
Paris, le jeudi 12 juillet - Dans le cadre de la prochaine
révision des lois de bioéthique, le Conseil d’Etat publie un
rapport, à la demande du premier ministre, visant à : «
appréhender les nombreuses questions à l’ordre du jour de la
révision des lois de bioéthique en les remettant en perspective au
regard d’un certain équilibre entre les principes de dignité, de
liberté et de solidarité qui caractérise le modèle éthique
français » et à « indiquer les écueils juridiques, contrôler
la hiérarchie des normes, garantir leur cohérence ». Parmi les
nombreuses questions traitées par ce document, celles qui ont trait
à la procréation (PMA (Procréation médicalement assistée), GPA
(Gestation pour autrui), autoconservation des ovocytes et anonymat
du don de gamète) ont sans nul doute retenu davantage
l’attention.
Aucun principe juridique n’interdit d’ouvrir la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules
En ce qui concerne l’extension du droit à la PMA, le Conseil
d’État rappelle qu’en l’état actuel du droit « le recours aux
techniques d’AMP poursuit une finalité thérapeutique : il vise à
remédier à une infertilité pathologique ou à un risque de
transmission d’une maladie d’une particulière gravité pour les
seuls couples hétérosexuels en âge de procréer ».
L’ouverture aux couples de femmes et aux femmes seules
induirait donc un changement de paradigme, en supprimant la
condition d’existence d’une pathologie au profit d’un projet
parental quelle que soit sa nature.
Sur le plan purement juridique, l’analyse du Conseil révèle
que contrairement à ce qui est parfois avancé, le droit, y compris
les engagements internationaux qu’a pris notre pays, n’imposent ni
le statu quo ni l’évolution.
Dès lors, si une évolution en faveur de l’élargissement de la
PMA aux couples de même sexe et aux femmes seules était décidée par
le législateur, la haute juridiction recommande en matière
d’établissement de la filiation pour les couples de femmes que soit
créé un régime ad hoc permettant un double établissement simultané
de la filiation dans la branche maternelle par l’effet d’une
déclaration commune anticipée.
Le Conseil suggère aussi la prise en charge par l’assurance
maladie au regard du « principe de solidarité ».
Le Conseil d’État souligne par ailleurs que l’extension du
champ des bénéficiaires pourrait induire une pénurie de
gamètes…
Oui à la PMA post mortem…si elle est bien encadrée
Le rapport traite également de la PMA post mortem, et ici
encore, les sages n’identifient sur ce sujet aucun obstacle
juridique à la levée de l’interdiction. Le Conseil distingue trois
conditions qui devraient être inscrites dans la loi : la «
vérification du projet parental afin de s’assurer du
consentement du père défunt » , « un encadrement dans le
temps de la possibilité de recourir à cette AMP ce qui suppose à la
fois un délai minimal à compter du décès et un délai maximal, un
aménagement du droit de la filiation et du droit des successions
pour que l’enfant bénéficie d’un double lignage et ne soit pas lésé
par rapport à sa fratrie ».
Autoconservation des ovocytes : pourquoi pas ?
A propos de l’autoconservation ovocytaire, là encore l’analyse
juridique ne fait ressortir aucun argument décisif dans un sens ou
dans l’autre.
Si cette technique devait être autorisée, le Conseil estime
nécessaire de prévoir « l’encadrement dans le temps de la ponction,
qui ne devrait être réalisée ni trop tôt, alors que rien n’indique
que la femme en aura effectivement besoin, ni trop tard pour
garantir la qualité des ovocytes et de prévoir une limite d’âge
pour implanter les embryons fécondés à l’aide des ovocytes
conservés ». Enfin, s’agissant de la prise en charge par la
collectivité, le droit ne l’impose ni ne l’interdit.
GPA : un interdit qui doit le rester
Pour la gestation pour autrui (GPA) c’est différent puisque
cette pratique fait l’objet d’une interdiction d’ordre public et
est pénalement réprimée, ce que semble juger juste le
Conseil.
Ainsi, il rappelle : « la gestation pour autrui implique
pour la mère porteuse des risques inhérents à toute grossesse et
accouchement et de fortes sujétions. Elle suppose également de
renoncer à sa qualité de mère et de prévoir contractuellement la
remise de l’enfant auquel elle donne naissance. Or, de telles
implications sont frontalement contraires aux principes
d’indisponibilité du corps et de l’état des personnes, ainsi qu’au
principe de non‐patrimonialisation du corps dans le cas où cette
pratique est rémunérée ».
En outre, il estime que même une GPA éthique, sans
contrepartie financière (autre que l’indemnisation des frais
engagés et de l’indisponibilité de la femme), serait elle aussi
contraire aux principes d’indisponibilité du corps humain.
Seul bémol concernant cette pratique, la haute juridiction
estime que « l’enfant issu de GPA à l’étranger peut légalement
voir son lien de filiation établi à l’égard de ses deux parents
d’intention ».
Anonymat du don de gamètes : les dangers de la levée
Pour ce qui est de la question délicate de l’anonymat du don
de gamètes, le droit, en l’état institue un anonymat absolu,
inconditionnel et irréversible, dont la méconnaissance est
pénalement sanctionnée.
Ici aussi, le Conseil d’État est plus que réservé et estime «
que le principe d’anonymat du don au moment où celui‐ci est
effectué doit être préservé. En effet, lever l’anonymat ab initio
permettrait aux couples bénéficiaires de connaître l’identité du
donneur, alimentant inévitablement la tentation de le choisir
». Seule évolution envisageable pour l’institution de la
place du Palais-Royal, établir un nouveau droit pour les
enfants concernés, leur permettant d’accéder à leurs origines
biologiques à leur majorité avec l’accord du donneur…ce qui ne
devrait pas pouvoir créer de conséquences juridiques en matière de
filiation. Au total, le Conseil estime que « le schéma le plus
adéquat consisterait à permettre à tous les enfants issus d’un don,
et en ayant été informés par leurs parents, de solliciter à leur
majorité et d’obtenir l’accès à l’identité de leur donneur,
si celui‐ci, alors interrogé, donne son accord. En cas de refus ou
de disparition du donneur, seules des données non identifiantes
pourraient être portées à la connaissance de l’enfant ».
Il n’est pas impossible que suggestions reçoivent un certain
écho auprès de son commanditaire…
Frédéric Haroche