
Quentin Haroche
Quentin Haroche
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Premièrement, la publication du Lancet n'apporte rien de très neuf par rapport à ce qu'on sait de longue date. Elle persiste dans certaines erreurs d'interprétation dont on ne peut que conseiller aux journalistes de faire une analyse plus attentive, même si leurs lecteurs préfèrent le sensationnalime.
Voyez par exemple le communiqué de MacGregor & Co :
http://www.actiononsalt.org.uk/news/news/2018/news-stories/action-on-salt-response-to-lancet-publication.html
Deuxièmement, il faut bien comprendre que le problème du sel est essentiellement qu'on n'est pas maître de ce qu'on ingère, puisqu'on ne prépare plus rien soi-même. L'équilibre nutritionnel de la population est à présent totalement sous la responsabilité des producteurs alimentaires, qu'ils soient industriels ou artisanaux. L'excès de salage (quelles qu'en soient les nombreuses raisons, plus ou moins recevables) est une menace pour la santé de certaines catégories de population, et particulièrement pour l'avenir des enfants. Il faut donc prendre toutes les mesures utiles pour limiter l'ajout de sel dans les fabrications alimentaires.
Il faut remarquer que les personnes les plus exposées aux méfaits d'un excès chronique de sel alimentaire sont celles qui ont les moindres capacités (pécuniaires ou intellectuelles) de contrôler leur consommation. Ce sont elles les premières victimes de la malbouffe, qu'il faut protéger.
Aucun consommateur ne devrait avoir à vérifier lui-même que ce qu'il achète a été élaboré selon de bonnes pratiques sanitaires. L'Etat devrait garantir que tous les professionnels de l'alimentation respectent des normes qui protègent les consommateurs. Le chlorure de sodium est un additif alimentaire et son usage doit être réglementé. De nombreux pays ont pris des mesures dans ce sens, et notamment pour fixer une limite légale au taux de sodium dans les pains et produits panifiés (premiers contributeurs aux apports sodiques). Il serait aisé de faire de même pour de nombreux produits de consommation courantes.
L'idée d'une taxe n'est pas à rejeter, mais une réglementation contraignante serait peut-être suffisante, et il est en tous cas nécessaire de l'adopter en priorité pour la boulangerie et les fabrications industrielles.
Reste la question des salaisons artisanales traditionnelles (de viandes, poissons, fromages), dont toute consommation excessive doit faire l'objet de mises en garde, mais qui ne représentent pas de risque principal en dehors de certaines habitudes alimentaires déviantes.
Il faudra donc continuer à sensibiliser la population aux risques d'une alimentation trop riche en sel et surtout trop riche en sucres. Et surtout commencer à mieux former et informer les médecins sur ces questions qu'ils prennent très insuffisamment en compte dans leur pratique.
Dr Pierre Rimbaud
www.salt.asso.fr