Urgences de Troyes : miroir d’un système ou pathologie spécifique ?

Paris, le vendredi 4 mai 2018 – La crise des urgences fait la une de l’actualité depuis le début de l’année. Alors que le malaise couvait depuis de nombreuses années et que les difficultés pour pallier le manque de moyens ne cessaient de s’accroître, ce début d’année a été marqué par la cristallisation de la crise. Pour minimiser son ampleur, le gouvernement et notamment le ministre de la Santé Agnès Buzyn ont souvent tenu à souligner que tous les services n’étaient pas concernés, évoquant des spécificités locales. Les syndicats pourtant affirment que si certains services connaissent des problèmes plus marqués, tous rencontrent des obstacles quotidiens.

Une répartition des postes inadaptée

Symboles d’un système à la dérive ou pathologies spécifiques, les troubles que traversent les urgences du CHU de Troyes cumulent de nombreux symptômes récurrents.

D’abord, l’incurie administrative. Ce 1er mai, aucun des six postes d’internes des urgences pédiatriques du CHU n’était pourvu. Cette défection complète a conduit à la fermeture pour au moins six mois de l’unité. L’Agence régionale de Santé (ARS) a sans conteste une responsabilité dans cette situation, étant chargée avec le CHU de Reims de la répartition des postes dans la région. « S’il y a plus de postes ouverts que d’internes, il est évident que des postes ne seront pas pourvus. C’est ce qui se passe pour le semestre à venir à Troyes » remarque Valéry Flipon praticien hospitalier à Troyes, délégué Grand Est de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf), cité par le quotidien local Liberté Champagne. Par ailleurs, l’ARS avait connaissance de cette absence d’internes il y a un mois et n’aurait pas suffisamment anticipé, même si elle a mis en place des consultations ponctuelles.

Désaffection

L’inadaptation des services aux objectifs pédagogiques est un autre symptôme fréquemment rencontré à l’hôpital et qui s’observe dans cette crise. Comme certains journaux locaux s’en font l’écho, une des raisons de la désaffection des internes est en effet le manque de temps des praticiens seniors pour offrir un véritable accompagnement aux futurs médecins qui sont d’abord utilisés pour assurer le fonctionnement du service (comme en témoigne d’ailleurs le fait que sa fermeture est aujourd’hui inévitable).

Démissions groupées

Autre trouble évocateur : l’explosion des urgences liée à ce dysfonctionnement. Il n’en fallait pas plus en effet pour que le service général des urgences, déjà sous tension, se sente littéralement débordé. La fermeture de l’unité pédiatrique entraîne une augmentation du nombre de patients (autour de 20 à 30 par jour). Or, cette augmentation fait suite à une dégradation continue de la qualité de l’accueil. Les causes en sont simples : en dix ans le nombre de patients reçus a progressé de 47 %, sans que les moyens soient adaptés. Aussi, aujourd’hui, les praticiens des urgences se sentent incapables d’offrir une prise en charge de qualité aux jeunes patients. « C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. C’est vraiment le trop-plein. On ne peut pas assumer la prise en charge de ces patients supplémentaires. Ce n’est plus une question de qualité de soin, mais tout simplement de santé publique, de sécurité pour les malades », explique un médecin à Liberté Champagne. Pour protester contre cette situation, quatre praticiens ont présenté leur démission (qui pourrait prendre effet dans deux mois), tandis que le chef du pôle des urgences et deux chefs de service ont décidé de renoncer à leur titre de chef. Face à cette crise, une réunion a eu lieu à l’Agence régionale de Santé (ARS) hier, suivie ce matin d’une rencontre avec François Baroin, maire de Troyes et à ce titre président  du conseil d’administration de l’hôpital. Des solutions capables de répondre à l’urgence sont ardemment attendues.

Aurélie Haroche

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