoire étant "docteur en xxx" (en pharmacie, en dentisterie...).
    Si je ne me trompe pas et si cette règle est toujours valable que fait l'ordre pour la faire respecter et éviter toute confusion dans le public ?

    Dr (en médecine) Yves Gille

Voir toutes les réactions (12)

Réagir à cet article