
Les vaccinations durant la grossesse sont une mesure
essentielle pour protéger les nouveau-nés d’infections menaçant le
pronostic vital durant les premiers mois de vie. Le passage
transplacentaire des anticorps post vaccinaux permet à l’enfant de
se défendre en attendant qu’il développe une immunisation active.
De fait, les vaccinations anti grippe et anti coqueluche sont
recommandées chez les femmes enceintes, tant par l’Advisory
Comittee on Immunizative Practices des US Centers for
Disease Control and Prevention que par l’American College of
Obstetricians and Gynecologists. Les vaccins contre le tétanos,
la diphtérie ou le vaccin anti coquelucheux acellulaire (T dap)
sont, de façon routinière, administrés entre les
27e et 36e semaine
de la gestation. Cette pratique permet ainsi d’apporter, par
exemple, au jeune nourrisson des anticorps anti coqueluche pendant
une fenêtre à fort risque de coqueluche grave. La vaccination par
virus grippal inactivé est, de même, recommandée chez les femmes
enceintes ou durant une période de risque épidémique, quel que soit
le trimestre de la grossesse. Des données récentes font état d’une
proportion de 54 % de femmes ayant reçu le vaccin T dap durant leur
gestation et de 45 %, le virus grippal inactivé, avant ou durant
leur grossesse. Actuellement, de nouveaux vaccins, dirigés contre
le Streptocoque B et le virus respiratoire syncytial,
potentiellement utiles durant une grossesse, sont en cours de
développement.
Déterminer la date optimale de vaccination maternelle est
fondamentale pour offrir la meilleure protection, tant chez la mère
que chez l’enfant. Cela pose, en pratique, différentes
questions.
La première d’entre elles est de définir la période de
vaccination la plus sûre. Le premier trimestre de la grossesse et
le début du second constituent des périodes importantes pour
l’embryogenèse et l’organogenèse fœtale, durant lesquelles, des
infections maternelles peuvent se compliquer d’infections fœtales,
avec un risque accru d’avortement, d’embryopathie ou de
malformations congénitales. Une vaccination précoce peut alors
éviter l’infection maternelle, diminuer par la même le risque
d’infection in utero et de pathologies sévères à la
naissance. Or, les médecins sont souvent hésitants à vacciner
durant cette période, malgré l’abondance de preuves confirmant
l’innocuité des vaccinations anti coquelucheuse et antigrippale
durant le 1er trimestre de la grossesse. A
l’inverse, les infections maternelles des second et troisième
trimestre ne causent habituellement pas d’anomalies structurelles
et il en va de même des vaccinations effectuées alors. Ainsi, la
date optimale de l’administration de vaccins durant la grossesse
doit tenir compte de différents facteurs.
Protéger la mère et/ou l’enfant
Le deuxième problème est de relier date de vaccination et
susceptibilité maximale à l’infection que l’on veut prévenir. Cela
implique de bien définir la principale cible retenue : la mère, le
nouveau-né ou, idéalement, les deux. A titre d’exemple, le vaccin
antigrippal administré durant la grossesse protège à la fois la
mère et le jeune enfant après la naissance tandis que les vaccins
anti coquelucheux, anti Streptocoque B et anti virus respiratoire
syncitial s’adressent préférentiellement au nouveau-né. De plus, la
susceptibilité maximale est fonction du pathogène lui-même. Il est
connu que la grippe est plus sévère chez la femme durant le
3e trimestre de grossesse et que la
coqueluche est redoutable dans les premières semaines de vie d’un
jeune enfant.
Un autre point à préciser est de définir la période où une
vaccination est susceptible d’induire la réponse immunitaire la
plus intense possible, avec un transfert maximal d’anti corps de la
mère au fœtus , puis de maintenir un taux élevé durant la phase de
susceptibilité la plus forte . De nombreuses études ont été menées
à ce propos ; il a été ainsi démontré qu’ une vaccination anti
coquelucheuse effectuée tôt durant le 3e
trimestre de gestation était associée à des taux plus élevés
d’anticorps spécifiques, comparativement à une vaccination plus
tardive. Il faut toutefois noter que les taux requis d’ anticorps
efficaces pour protéger des divers pathogènes sont encore mal
définis, ce qui limite la signification clinique de recommandations
de ce type.
Autre point à aborder, celui de la date où la vaccination a
une interférence minimale avec l’immunisation active spécifique du
nourrisson. Des taux élevés d’anticorps maternels peuvent, en
effet, induire des taux plus faibles d’anticorps chez les enfants,
par rapport aux enfants dont la mère n’a pas été vaccinée. A titre
d’ exemple, les nouveau-nés dont la mère a été vaccinée par le T
dap ont des taux d’anticorps post vaccinaux plus faibles que ceux
de nourrissons dont la mère n’ a pas été vaccinée durant la
grossesse. Ce mécanisme d’ interférence est encore mal élucidé et
sa signification clinique reste imprécise mais il importe d’en
tenir compte lors de la date d’une vaccination.
Se trouve aussi posée la question de la date de la ou des
vaccinations par rapport à celle des visites habituelles auprès des
professionnels de santé durant toute la grossesse, en veillant à ne
pas trop les multiplier, d’où l’intérêt éventuel de pratiquer des
vaccinations groupées en une même séance. On doit également tenir
compte en pratique du site géographique et de facteurs financiers
et administratifs qui peuvent être autant de barrières à une
pratique vaccinale optimale. De fait, le taux de couverture se
révèle plus faible chez les femmes sans assurance médicale, se
situant vers 24 % face à un taux de 31 % pour celles couvertes par
une assurance sociale , culminant à 40 % dans l’armée.
Dr Pierre Margent