Faut-il vraiment ne plus aspirer la trachée des nouveau-nés non vigoureux qui naissent dans un liquide méconial ?

La raréfaction des inhalations méconiales dans les Unités de Soins Intensifs Néonatales [USIN] doit plus à la prévention du dépassement de terme qu’à l’aspiration trachéale des nouveau-nés naissant dans un liquide méconial. En 2010 le Neonatal Resuscitation Program [NRP] a restreint l’aspiration trachéale aux seuls nouveau-nés « non vigoureux » et, depuis 2015, il donne la priorité à la ventilation au masque, afin de ne pas retarder la réanimation des nouveau-nés en mauvaise condition.

A partir d’octobre 2016, la directive 2015 du NRP a été appliquée dans 4 maternités de Dallas (USA) aux bébés de ≥ 35 semaines, non vigoureux, naissant dans un liquide méconial épais - purée de pois ou contenant des particules de méconium -.

Des 12 mois précédents (période rétrospective) aux 12 mois suivants (période prospective), le taux des aspirations trachéales pour liquide méconial est tombé de 70 % (n= 91/130) à 2 % (n = 2/101) alors que celui des ventilations au masque est monté de 19 % (n = 24/130) à 55 % (n = 55/101) en salle de naissance.

Ce changement de conduite n’a pas réduit la proportion de scores d’Apgar < 7 à 5 min de vie.

En revanche, il est associé à une augmentation des soins intensifs respiratoires. Par comparaison avec la période rétrospective, durant la période prospective une proportion plus importante de nouveau-nés est admise en USIN (40 % versus 22 % ; p < 0,05 ; Odds Ratio [OR] = 2,2 ; Intervalle de Confiance de 95 % [IC95] de 1,2 à 3,9) et y reçoit une oxygénothérapie (37 % vs 19 %, p < 0,05 ; OR = 2,5 ; IC95 de 1,2 à 4,5), une ventilation mécanique (19 % vs 9 % ; p < 0,05 ; OR = 2,5 ; IC95 de 1,2 à 4,5) et/ou du surfactant (10 % vs 2 % ; p < 0,05 ; OR = 5,8 ; IC95 de 1,5 à 21,8). Les OR sont ajustés par la souffrance fœtale, la petite prématurité et la post-maturité, plus fréquentes au cours de la période prospective. En revanche, l’utilisation du monoxyde d’azote et de l’hypothermie contrôlée et les transferts pour oxygénation extra-corporéale sont stables.

Les diagnostics d’inhalation méconiale sont plus fréquents chez ces nouveau-nés (11 % (n = 11/101) vs 5 % (n = 7/130) mais pas significativement. Les deux périodes ne diffèrent pas pour les autres détresses respiratoires (détresse respiratoire transitoire, maladie des membranes hyalines, pneumothorax), les comorbidités (hypertension artérielle pulmonaire, encéphalopathie hypoxique-ischémique), la durée de séjour médiane en USIN (6 jours) et la mortalité en USIN (aucun décès).

Au total, dans cette étude, l’arrêt de l’aspiration trachéale systématique chez les nouveau-nés non vigoureux qui baignent dans un liquide méconial, n’a pas amélioré le score d’Apgar à 5 min. et a augmenté la morbidité respiratoire. Si les inhalations méconiales se produisent en règle générale avant l’expulsion, l’aspiration trachéale a néanmoins été productive dans près de 50 % des cas où elle a été effectuée (n = 44/91). L’argument consistant à dire que son efficacité n’est pas prouvée peut être retourné : il n’y a pas plus de preuves de l’efficacité de la directive du NRP. A ce stade, il paraît donc nécessaire d’évaluer dans un essai thérapeutique les effets de l’arrêt de la pratique de l’aspiration trachéale chez les bébés non vigoureux naissant dans un liquide méconial sur l’incidence des inhalations méconiales et sur la mortalité néonatale.

Dr Jean-Marc Retbi

Référence
Chiruvolu A et coll. : Delivery room management of meconium-stained newborns and respiratory support. Pediatrics 2018 ; 142(6) : e20181485.

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