
Sachant que le développement pulmonaire, tout comme le
développement du système immunitaire, débutent in utero et
se poursuivent durant l'enfance, il semble logique de s’interroger
sur l’impact que peuvent avoir des infections respiratoires
précoces sur la fonction pulmonaire. En effet, les infections des
voies respiratoires, en entraînant une obstruction des voies
respiratoires et une hyperréactivité, pourraient jouer un rôle dans
l’apparition de l’asthme. Cependant, dans les études
observationnelles, les relations entre infections respiratoires,
anomalies de la fonction pulmonaire ou asthme sont peu concluantes.
En outre, toute association trouvée pourrait aussi être le résultat
d'une confusion ou d'une causalité inverse. Une étude de cohorte
prospective dans le BMJ Thorax tente d’explorer l’impact éventuel
entre la survenue d’infections respiratoires précoces sur la
fonction pulmonaire chez les enfants d'âge scolaire.
Cette étude, menée auprès de 5 197 enfants nés entre avril
2002 et janvier 2006, a utilisé les données d’une étude de cohorte
prospective de population. Les informations sur les infections des
voies respiratoires supérieures et inférieures ont été recueillies
par un médecin jusqu'à l'âge de 6 ans (classées en ≤ 3 et > 3-6
ans), à travers des questionnaires annuels. De plus, des mesures de
spirométrie et un diagnostic médical de l'asthme ont été effectués
à l'âge de 10 ans.
Comparativement aux enfants sans infection des voies
respiratoires inférieures avant 3 ans, les enfants ayant eu des
infections avant 3 ans avaient un VEMS, une CVF, un rapport de
Tiffeneau et un FEF75 abaissés (Z score (IC 95 %) allant de -0,22
(-0,31 à -0,12) à -0,12 (-0,21 à -0,03)) et un risque accru
d'asthme (OR (IC à 95 %): 1,79 (1,19 à 2,59)). Les enfants ayant
des infections des voies respiratoires inférieures entre 3-6 ans
avaient un risque accru d'asthme seulement (3,53 [2,37 à 5,17]).
Les résultats n'ont pas été modifiés par l'utilisation
d'antibiotiques ou de paracétamol non plus que par une
sensibilisation à un allergène inhalé.
Cette étude prospective confirme donc l’hypothèse que les
infections des voies respiratoires inférieures chez les enfants de
moins de 3 ans sont le plus souvent associées à une diminution de
la fonction pulmonaire et à un risque accru d'asthme en âge
scolaire. Ces associations n'ont pas été influencées par
l'utilisation d'antibiotiques ou de paracétamol ni par l'exposition
à la fumée de tabac ambiante et n'ont pas été modifiées par une
sensibilisation à un allergène inhalé.
Une des hypothèses évoquée suggère que les réponses
immunitaires non spécifiques médiées par les cellules épithéliales
et les phagocytes, et les réponses immunitaires adaptatives médiées
par les lymphocytes T, pourraient contribuer à l'inflammation des
voies respiratoires en réponse aux déclencheurs viraux. Cependant à
ce jour, les voies immunologiques responsables de la persistance
d'anomalies structurelles et fonctionnelles après des infections
des voies respiratoires n'ont pas encore été complètement
identifiées.
Anne-Céline Rigaud