
Données de santé : la France a de l’or entre les mains
Les données ou « data » constituent le carburant de l’intelligence artificielle. Or la France apparaît comme l’un des pays les plus riches en données médicales. Cet or numérique, Cédric Villani propose de l’exploiter à sa juste valeur.Il met ainsi en avant la nécessité de revoir l’architecture du Système national des données de santé (SNDS) et propose en particulier de revenir sur l’obligation de non-réidentification, c'est-à-dire d’anonymisation, dans le cadre des travaux de recherche.
Autre bouclier à lever, selon lui, « l’accès aux données du SNDS est conditionné à une procédure d’évaluation d’intérêt public ex ante, au cours de laquelle le demandeur est obligé de décrire les finalités de son projet et les méthodes pour y parvenir. Or la recherche en matière d’IA nécessite des capacités d’exploration et d’expérimentation qui ne peuvent pas toujours être décrites complètement par leurs concepteurs en amont » rappelle-t-il.
Pour éviter les dérives de l’accès plus facile des chercheurs aux données de santé de la population (en matière d’IA la frontière paraît ténue entre bénéfice pour les sciences et risque d’intrusion trop importante dans la vie privée), le mathématicien du palais Bourbon propose que soit « finement » maitrisé « l’accès aux informations contenues dans le système » par exemple par la création « d’un guichet unique » de collecte des demandes émanant d’instituts de recherche.
En outre, le député estime nécessaire que soit « développée une offre lisible d’accès aux bases de données hospitalières » et d’assurer « l’interopérabilité des données et des systèmes (des hôpitaux jusqu’au SNDS) ».
Demain le « Deep patient »
Estimant que l’exploitation, par l’intelligence artificielle, des données d’un patient permettra de retracer une image précise de celui-ci (Deep Patient), de prédire l’apparition et l’évolution d’une maladie, ainsi que d’adapter sa prise en charge, le document du député de l’Essonne recommande de lancer un nouveau chantier spécifique, accompagnant le Dossier Médical Partagé (DMP), « de production d’informations et de données de santé utilisables à des fins d’IA ». « Articulé avec le DMP ce dernier serait élargi comme un espace sécurisé où les individus pourraient stocker leurs données, en ajouter d’autres eux-mêmes, autoriser leur partage à d’autres acteurs (médecins, chercheurs, membres de l’entourage, etc.) et les récupérer pour d’autres usages ».Ne dites pas à ma mère que je suis médecin…elle me croit ingénieur !
Pour Cédric Villani, l’enjeu de demain, pour les professionnels de santé sera d’organiser leur interaction vertueuse avec l’intelligence artificielle. A ce titre, il formule un certain nombre de recommandations, en particulier pour la formation du médecin.Pour lui, il apparaît nécessaire de transformer les voies d’accès aux études de médecine pour diversifier les profils et intégrer davantage d’étudiants spécialisés dans le domaine de l’informatique et de l’IA. Bien entendu, il recommande également de former les professionnels de santé aux usages de l’intelligence artificielle…et de recentrer la formation sur l’empathie et le rapport avec les patients.
Des machines irresponsables ?
Si l’IA tient toutes ses promesses, il apparaîtra indispensable de redessiner les contours de la responsabilité médicale. En la matière, le rapport juge qu’en « l’absence de la reconnaissance d’une personnalité juridique autonome pour l’algorithme et le robot, il serait envisageable de tenir le médecin pour responsable de l’utilisation des programmes, algorithmes et systèmes d’intelligence artificielle, sauf défaut de construction de la machine ».Et l’éthique dans tout ça ?
En matière d’éthique médicale, le document ne se fait pas très disert et propose uniquement d’expérimenter de nouvelles procédures de qualification et certification des algorithmes ayant vocation à être utilisés dans un contexte médical, à l’instar du programme FDA Pre-cert lancé en juillet 2017 par la Food and Drug Administration aux États-Unis et d’intégrer la question de l’IA dans les débats de bioéthique.A l’inverse, Cédric Villani met en avant les dangers d’un « environnement réglementaire trop contraignant ».
L’enthousiasme certain qui marque ce rapport pourrait interpeller ceux qui s’inquiètent des risques potentiels de ces évolutions technologiques.
F.H.