Exclusif : médecins et pharmaciens totalement en désaccord sur la prescription pharmaceutique
Paris, le jeudi 21 mars 2019 – La possibilité pour les
pharmaciens de délivrer certains médicaments "sur ordonnance" sans
prescription médicale a été introduite dans le projet de loi de
santé par un amendement du rapporteur Thomas Mesnier (LREM). L’idée
n’est pas neuve : défendue par de nombreuses organisations de
pharmaciens qui s’inspirent notamment de modèles étrangers, elle a
été présentée à l’Assemblée nationale en octobre dernier lors de
l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale,
mais finalement rejetée. Aujourd’hui, le docteur Thomas Mesnier
propose un cadre strict : la liste des médicaments et pathologies
suspectées concernés devrait notamment être définie par la Haute
autorité de Santé (HAS), tandis qu’une coordination étroite serait
indispensable entre médecins et pharmaciens pour mettre en place un
tel dispositif. L’amendement est non seulement soutenu par le
rapporteur du texte mais aussi par plusieurs députés LREM, dont le
docteur Olivier Véran. Il reçoit également sans surprise une forte
approbation du Conseil de l’Ordre des pharmaciens. Thomas Mesnier
se montre donc confiant : « J’ai de très bon espoirs que cet
article reste dans la loi » a-t-il confié, cité par le
quotidien 20 minutes.
Sondage réalisé sur JIM du 6 au 18 mars
2019
Botter en touche via une expérimentation ?
Cependant, du côté du ministre de la Santé, on constate un certain
embarras. Si Agnès Buzyn semble plutôt favorable à l’esprit de la
proposition, destinée à alléger la surcharge de certains cabinets
médicaux et à résoudre des problèmes d’accès aux soins dans
certaines zones dites "sous dotées", elle se montre soucieuse
d’éviter un conflit avec les médecins. Ainsi, a-t-elle observé : «
Il me semble important de réussir à avancer sur ce sujet, soit
par le biais d’une expérimentation (…), soit de travailler
aujourd’hui avec les professions médicales pour aboutir à une forme
d’accord ». Or une telle entente apparaît totalement improbable
si l’article demeure dans la loi.
Plébiscite chez les pharmaciens, rejet franc chez les
médecins
Les médecins sont en effet très largement hostiles à la
prescription, en routine, par les pharmaciens de certains
médicaments accessibles sur ordonnance. Un sondage réalisé sur
notre site révèle que 56 % des professionnels de santé sont opposés
à une telle évolution. Ce chiffre grimpe jusqu’à 67 % quand on ne
considère que les réponses des médecins. A contrario, chez les
pharmaciens, l’idée est totalement plébiscitée puisque 96 % de ceux
qui ont participé à notre sondage s’y déclarent favorables. Ainsi,
même si l’on peut noter la proportion de 30 % de médecins qui
seraient prêts à voir les officinaux endosser de telles missions
(ils pourraient être sensibles à un désengorgement des salles
d’attente des cas ne nécessitant pas un accompagnement médical
pointu), on constate une scission très nette sur ce sujet entre
pharmaciens et médecins, qui paraît confirmer la nécessité d’un
renforcement des coopérations avant de s’engager dans des
transferts de compétence et de tâches majeurs.
Des syndicats qui font front
L’hostilité sans nuance des médecins est relayée avec force par
l’ensemble des syndicats de praticiens libéraux depuis une dizaine
de jours. Ainsi, alors que MG France a boycotté jeudi dernier la
séance de négociation avec la CNAM autour des assistants médicaux
en signe de protestation, la Confédération des syndicats médicaux
français (CSMF) a averti d’un risque de « conflit dur » de
la part des médecins si cette disposition (entre autres) était
maintenue. Le patron de la Fédération des médecins de France (FMF)
a de son côté vivement exprimé son désaccord lors d’une entrevue
avec Thomas Mesnier où il s’est vu reprocher une vision trop
archaïque, quand le SML déplore « l’obstination du rapporteur à
vouloir doter les pharmaciens d’officine de compétences
diagnostiques qu’ils n’ont pas ».
Pour être médecin, mieux vaut avoir fait médecine
A l’image de cette remarque du SML, la principale critique des
syndicats de médecins se concentre sur le mélange des genres et sur
l’absence de compétences spécifiques des pharmaciens en matière
diagnostique. « Le médecin est celui qui a l’apanage du
diagnostic et de la prescription médicale : il a été formé pour
cela, tout au long d’une dizaine d’années d’études longues et
difficiles. Le pharmacien a l’apanage de l’analyse de l’ordonnance,
de la délivrance du médicament et de l’accompagnement du patient
pour l’observance. Ses études également difficiles l’ont préparé à
ce métier, mais pas à faire du diagnostic » écrit le patron de
la CSMF dans un communiqué publié au début du mois. « Pour être
médecin, il faut mieux avoir fait médecine » résume plus
directement la branche généraliste de la CSMF. Plus concrètement,
la notion de "petites maladies" telle qu’elle a été évoquée par
Thomas Mesnier leur apparaît totalement inopérante, dans la mesure
où seul le médecin aurait la capacité de départager ce qui est
bénin de ce qui ne l’est pas.
L’importance du dialogue totalement niée
L’autre motif de crispation concerne la méthode adoptée et
l’absence totale de discussion avec et entre les principaux
intéressés. Ainsi, certains suggèrent qu’ils ne sont pas
définitivement et ontologiquement hostiles à une évolution des
rôles de chacun mais ne peuvent l’envisager que dans le cadre d’une
concertation posée. « Si les choses doivent évoluer, c’est bien
après des discussions entre médecins et pharmaciens que cela doit
se faire et pas dans l’enceinte de l’Assemblée nationale »
insiste ainsi la CSMF, à une époque où le gouvernement semblait
pourtant glorifier le dialogue. Mais Thomas Mesnier continue à
défendre son projet signalant notamment la nécessité de mieux
encadrer des situations qui existent déjà et rappelant que la
coopération serait incontournable. A suivre dans les heures et
jours qui viennent.
Etonnant cette unanimité des pharmaciens de jouer au docteur sans rémunération pour des pathologies bénignes. Puisqu'on vous dit que cela se fait déjà à l'étranger et puisque les médecins disent qu'ils ne peuvent répondre à toutes les demandes des usagers et refusent de nouveaux patients dans leurs clientèles.
Plutôt que de refuser cette proposition ne vaudrait il pas mieux que les médecins se concentrent sur la rémunération des consultations complexes ? Après, les pharmaciens sont libres de prendre leurs responsabilités diagnostiques et de prescrire avec remboursement des patients si ils en assument réellement les risques d'autant que c'est ce qu'ils font déjà sans en assumer les conséquences quand cela se passe mal et que le médecin récupère le problème ensuite. Mais il faut que les choses soient clarifiées dans le texte de loi. A quand le renouvellement des traitements anti hypertenseurs puisqu'ils peuvent aussi prendre la TA en officine ?
Dr Pierre-André Coulon
Œil pour oeil
Le 21 mars 2019
Les médecins auront ils le droit de vendre des médicaments lorsque les officines seront fermées ?
Dr Jacques Thiebaut
On marche sur la tête
Le 21 mars 2019
Moi, j'ai une contre proposition:prendre la liste des dix médicaments les plus vendus en officine et la vendre en cabinet après la consultation...au moins le patient aura eu son examen clinique. On marche sur la tête en 2019...quel progrés !