Balance ton doc : faut-il interdire aux médecins d’avoir des relations sexuelles avec leur patient ?

Paris, le mardi 27 mars 2018 – A l’initiative du docteur Dominique Dupagne, administrateur du site Atoute.org, des médecins et des patients appellent le ministre de la santé à intégrer, par décret, dans le code de déontologie médicale un article stipulant : « le médecin doit s’interdire toute relation sexuelle avec les patients dont il a la charge ».

Une pétition soutenue par Freud et Hippocrate…

Les signataires, dont Jean-Paul Hamon de la FMF (Fédération des médecins de France), le psychiatre Christophe André ou encore le pneumologue Irène Frachon soulignent, qu’historiquement, le serment d’Hippocrate comportait un tel interdit : « dans quelque maison que j’entre, j’y entrerai pour l’utilité des malades, me préservant de tout méfait volontaire et corrupteur, et surtout de la séduction des femmes et des garçons, libres ou esclaves ». Cependant, ce paragraphe ne figure plus dans le serment aujourd’hui prononcé par les nouveaux médecins, tandis que le code de déontologie est muet sur le sujet.

L’absence d’une telle disposition aboutirait à ce que « les plaintes des victimes auprès de l’Ordre des médecins aboutissent trop souvent à des relaxes, à des sanctions symboliques, voire à la culpabilisation des patients ! ». Les plaignants en sortiraient alors « doublement brisés : à la fois par la toxicité d’une relation dont les mécanismes s’apparentent à ceux de l’inceste, et par la responsabilité qu’on leur fait porter dans cette relation » détaillent les auteurs de l’appel.

Les signataires avancent également que les mécanismes du transfert et contre-transfert amoureux décrit par Sigmund Freud « doivent conduire le médecin à s’interdire toute forme de sexualité avec ses patient(e)s, quels que soient ses sentiments, leurs déclarations ou l’interprétation qu’il en aurait faite ».

…mais pas par l’Ordre !

Soulignons qu’en 2016 l’Ordre a prononcé 35 sanctions et 6 radiations en première instance et 15 sanctions et 4 radiations en appel pour manquements déontologiques à caractère sexuel.

Mais, selon le docteur Dupagne, interrogé par Le Monde, certains patients accusateurs dénoncent le mauvais accueil du conseiller ordinal et  « il y a un corporatisme très fort chez les médecins, nous avons plein d’exemples où les conseils départementaux de l’Ordre protègent des notables (…) On n’est pas sûrs qu’ajouter un interdit explicite dans le code de déontologie diminuera le nombre de comportements déviants, mais il permettrait au moins de renverser la charge de la preuve ».

L’Ordre des médecins invité lui aussi à réagir dans les mêmes colonnes assure mener une « lutte déterminée contre toutes sortes d’abus à caractère sexuel que des médecins commettraient » tout en se déclarant défavorable à l’ajout d’un nouvel article. Pour l’institution, il constituerait une « intrusion dans la vie privée de personnes libres et consentantes » et serait « inutile » : la loi permettant déjà de réprimer « tous les abus de faiblesse sur personne en situation de vulnérabilité, y compris en matière sexuelle ».

Si la formulation préconisée par les auteurs de l’appel semble de fait trop autoritaire, ne serait-ce que pour être validée par le Conseil d’État qui pourrait y voir une violation d'une liberté fondamentale, l’introduction d’une recommandation, telle qu’elle existe dans de très nombreux codes et chartes professionnels pourrait effectivement être justifiée. Il s’agirait de rappeler le caractère extrêmement délicat de toute relation sexuelle entre un médecin et son patient, compte tenu des difficultés d’être assuré de la liberté du consentement, tout en n’écartant pas la possibilité de la naissance d’une véritable attirance partagée et libre.

F.H.

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Vos réactions (12)

  • Oui, j'approuve !

    Le 27 mars 2018

    Ce projet d'une très haute tenue morale: la chair est faible, mais l'esprit peut la dominer, avec l'aide du Seigneur tout puissant, Amen...
    Mais je trouve que nos pétitionnaires la jouent "petit bras" : pourquoi en rester là? Il vaudrait mieux interdire aux femmes de se faire soigner par des médecins hommes; par contre, on pourrait autoriser les hommes à se faire soigner par des médecins femmes, d'abord parce qu'un homme a en principe les moyens de se défendre s'il est sexuellement agressé par une femme, ensuite parce que, vu la féminisation de la profession, viendra un moment ou çà sera pas de la tarte pour trouver un médecin mâle...

    Mais j'y pense, même avec cette ségrégation des sexes (qui me rappelle vaguement quelque chose, mais j'arrive pas à savoir quoi...) une femme risque de se faire sexuellement agresser par une femme médecin homosexuelle, donc çà suffit pas à garantir les bonnes mœurs et la vertu.
    Reste plus qu'une solution: interdire le sexe. Patience, on y viendra...j'en viens à me réjouir d'arriver à un âge ou tout cet attirail ne me servira bientôt plus qu'à pisser, et surtout de n'avoir engendré que des filles: si j'avais eu des fils, je m'en voudrais de les avoir jetés malgré eux dans un monde aussi hostile...

    Dr Jean-Marc Ferrarini

  • Message salutaire

    Le 28 mars 2018

    Outre que cette formulation est necessaire contre les abus sexuels, écrire que "le médecin doit s'interdire... etc" me parait très interessant, voire meme salutaire pour le médecin aussi.

    En effet, je n'apprendrai à aucun professionnel qu'on est quelquefois confronté à des patientes érotomanes ou simplement "aventureuses", surtout en début de carrière (!) et ce texte oblige à réfléchir avant de céder à un "effet d'aubaine" qui peut se retourner rapidement contre le médecin lui meme.

    "spiritus promptus est, caro autem infirma" disait Voltaire...

    Bref, ça me semble bien venu de rappeler ce genre d'évidence.

    D E Orvain

  • Renverser la charge de la preuve

    Le 30 mars 2018

    Magnifique, certains de nos confrères et consoeurs vont devoir faire la preuve de l'absence d'agression ou d'abus de faiblesse à caractère sexuel. Autant se balader avec une GoPro 360°, on aura presque tous l'air de chirurgien avec une lampe frontale. Sinon démontrer l'inexistence de quelque chose est en principe impossible.

    Si je peux me permettre, c'est JC en 32 après JC qui a sorti cette phrase, à la base (sûrement en araméen ou en hébreu).

    Dr Pierre Serveille

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