
Les critiques ont été multiples pour railler le caractère absurde d’une telle mesure et pour regretter qu’elle contourne les difficultés réelles de l’organisation des soins aujourd’hui. Face à ces réticences mais fort du soutien renouvelé du ministre de la Santé, Olivier Véran a maintenu son amendement en indiquant qu’une expérimentation serait d’abord lancée dans les hôpitaux volontaires.
Par André Grimaldi, professeur émérite (CHU Salpêtrière)
Payer à ne rien faire : une invention de l’économie de marché !
Derrière toutes ces expérimentations, il y a la conception anglo-saxonne de l’homo œconomicus rationnel qui détermine ses comportements selon leurs rapports financiers. La T2A et le paiement à l’acte provoquent une inflation d’actes et de prescriptions inutiles, on n’en conclut pas qu’il faut revoir le paiement à l’acte ou la T2A, on en conclut qu’il faut imaginer un paiement au non acte (par exemple le paiement grâce à la ROSP de la non prescription d’une antibiothérapie injustifiée) et une tarification à la non activité (la TANA). Pire que la politique du "tout T2A" instaurée en 2008, voici la "culture de la T2A" c’est-à-dire la "pensée de marché" !Logique absurde
Quel est le fond du problème ? L’hôpital est-il responsable de l’afflux aux urgences de malades non urgents ou la responsabilité est-elle le manque de permanence des soins en ville? Certes les promoteurs de la T2A ont expliqué aux médecins hospitaliers l’importance de l’optimisation du codage "pour faire du chiffre" sur le dos de la Sécurité sociale mais il est difficile d’accuser les urgentistes de faire du marketing pour attirer le chaland. Entend-on les médecins hospitaliers clamer « venez aux urgences ! » ou entend-on plutôt les professionnels de santé de ville débordés conseiller aux patients « allez aux urgences ! » ?Un exemple étrangement interprété
L’exemple cité par Olivier Véran du CHI de Poissy / Saint-Germain-en-laye est plus intéressant mais n’a pas grand-chose à voir avec une réorientation vers la médecine de ville. L’hôpital enregistrait 23 000 passages aux urgences pédiatriques par an. Grâce à la construction d’une maison médicale de garde (MMG) "dans les murs", 3 000 enfants ont pu être réorientés vers la MMG. Parfait ! Hélas la Sécurité sociale a cessé de financer ces passages et l’hôpital a perdu 400 000 euros.Des problèmes oubliés
Par ailleurs faut-il rappeler que la principale difficulté pour les urgences hospitalières c’est moins les malades qui y viennent à tort que les 20-25% qui doivent être hospitalisés et pour lesquels on met plusieurs heures pour trouver un lit, quand on n’est pas contraint de les transférer dans les cliniques privées avoisinantes ? Il faut alors distinguer les malades "clinicables" des malades "non clinicables" c’est-à-dire les bénéficiaires de la CMU ou de l’AME, les patients âgés, vivant seuls, ayant des pathologies graves ou des poly-pathologies ou présentant des troubles cognitifs ou psychiatriques qui eux sont toujours pour l’hôpital public. Mais la réduction du nombre de lits hospitaliers de 30 % est devenue aujourd’hui un dogme aussi intangible que le fût pendant 30 ans la nécessité du numerus clausus pour réduire "la pléthore médicale".Les intertitres sont de la rédaction du JIM