La pollution n’en finit pas de se révéler sous les aspects les
plus inattendus et les moins engageants. Quelques études
épidémiologiques ont déjà fait état d’une association entre
l’exposition maternelle aux particules fines et certaines anomalies
fœtales ou encore des naissances prématurées, sans que le lien de
causalité soit établi tant les facteurs de confusion sont nombreux.
De plus, les mécanismes qui sous-tendent une telle association
restent du domaine de l’inconnu. Une communication de l’université
Queen Mary (Londres) présentée à l’ERS va indiscutablement plus
loin que les précédentes études. Pour la première fois, des
particules de suie, encore appelée black carbon ou « carbone
noir » ont été ainsi détectées au sein même des cellules du
placenta.
L’étude a inclus cinq femmes enceintes résidant à Londres, qui
devaient toutes accoucher par césarienne, à une date planifiée à
l’avance. Aucune d’entre elles n’était fumeuse. Dans tous les cas,
la grossesse non compliquée a abouti à la naissance d’un bébé en
parfaite santé. Les participantes ont fait don de leur placenta aux
chercheurs de l’université Queen Mary par consentement écrit.
Dans un premier temps, les macrophages ont été prélevés au
niveau des tissus placentaires après une digestion obtenue au moyen
d’un cocktail enzymatique combinant trypsine et hyaluronidase. Les
macrophages ont été extraits au moyen d’un autre cocktail enrichi
en monocytes, puis examinés au microscope optique (x 100). La
surface cumulée occupée par le matériau noir a été mesurée en
analyse d’images numérisées et exprimée en
µm2/700 cellules. La
recherche de particules ultrafines phagocytées par les macrophages
a ensuite été effectuée par microscopie électronique.
Les cinq placentas ont été ainsi étudiés de manière
méthodique. Sur les 3 500 macrophages analysés, 60 contenaient au
total 72 inclusions distinctes composées d’un matériau noir. Leur
morphologie n’était pas sans rappeler celle des particules fines
carbonées phagocytées par les macrophages. La surface moyenne
cumulée occupée par le carbone noir a été estimée pour chaque
placenta à 5,233 µm2
(surface totale 26,167 µm2). Deux
placentas ont été analysés par microscopie électronique. Dans les
deux cas, les inclusions noires détectés dans les phagolysosomes
macrophagiques étaient morphologiquement compatibles avec des
particules de carbone inhalé.
Ces résultats qui portent sur un effectif limité suggèrent que
les particules fines issues de la pollution et inhalées par la mère
sont à même d’atteindre le placenta après leur passage dans la
circulation sanguine. Il reste maintenant à confirmer ces résultats
sur une plus grande échelle et connaître le sort de ces particules
placentaires, et notamment leur capacité à atteindre directement le
fœtus. Ce qui est une autre histoire.
Dr Philippe Tellier