Lisbonne, le vendredi 8 juin 2018 – L’Observatoire européen
des drogues et des toxicomanies vient de publier son rapport annuel
sur la consommation de drogues en Europe, qui s’appuie sur de
multiples travaux jusqu’aux analyses des eaux usées !
Un phénomène répandu
Plus de 92 millions d’adultes (56 millions d’hommes et 36,3
millions de femmes), soit un peu plus d’un quart des personnes
âgées de 15 à 64 ans dans l’Union européenne, auraient déjà
consommé des drogues illicites.
La plus utilisée est le cannabis (53,5 millions d’hommes et
34,3 millions de femmes), notamment en France (41 % de la
population !).
Des estimations beaucoup plus faibles sont rapportées pour les
autres produits : la cocaïne (11,8 millions d’hommes et 5,2
millions de femmes), l’ecstasy (9 millions d’hommes et 4,5 millions
de femmes) et les amphétamines (8 millions d’hommes et 4 millions
de femmes).
On n’est pas sérieux quand on va avoir 17 ans…
Concernant les plus jeunes, une enquête a permis de colliger
des données sur la consommation de substances psychoactives chez
les élèves âgés de 15 à 16 ans vivant dans 23 États membres de l’UE
et la Norvège. La prévalence de la consommation de cannabis
s’élevait à 18 % (8 % dans les 30 derniers jours). Sans surprise,
les taux les plus élevés ont été enregistrés en République tchèque
(37 %) et en France (31 %). L’usage des autres drogues illicites
demeure beaucoup plus faible (5 %) chez les
adolescents.
Néanmoins, l’utilisation de sédatifs ou de tranquillisants sans
prescription médicale a été déclarée par 6 % des jeunes en moyenne
(de 2 % en Roumanie à 17 % en Pologne), et celui de nouvelles
substances psychoactives a été rapportée par 4 % des personnes
interrogées (le minimum étant de 1 % en Belgique (Flandre) et le
maximum de 10 % en Estonie et en Pologne).
Le cannabis conserve sa médaille d’or
Ainsi, toutes tranches d’âge confondues, le cannabis est donc
la drogue illicite la plus susceptible d’être consommée.
Parmi ceux y ayant eu recours dans l’année écoulée, on estime
à 17,2 millions le nombre de jeunes adultes de 15 à 34 ans (14,1 %
des personnes de cette tranche d’âge) dont 9,8 millions de jeunes
entre 15 et 24 ans (17,4 %). Chez les jeunes de 15 à 34 ans, les
taux de prévalence au cours de l’année écoulée varient entre 3,5 %
en Hongrie et 21,5 % en France. Parmi ces consommateurs, le ratio
était de deux jeunes hommes pour une jeune femme. Les résultats des
toutes dernières enquêtes révèlent que la plupart des pays font
état d’une consommation de cannabis par les jeunes adultes stable
ou en hausse au cours de l’année écoulée.
Concernant l’usage problématique, des enquêtes menées en
population générale permettent d’estimer à environ 1 % le nombre
d’adultes européens qui consomment quotidiennement ou quasi
quotidiennement du cannabis, autrement dit, qui ont consommé cette
drogue pendant 20 jours ou plus au cours du mois écoulé. Environ 37
% de ceux-ci sont des usagers plus âgés (entre 35 et 64 ans) et
environ les trois quarts sont de sexe masculin.
Au total, en 2016, en Europe, plus de 150 000 personnes ont
été l’objet d’une prise en charge liée à leur consommation de
cannabis.
Non, la consommation de cocaïne n’explose pas
Si plusieurs médias grand public se sont concentrés sur cette
donnée, dans les faits la consommation de cocaïne (quel que soit
son mode d’administration y compris via le crack) n’explose pas en
Europe.
Selon les estimations, 17 millions d’adultes européens (âgés
de 15 à 64 ans), soit 5,1 % de cette tranche d’âge, auraient déjà
consommé de la cocaïne dans leur vie. Parmi ces consommateurs, on
estime à environ 2,3 millions le nombre de jeunes adultes de 15 à
34 ans (1,9 % de cette tranche d’âge) qui ont consommé cette
substance au cours de l’année écoulée. Notons qu’en France, en 2014
ce taux a néanmoins dépassé les 2 % pour la première fois.
Enfin, la cocaïne a été à l’origine d’une prise en charge en
addictologie de 67 000 patients en Europe, en 2016.
Que sont les consommateurs d’ecstasy devenus ?
On estime que 13,5 millions d’adultes européens (âgés de 15 à
64 ans), soit 4,1 % de cette tranche d’âge, auraient déjà consommé
de la MDMA/ecstasy et 2,2 millions de jeunes adultes (de 15 à 34
ans) y ont eu recours au cours de l’année écoulée (1,8 % de cette
tranche d’âge). Soulignons qu’après une explosion à la fin des
années 90, la consommation a connu une forte diminution depuis 2005
pour se stabiliser aujourd’hui.
Ce produit est rarement cité comme un motif pour entamer un
traitement spécialisé.
Amphétamines : la drogue à la papa ?
En dehors de la République tchèque, l’épidémie américaine de
consommation de méthamphétamines ne semble pas avoir touché
l’Europe, bien que celle d’amphétamines « classiques » demeure
importante. Par ailleurs, au cours des dernières décennies, l’usage
d’amphétamines a très probablement fortement diminué en Europe, et
notamment en France où jusqu’à un passé pas si lointain elles
étaient disponibles, sans ordonnance, en pharmacie.
Selon les estimations, 11,9 millions d’adultes européens (âgés
de 15 à 64 ans), soit 3,6 % de la population ciblée, ont déjà
expérimenté les amphétamines et les dernières estimations de
prévalence font état d’une situation relativement stable en ce qui
concerne ces produits.
Kétamine, GHB et hallucinogènes… : une consommation qui reste
(heureusement) faible
Diverses autres substances ayant des propriétés
hallucinogènes, anesthésiantes, dissociatives ou sédatives sont
consommées en Europe, notamment le LSD (diéthylamide de l’acide
lysergique), les champignons hallucinogènes, la kétamine et le GHB
(gammahydroxybutyrate).
L’usage récréatif de kétamine et de GHB (y compris son
précurseur, la gamma-butyrolactone, GBL) a été observé dans des
sous-groupes d’usagers de drogues en Europe au cours des deux
dernières décennies. Quand elles existent, les estimations
nationales de prévalence de l’usage de GHB et de kétamine dans les
populations adultes et scolaires restent basses. Dans son enquête
de 2016, la Norvège a signalé une prévalence de l’usage de GHB au
cours de l’année écoulée de 0,1 % pour les adultes (de 15 à 64
ans). En 2016, la prévalence de la consommation de kétamine chez
les jeunes adultes (de 15 à 34 ans) au cours de l’année écoulée a
été estimée à 0,1 % en République tchèque et en Roumanie et à 0,8 %
au Royaume-Uni. La prévalence globale de consommation de LSD et de
champignons hallucinogènes est généralement faible et stable en
Europe depuis plusieurs années. Chez les jeunes adultes (de 15 à 34
ans), les enquêtes nationales font état d’une prévalence estimée à
moins de 1 % pour les deux substances en 2016.
Concernant les « nouvelles substances psychoactives »,
plusieurs pays les ont intégrées dans leurs enquêtes en population
générale, mais la grande variété de produits regroupés sous cette
appellation rendent complexes les comparaisons, ce qui représente
une difficulté supplémentaire dans l’appréhension de ce nouveau
problème de santé publique.
L’héroïne demeure l’héroïne des opioïdes
En Europe, l’opiacé illicite le plus consommé demeure
l’héroïne, qui peut être fumée, sniffée ou injectée.
Le rapport de l’Office européen souligne que l’Europe qui «
a connu différentes vagues d’addiction à l’héroïne » est
désormais confrontée à « l’existence d’une cohorte vieillissante
de consommateurs problématiques d’opiacés ».
Au total, la prévalence de l’usage problématique d’opiacés
chez les adultes (de 15 à 64 ans) est estimée à 0,4 % de la
population de l’UE, soit 1,3 million de personnes en 2016. Au
niveau national, les estimations de prévalence varient de moins
d’un cas à plus de huit cas pour 1 000 individus âgés de 15 à 64
ans. En 2016, la consommation d’opiacés a été citée comme étant le
principal motif justifiant le suivi d’un traitement spécialisé par
177 000 patients.
Si la consommation des opioïdes demeurent relativement stable,
on peut s’inquiéter, même si ce phénomène reste plus mesuré qu’aux
États-Unis, de l’augmentation de l’usage d’opioïdes de synthèse
légaux (méthadone, buprénorphine haut dosage, fentanyl, codéine,
morphine, tramadol et oxycodone…) détournés de leur usage initial.
Aussi, en 2016, environ 10 % de l’ensemble des patients
consommateurs d’opioïdes admis dans un protocole de sevrage
s’étaient présentés pour des problèmes liés à ces molécules.
Pour finir sur une note d’espoir, signalons que la consommation
de drogues par voie intraveineuse continue de diminuer, quelle que
soit la substance concernée.
Les réactions aux articles sont réservées aux professionnels de santé inscrits
Elles ne seront publiées sur le site qu’après modération par la rédaction (avec un délai de quelques heures à 48 heures). Sauf exception, les réactions sont publiées avec la signature de leur auteur.