
Paris, le mardi 4 septembre 2018 – Aucun publicitaire ne
l’ignore, les stars des réseaux sociaux sont aujourd’hui des
interlocuteurs incontournables pour ceux qui souhaitent faire la
promotion de leurs produits. Pour bénéficier de l’audience dont
jouissent ceux que l’on appelle les "influenceurs sociaux",
différentes méthodes existent. Des contenus ouvertement sponsorisés
peuvent être publiés par les blogueurs, youtubeurs et autres
instagramers, mais des messages plus insidieux peuvent
également circuler.
Publicité clandestine
Ce sont ces voies détournées que semblent utiliser les géants
du tabac, pour contourner les interdictions de publicité qui
prévalent dans un très grand nombre de pays. Le professeur de
relations publiques Robert V. Kozinets (université de Californie du
Sud) a conduit avec son équipe une enquête sur les réseaux sociaux
financée par Campaign for Tobacco-Free kids. Ses travaux ont
consisté à analyser différents hashtags et autres
publications d’instagramers et aussi à entrer en contact
avec ces derniers afin de mettre en évidence les stratégies
déployées par les cigarettiers pour diffuser une publicité
clandestine sur les réseaux sociaux.
Naturel et sans indice
Publiée sur le site
Takepart.org et relayée par le New York Times, l’enquête
met en évidence comment certaines entreprises du tabac paient des
"influenceurs" pour poster des photos présentant «
incidemment » des paquets de cigarettes de la marque ou pour
"liker" et partager des publications de sites développés par les
fabricants de tabac. « Ce qu’ils font est très efficace pour
contourner les lois » estime Robert V. Kozinets, qui signale
comment les industriels insistent bien sur quelques règles à
respecter : « Conserver son naturel. Les posts ne doivent pas
donner d’indices de sponsoring de la publication ».
#Promotion
Instagram est-il si fumeux ?
L’intérêt des fabricants de tabac pour les réseaux sociaux,
même si tous se sont défendus de pratiques enfreignant les
réglementations sur la publicité, ne paraît guère surprenant. On
peut néanmoins s’interroger sur la réelle efficacité de ces
méthodes. En effet, même si les "influenceurs" clés peuvent être
facilement attirés par l’appât du gain, certains pourraient être
réticents à l’idée de ternir leur image. Or, les utilisateurs des
réseaux sociaux et plus particulièrement d’Instagram semblent plus
enclins à défendre des modes de vie sains et se montrent facilement
critiques vis-à-vis de la cigarette. Les commentaires acerbes
qu’avaient essuyés en février le mannequin Bella Hadid après avoir
posé une cigarette à la main ou plus récemment en France la
chanteuse Tal en témoignent. Il n’est pas impossible que plus que
des incitateurs à la consommation de tabac, les réseaux sociaux
jouent au contraire un rôle dissuasif auprès des jeunes, si ces
derniers ont le sentiment que la "communauté" à laquelle ils
souhaitent appartenir est globalement hostile au tabac. Par
ailleurs, plusieurs travaux ont ces derniers mois signalé une
tendance intéressante : le temps passé sur Facebook et les autres
portails paraît retarder l’âge de l’expérimentation de la première
cigarette ! Fameux !
Aurélie Haroche