Le New England Journal of Medicine a publié le 11
octobre dernier une revue sur la thématique innovantes des big data
en santé et les implications pour la classification des maladies et
l’ontologie à la suite des travaux d’une équipe de recherche
translationnelle nord-américaine. Consistant en la mise en
application concrète des découvertes de la recherche fondamentale
pour satisfaire les besoins de santé restés sans réponse, la
recherche translationnelle représente un continuum, une passerelle
directe et bidirectionnelle entre ces deux approches et se veut par
essence pluridisciplinaire.
Un des objectifs de la médecine de précision et personnalisée est
de construire un réseau d’informations et de connaissances pour la
recherche biomédicale en s’appuyant notamment sur une nouvelle
taxonomie des maladies. Ce sont ces aspects sur lesquels se sont
penchés les auteurs.
Une corne d’abondance
Le volume des données concernant la santé et leur taux de
croissance représentent un défi sans précédent dans l’histoire de
l’humanité. Cette « marée » de données a vu sa provenance
varier avec l’avènement des nouvelles technologies telles que la
génomique, la protéomique, s’ajoutant aux données métaboliques,
biologiques, cliniques et d’imagerie… Si le dossier médical partagé
a peiné (et lutte encore) pour s’installer en France, ailleurs il
représente une véritable mine d’informations d’ores et déjà
exploitées et exploitables. Une des ambitions majeures est de faire
porter du sens à ces données. Souvent, les informations
phénotypiques individuelles des patients sont insuffisamment
détaillées ou inaccessibles (notamment car elles ont, par exemple
en France, une vocation initiale de tarification, comme les données
PMSI, plus que de documentation médicale), ce qui limite la
détection de similarités entre les patients et leur classification
dans des groupes cliniquement utiles. La médecine de précision a en
elle l’objectif d’y remédier, notamment dans les cas des troubles
mal étiquetés présentant un spectre de symptômes, signes,
biomarqueurs et éléments génotypiques particuliers, pour
reconnaître des similarités et stratifier ainsi les patients. Les
retombées possibles concernent bien sûr le domaine
thérapeutique : par exemple, l’identification de la mutation de
BRAF au niveau des mélanomes et des histiocytoses
langheransiennes a permis un traitement commun efficace par
vemurafenib.
Le challenge d’une classification cohérente et comparable
Pour que ces informations soient accessibles et ainsi utilisables,
il convient avant tout de les rendre compatibles : si cela semble
logique, la réalité n’est pas toujours aussi simple. Un des
challenges réside dans cette compatibilité. Autrement dit, les
données (par exemple, un taux de cholestérol, une image de stéatose
hépatique, un poids) qui s’expriment dans des métriques
différentes, doivent être converties en une langue commune. Dans
l’élaboration d’une classification, les logiciels nécessitent qu’on
leur confirme les équivalences de terme, sans cela, pas de
comparaisons possibles entre des données d’un laboratoire à un
endroit donné et celles d’un hôpital… De manière similaire, on
constate aujourd’hui que les classifications de maladies ne se
superposent pas toujours, comme c’est par exemple le cas pour la
CIM-10 (Classification Internationale des Maladies) et la SNOMED-CT
(Systematied Nomenclatrue Of MEDicine Clinical Terms).
Vers de nouvelles ontologies
L’ontologie a cela de particulier qu’elle permet de définir
des relations entre les concepts de sorte que les algorithmes
soient capables d’esquisser des conclusions d’après des assertions.
Par exemple, si un virus est classé comme agent infectieux et une
infection méningée, comme un type de méningite liée à un agent
infectieux, alors le système conclura qu’une méningite virale est
une sous-classe des infections méningées.
Pouvant être utilisée comme moyens de classification des maladies,
la plus ancienne ontologie est celle de Carl Linné. Bien qu’elle
comporte des erreurs, elle a été la base de la première édition de
la CIM en 1893. Toutefois, l’utilisation de données
supplémentaires, notamment celles des nouveaux paramètres «
omiques » n’est pas possible et ne permet malheureusement
pas son enrichissement. L’utilisation croissante du
biomonitoring et de dispositifs de santé connectés laisse
présager que de nouvelles informations vont venir se surajouter :
l’intérêt de l’ontologie est de pouvoir aider à les organiser et
les analyser alors même que l’esprit humain serait dépassé par
l’immensité de la tâche. La route est longue entre ces recherches
qui ont pour but, avant tout, d’améliorer la prise en charge de nos
patients. L’identification précise de la pathologie du patient, sa
classification au sein d’une ontologie adaptée doit servir le rêve
longtemps caressé d’adapter un traitement le plus justement
possible, afin qu’il soit le plus efficace et le mieux toléré.
C’est là le rôle que doit jouer la médecine personnalisée. Mais
pour y parvenir, des barrières persistantes doivent être franchies,
comme les questions de l’encadrement légal, de la protection de la
confidentialité des données (la RGPD apportant une première «
réponse » à ces problématiques), le coût induit par la
gestion de ces bases de données, et leur manque de comparabilité et
d’harmonisation. Autant de défis passionnants qui ne demandent qu’à
être relevés !
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