La CNAM ressort son rabot…et pense (un peu) aux patients

Paris, le vendredi 29 juin 2018 – Le directeur général de l’Assurance maladie, Nicolas Revel a présenté, ce jeudi, en conseil d’administration, son rapport annuel « Charges et produits » qui inspire habituellement le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale. La CNAM détaille ainsi une série de propositions, visant à générer, en 2019, 2 milliards d'euros d'économies, dans un contexte où la hausse des dépenses de santé doit être limitée à 2,3 % par an.

Pour de « meilleures » prises en charge

Dans un volet consacré à l’amélioration des « prises en charge », la CNAM entend s’épargner 200 millions d'euros de dépenses grâce à l’accélération du virage ambulatoire.

La CNAM compte également développer de nouveaux programmes d'accompagnement des retours à domicile (PRADO) qui devraient permettre 70 millions d’économies. Enfin 30 millions supplémentaires pourraient être dégagés grâce à l'encouragement de nouvelles modalités de prise en charge qui favorisent le rétablissement précoce des capacités du patient après une chirurgie. L'objectif est aussi de gagner 90 millions en améliorant la pertinence du recours aux séjours en soins de suite et de réadaptation, dont le coût moyen s'élève à 5 112 euros alors qu'une prise en charge en ville s'élève en moyenne à 894 euros. Enfin, la CNAM appelle à un développement accru de l’hospitalisation à domicile, pour engranger 20 millions d'euros.

Quand la CNAM prend les professionnels par la main…

Parallèlement à ces premières prescriptions, l’Assurance maladie met une nouvelle fois l’accent sur la diffusion des médicaments génériques et des biosimilaires (160 millions d’économies possibles) et sur le contrôle des arrêts de travail (100 millions espérés).

En outre, la caisse estime que 95 millions d'euros d’économies  doivent être réalisés sur les actes de biologie et 120 millions concernant les actes effectués par les paramédicaux, en particulier kinésithérapeutes et infirmières.

Parallèlement, 220 millions d'euros d'économies pourraient être espérés en renforçant la lutte contre la fraude et les abus en ville et à l'hôpital…


Sur un autre terrain, la CNAM se fixe pour objectif de gagner 175 millions d'euros sur les transports sanitaires, notamment en remplaçant 15% des trajets en ambulance par des transports assis professionnalisés et en augmentant de 20% les transports partagés et en évitant des déplacements grâce au recours à la télémédecine.

Enfin, sans pouvoir avancer de chiffres, la CNAM estime qu’il est possible  d’éviter des dépenses à venir en développant la prévention. A ce sujet, elle rappelle qu’elle multiplie les campagnes dédiées à la vaccination et à la lutte contre le tabagisme ou la consommation d'alcool…

Un œil sur la « qualité et l’efficience » du système de soins

La Caisse nationale d'assurance maladie, fait également 28 propositions pour améliorer la qualité et l'efficience du système de soins. Elle recommande notamment une meilleure prise en charge du cancer du sein et de la santé mentale.

Les femmes opérées dans des petits établissements (effectuant moins de 30 actes par an) auraient en effet, selon les données de la CNAM,  84% de risque de décès supplémentaire par rapport aux femmes opérées dans des centres ayant une activité de plus de 150 actes par an.
A l’origine de cette surmortalité une « capacité organisationnelle et technique » moins efficiente, avec des réunions de concertation pluridisciplinaire moins nombreuses, des plateaux techniques moins complets, des médecins moins au fait des bonnes pratiques…

Pour remédier à cette inégalité, la Cnam propose de relever de 30 à 150 actes par an le seuil minimum pour qu'un établissement soit autorisé à opérer. Aussi 338 établissements (sur un total de 571) devraient se retrouver en dessous de ce seuil. L'idée n'est pas pour autant de fermer les petits sites promet la CNAM, mais d'inciter leurs équipes à se regrouper ou coopérer, via une tarification incitative, afin d'atteindre le niveau d'actes requis.

Pour une meilleure prise en charge de la maladie mentale…

La santé mentale représente 14,5 % des dépenses totales de l'assurance-maladie (derrière les hospitalisations, et devant les cancers et maladies cardio-neurovasculaires). En 2016, ces dépenses s'élèvent à plus de 20 milliards d'euros pour sept millions de personnes (plus d'un Français sur 10). Leur prise en charge hospitalière coûte 14 milliards d'euros.

La CNAM insiste notamment sur le fait qu’outre l’existence de facteurs de risque spécifiques, la prise en charge des pathologies somatiques des patients atteints de troubles mentaux est mal adaptée.
Pour inverser les courbes, l'assurance-maladie propose de favoriser le développement et le renforcement d'une offre de soins médicaux somatiques spécifique dédiée aux publics atteints de pathologies psychiatriques lourdes, et d'adapter les campagnes et actions de prévention cardiovasculaire et de dépistage des cancers à ces populations.

Elle suggère aussi de prendre en compte la gravité des pathologies somatiques des personnes hospitalisées en établissement psychiatrique dans l'affectation de la dotation annuelle de financement (DAF).

…avec des psychotropes mieux utilisés

L'assurance maladie porte enfin un regard critique sur les prescriptions de psychotropes. La durée des traitements antidépresseurs est inférieure dans près de la moitié des cas aux six mois recommandés et la consultation de suivi, trop tardive. Aussi suggère-t-elle d'introduire des indicateurs relatifs à cette prescription dans la rémunération sur objectif de santé publique (ROSP) des médecins traitants.

De plus, la prise en charge médicamenteuse des troubles bipolaires est variable et loin des recommandations qui placent le lithium en première ligne, la CNAM propose donc de définir une « stratégie » pour améliorer la pertinence des prescriptions de psychotropes chez les bipolaires, et réaffirmer la place du lithium.

Enfin, la caisse pointe une forte augmentation de la consommation de méthylphénidate en France chez les personnes avec un trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) et propose la constitution d'une cohorte de personnes TDAH traitées par Ritaline pour évaluer le traitement à long terme.

Frédéric Haroche

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