
Une pétition soutenue par Freud et Hippocrate…
Les signataires, dont Jean-Paul Hamon de la FMF (Fédération des médecins de France), le psychiatre Christophe André ou encore le pneumologue Irène Frachon soulignent, qu’historiquement, le serment d’Hippocrate comportait un tel interdit : « dans quelque maison que j’entre, j’y entrerai pour l’utilité des malades, me préservant de tout méfait volontaire et corrupteur, et surtout de la séduction des femmes et des garçons, libres ou esclaves ». Cependant, ce paragraphe ne figure plus dans le serment aujourd’hui prononcé par les nouveaux médecins, tandis que le code de déontologie est muet sur le sujet.L’absence d’une telle disposition aboutirait à ce que « les plaintes des victimes auprès de l’Ordre des médecins aboutissent trop souvent à des relaxes, à des sanctions symboliques, voire à la culpabilisation des patients ! ». Les plaignants en sortiraient alors « doublement brisés : à la fois par la toxicité d’une relation dont les mécanismes s’apparentent à ceux de l’inceste, et par la responsabilité qu’on leur fait porter dans cette relation » détaillent les auteurs de l’appel.
Les signataires avancent également que les mécanismes du transfert et contre-transfert amoureux décrit par Sigmund Freud « doivent conduire le médecin à s’interdire toute forme de sexualité avec ses patient(e)s, quels que soient ses sentiments, leurs déclarations ou l’interprétation qu’il en aurait faite ».
…mais pas par l’Ordre !
Soulignons qu’en 2016 l’Ordre a prononcé 35 sanctions et 6 radiations en première instance et 15 sanctions et 4 radiations en appel pour manquements déontologiques à caractère sexuel.Mais, selon le docteur Dupagne, interrogé par Le Monde, certains patients accusateurs dénoncent le mauvais accueil du conseiller ordinal et « il y a un corporatisme très fort chez les médecins, nous avons plein d’exemples où les conseils départementaux de l’Ordre protègent des notables (…) On n’est pas sûrs qu’ajouter un interdit explicite dans le code de déontologie diminuera le nombre de comportements déviants, mais il permettrait au moins de renverser la charge de la preuve ».
L’Ordre des médecins invité lui aussi à réagir dans les mêmes colonnes assure mener une « lutte déterminée contre toutes sortes d’abus à caractère sexuel que des médecins commettraient » tout en se déclarant défavorable à l’ajout d’un nouvel article. Pour l’institution, il constituerait une « intrusion dans la vie privée de personnes libres et consentantes » et serait « inutile » : la loi permettant déjà de réprimer « tous les abus de faiblesse sur personne en situation de vulnérabilité, y compris en matière sexuelle ».
Si la formulation préconisée par les auteurs de l’appel semble de fait trop autoritaire, ne serait-ce que pour être validée par le Conseil d’État qui pourrait y voir une violation d'une liberté fondamentale, l’introduction d’une recommandation, telle qu’elle existe dans de très nombreux codes et chartes professionnels pourrait effectivement être justifiée. Il s’agirait de rappeler le caractère extrêmement délicat de toute relation sexuelle entre un médecin et son patient, compte tenu des difficultés d’être assuré de la liberté du consentement, tout en n’écartant pas la possibilité de la naissance d’une véritable attirance partagée et libre.
F.H.