DMP : le serpent de mer sortira-t-il enfin la tête de l’eau ?
Paris, le mercredi 7 novembre 2018 - En 2004, le dossier
médical personnalisé (devenu depuis le Dossier médical partagé)
était lancé par le ministre de la santé Philippe Douste Blazy, qui
promettait une généralisation avant le début de 2007. Finalement,
d’un ministre à l’autre, le projet de DMP est devenue une
arlésienne, sans cesse plébiscité, plusieurs fois réactivé, mais
sans aucun résultat réel. A tel point que la Cour des Comptes avait
dénoncé dans un rapport « une défaillance de pilotage très
anormale, eu égard au niveau élevé des investissements »,
estimé à un demi-milliard d’euros.
A son tour, Agnès Buzyn, en présence du directeur de la CNAM
(Caisse Nationale d’Assurance Maladie), Nicolas Revel a annoncé,
hier, l’ouverture, d’ici 5 ans, de 40 millions de DMP comme le
prévoit un accord signé, début octobre entre la CNAM et l'Union
nationale des professionnels de santé (UNPS).
La fin de quinze ans d’errance ?
Le retour en grâce du DMP a été impulsé par Marisol Touraine
en 2015 et 2016 qui a confié le dossier à la CNAM et mis sur pied
une « première phase de développement » conduite dans neuf
départements, qui aurait déjà permis de créer 550 000 DMP, ce qui,
en comptant ceux ouverts durant la décennie précédente a permis
d’atteindre 1,2 million de dossiers.
Désormais, alors que les pharmaciens reçoivent un bonus d’un
euro pour chaque DMP ouvert et que les Caisses primaires
d’assurance-maladie (CPAM) sont incitées à en constituer, on
atteindrait un total de près de 2 millions de Français disposant
d’un DMP et 100 000 s’ouvriraient chaque semaine.
Le « nouveau » DMP
En théorie, le nouveau DMP a de quoi séduire.
Il doit renforcer la collaboration entre les professionnels de
santé, permettre un accès immédiat aux informations médicales d’un
patient lors d’une première consultation ou en cas d’urgence,
éviter les risques liés aux interactions médicamenteuses ou la
réalisation d’actes médicaux redondants…
Son ergonomie, qui, de l’aveu de Nicolas Revel n’est pas
encore optimale, a été grandement améliorée. Par ailleurs, les
patients (qui peuvent dorénavant eux-mêmes ouvrir et alimenter leur
DMP), les caisses et les professionnels peuvent accéder à un site
internet (dmp.fr) et à une application qui devraient permettre,
promet-on, une importante facilitation du processus.
En outre, pour éviter que trop de dossiers restent vides,
l'Assurance-maladie injectera automatiquement dans tout DMP
nouvellement institué la liste des actes et des médicaments pris en
charge par la Sécurité sociale au cours des deux dernières
années.
Encore beaucoup d’écueils
Mais à l’instar des expériences précédentes, beaucoup
d’obstacles sont à signaler.
En premier lieu, il ne sera pas simple, semble-t-il, de
convaincre les médecins libéraux d’utiliser et de remplir les
DMP... Surtout lorsqu’on écoute les positions actuelles du
directeur de la CNAM.
Ainsi, pour davantage inciter les médecins à remplir ces DMP,
certains leaders syndicaux, comme Luc Duquesnel, le président de
Généralistes-CSMF, proposent que l’Assurance-maladie paye les
praticiens pour remplir les dossiers médicaux des patients
polypathologiques…une demande pour l’instant rejetée par Nicolas
Revel, qui assure ne « pas avoir prévu de rémunérer en tant que
tel » l’alimentation du DMP.
En outre, ceux qui ont déjà utilisé ces nouveaux DMP ne sont
pas très enthousiastes quant à leur fonctionnalité : « on aurait
pu avoir quelque chose de plus fonctionnel et de plus simple si on
n’avait pas laissé faire l’administration », assure ainsi
Jean-Paul Hamon (Fédération des médecins de France). Il assène même
: « le DMP en 2018, c’est du vent total, ça ne marchera pas plus
que les autres fois ».
Yannick Schmitt, médecin généraliste dans le Bas-Rhin, l’un
des départements tests, et président de Reagjir estime quant à lui
: « les éditeurs de logiciels n’ont pas tous développé les
bonnes interfaces, vous pouvez perdre plusieurs minutes à intégrer
les documents ». Il déplore encore : « les hôpitaux ne sont
pas très réactifs, et seuls un ou deux laboratoires biologiques
d’analyses médicales jouent le jeu. S’il n’y a aucune information
dedans, on ne va pas y aller ».
Soulignons à cet égard que seuls 18 % des médecins ont utilisé
un DMP dans les neuf départements tests. En Haute-Garonne, l’un
d’entre eux, Jean-Louis Bensoussan, secrétaire général de MG
France, affirme n’avoir jamais réussi à verser des documents dans
le DMP : « tel qu’il est conçu, ce dossier médical n’est pas
intéressant pour les médecins. Pour 95 % de mes patients que je
connais déjà, je reçois directement les informations nécessaires
via mon dossier patient. Pour les autres, ce sont des pathologies
bénignes pour lesquelles l’accès à un dossier partagé ne
m’apporterait pas grand-chose. »
Quelle sécurité des données ?
Il subsiste également l’épineuse question de la sécurité et la
confidentialité de données aussi sensibles.
Sur ce point, la CNAM met en avant qu’aucun DMP ne peut être
créé sans le consentement express du patient et qu’il gardera «
le contrôle de ses données de santé puisqu’il choisit les
professionnels de santé qui auront le droit d’y accéder. Le patient
peut s’opposer à ce qu’une information soit versée par un
professionnel de santé dans son DMP ou encore masquer une
information médicale à tout moment », sauf néanmoins à son
médecin traitant. Lors de la création de son dossier, l’assuré
devra également préciser s’il souhaite rendre son dossier
accessible en cas d’urgence.
Il sera également averti par e-mail ou SMS « dès qu’un
document est déposé ou qu’un professionnel de santé se connecte
pour la première fois ». La CNAM rappelle par ailleurs que les
laboratoires pharmaceutiques, les mutuelles, les banques et les
assurances « n’ont aucun droit » d’accès.
Concernant la sécurisation des données proprement dites, la
CNAM avance que « la connexion au DMP est hautement sécurisée,
que les professionnels de santé ne peuvent y accéder qu’en étant
munis de leur carte professionnelle. Quant au patient, il reçoit un
code à usage unique par SMS pour s’y connecter ».
Les DMP sont conservés « par un hébergeur de données de
santé ayant reçu un agrément du ministère en charge de la Santé
» et « les données qui y sont stockées sont cryptées, à partir
d’une clé propre à chaque assuré. Ces données ne pourront être
diffusées ou exploitées à des fins commerciales, d’études ou
autres ».
Levons-nous, et demain ?
Pour arriver à déployer ce carnet de santé numérique,
l'Assurance maladie dispose d'un (petit ?) budget annuel de 15
millions d'euros et elle a décidé de mettre les bouchées
doubles.
Ainsi, dès cette semaine, elle lance une campagne sur tous les
supports, intitulée « DMP. La mémoire de votre santé », sur
un ton se voulant décalé.
En outre, la CNAM a présenté un calendrier ambitieux de
développement. Entre autres projets, elle annonce d’ores et déjà,
une nouvelle version de l'application mobile avant la fin de
l'année, un espace réservé aux directives anticipées sur la fin de
vie dès le mois d'avril 2019 ou encore la possibilité d'alimenter
le DMP via des objets connectés…
Reste que, comme le veulent les propos prêtés tantôt à Lénine,
Churchill ou Clémenceau : « là où il y a une volonté, il y a un
chemin »…Y’a-t-il, cette fois-ci, une vraie volonté de toutes
les parties prenantes à ce nouveau DMP ? Les mois à venir nous le
diront.
Quand on voit les résultats pour l'informatisation de la délivrance des cartes grises et de la paie des militaires avec le logiciel Louvois ...
Dr Alain Braillon
Le DMP ? Oui, mais dans la poche du patient (carte mémoire)
Le 08 novembre 2018
Récemment, pour la télémédecine, l’Assurance Maladie a accepté ou plutôt a exigé de payer cette modalité de consulter, à la condition de recevoir le CR de cet acte pour alimenter le DMP.
Pourquoi ? Afin d’y détecter des doublons. Aveu obtenu d’ailleurs dès 2005.
Sans voir le risque qui se manifestera sur le secret médical, souvent violé, jamais sanctionné dans certaines pathologies (stérilité, impuissance, cancers, etc.).
Que fera-t-elle ensuite de sa liste de doublons ? Elle demandera je suppose, le remboursement du doublon, soit au prescripteur qui prescrit sans savoir qu’il doublonne, soit à l’assuré qui cache sa démarche pour avoir un second avis non perturbé par les premières consultations, soit à un mélange des deux alors que bien des assurés sociaux ignoraient la ‘gravité’ (sic) de leur demande.