Lithiase urinaire, ne jetons pas la pierre au jeûne !

La mode des jeûnes intermittents a amené à s’interroger sur les conséquences de ce comportement. Certaines sont positives, mais la diète hydrique est soupçonnée de pouvoir entraîner une lithiase urinaire (LU). Or, celle-ci atteint 10 à 15 % de la population générale, avec des complications potentielles graves. Les auteurs canadiens se sont spécifiquement penchés sur les risques de lithiase phosphocalcique, en raison de sa fréquence, des risques d’insuffisance rénale qui lui sont associés et de sa surveillance facile par le suivi des ions calcium et phosphore dans le sang et les urines.

Le risque de précipitation du CaHPO4 existe dès que son coefficient de solubilité est dépassé (saturation). En revanche, il diminue s’il y a abondance de citrates et de magnésium dans l’urine (liaisons compétitives) ou quand l’urine s’acidifie.

Il a été démontré que le jeûne entraînait une diminution du débit urinaire, ce qui, en l’absence d’interférence d’autres facteurs, devrait entraîner une sursaturation en H2PO4 et Ca++. Mais il faut prendre en compte le fait que le jeûne entraîne aussi une réabsorption rénale accrue de Na+ et de Ca++.

Pas de preuve d’une précipitation phosphocalcique

Pour cette étude, 15 volontaires sains ont accepté de jeûner pendant 18 h (de 18 h à midi). Leurs urines ont été prélevées 6 fois (toutes les 4 h30) depuis l’instant 0 jusqu’à 22 h 30, en analysant chaque fois le volume émis, le ionogramme urinaire complet (Na, K, Cl, Mg, Ca, P, citrates), le pH urinaire, l’urée et la créatinine dans le sang et les urines, l’osmolarité et le DFG, et les résultats ont été comparés à ceux obtenus dans un même laps de temps un jour où les 15 participants se sont normalement nourris.

Il a été constaté une chute drastique du débit urinaire, jusqu’à 13 h 30 de jeûne ; il descend en effet, dans les 2 sexes de 0,93 à 0,37 ml/mn en moyenne (p < 0,05). La créatininurie décroît aussi, mais dans des proportions non significatives. En revanche, on assiste à un effondrement de l’excrétion urinaire de Na (de 127 à 54 µmol/mn en moyenne) et de Ca (de 3,2 à 0,8 µmol/mn). Les variations des valeurs de l’excrétion de P, Mg, citrates, et du pH urinaire sont minimes ou nulles.

Quant à la pression artérielle, si l’on a observé une chute de la systolique (passant de 11,2 à 10,4 cm Hg), il n’en a pas été de même pour la diastolique, presque inchangée.

Au total, si la privation d’ingesta durant 18 h affecte indiscutablement la filtration glomérulaire, il n’y a pas de preuve que le risque théorique prévu de précipitation phosphocalcique dans les canaux de Bellini (zone médullaire du rein) soit augmenté chez les sujets sains.

Dr Jean-Fred Warlin

Référence
Shafiee MA et coll. : Impact of prolonged fasting on the risk of calcium phosphate precipitation in the urine: calcium phosphate lithogenesis during prolonged fasting in a healthy cohort. J Urol., 2018; 200:141-146.

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