L’imagerie chez les passeurs de drogues

En l’espace d’une vingtaine d’années, la consommation mondiale de drogues dures a connu une forte croissance qui a conduit à recourir de plus en plus souvent à des passeurs, les « mules » comme les dénomment les douaniers. Le transport s’effectue en général sous la forme d’ovules plastifiés qui sont, soit avalés, soit placés dans les parties intimes. Parmi les stupéfiants ainsi transportés, figure en bonne place la cocaïne, mais on trouve aussi de l’héroïne, des amphétamines, de la marijuana, cette liste n’étant pas exhaustive. Les quantités que le passeur ingère sont comprises entre 130 g et 1500 g, conditionnés sous la forme de 50 à 100  paquets, voire plus, dont le poids individuel oscille entre 8 et 10 g. L’arrivée à destination conduit à l’évacuation des drogues à coup de laxatifs, en sachant que si l’ovule se déchire ou se détériore dans l’organisme, c’est la mort immédiate par overdose. 

Le transport… classique

Les passeurs interpellés dans les aéroports par les agents des douanes vont être soumis à une recherche de stupéfiants dans les urines et à une imagerie de détection qui repose sur des clichés radiologiques simples, effectués dans les services médicaux sur place ou dans un hôpital public. La forme revêtue par la drogue transportée la rend en grande partie radio-opaque, car elle est de fait emballée dans plusieurs préservatifs disposés en couches, un enrobage au moyen d’une feuille d’aluminium ou d’une couche de cire enrobant le tout. Dans ces conditions, c’est l’abdomen sans préparation classique qui s’avère le plus adapté pour révéler la signature radiologique spécifique des objets transportés in situ, au travers du nombre et de la taille des sachets, mais aussi des couches d’emballage d’épaisseur variable. Certes, le scanner abdominal apporte plus d’informations, mais aucune étude n’a établi que ses performances diagnostiques étaient supérieures à celles de l’ASP. La sensibilité de ce dernier est au demeurant très élevée dans le mode de transport précédemment décrit qui est le plus classique.

« L’avaleur de rue »

Il en est autrement dans le cas de figure défini par le « body stuffer » des Anglo-saxons, autrement dit «l’avaleur de rue» qui procède autrement. En effet, ce dernier vend la cocaïne sous la forme de petites boulettes d’un gramme qu’il avale en cas d’arrestation. En général, l’avaleur de rue conserve dans son ampoule rectale un stock de boulettes isolées ou incluses dans des œufs Kinder. Dans ce cas précis, l’ASP s’avère beaucoup moins contributif, car les boulettes sont contenues dans un emballage de cellophane faiblement radio-opaque et d’ailleurs peu solide, avec en corollaire une menace vitale plus grande que chez le passeur traditionnel. Le scanner abdominal est ici nettement plus performant, à condition de réaliser une acquisition en coupes fines, sans préparation digestive ni injection de produit de contraste iodé. L’analyse des images se fera de préférence en fenêtrage pulmonaire pour augmenter la sensibilité.

Quelques cas particuliers doivent être cités : la faible densité radiologique de la cocaïne liquide la rend peu accessible à l’ASP et impose le recours au scanner. L’échographie trouve des indications en cas de transport vaginal ou rectal des boulettes de stupéfiants. L’IRM est indiquée, pour sa part, chez la femme enceinte qui n’est pas épargnée par les trafiquants, loin s’en faut.

Pour conclure, le radiologue peut être confronté à des difficultés certaines dans la réalisation de ces actes d’imagerie, car les patients souvent agités ne sont pas nécessairement coopérants, ce qui risque d’altérer la qualité des images. Le plus grand risque reste cependant la déchirure d’une boulette digestive qui expose à une mort instantanée par overdose. La présence de boulettes ou de sachets dans l’organisme est une information nécessairement transmise à l’administration judiciaire, mais les autres anomalies révélées par l’examen relèvent du secret médical.

Dr Philippe Tellier

Référence
Rezgui Marhoul L : Transporteurs intracorporels de stupéfiants : Quelle imagerie face à ce nouveau fléau ? Journées Françaises de Radiologie (Paris) : 12 au 15 octobre 2018.

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