Chemsex : une syndémie préoccupante chez les GBMSM

Les GBMSM (Gay, Bisexual and other Men who have Sex with Men) ont un risque 3 fois plus important de dépression et 6 fois plus marqué de suicide que la population générale. Ils sont aussi plus souvent fumeurs (RR [risque relatif] = 2,4), alcooliques (RR = 2) et consommateurs de drogues (RR = 3), toutes conditions qui les rendent plus susceptibles d’avoir des rapports anaux sans préservatif (OR [odds ratio] = 3,46)… Leurs conditions de vie les rendent également plus susceptibles de consommer des substances illicites : stigmatisation, discrimination, harcèlement homophobe, rejet sociétal, confrontation directe à un diagnostic de positivité du VIH, brutalité des rapports, …

De quoi parle-t-on ?

Quant au chemsex (pour chemical sex ou sexe sous produits chimiques), il ne possède pas encore de définition claire et nette car les produits, les comportements, les motivations sont différents pour chaque individu. Mais ceux qui s’y adonnent aiment prendre de la drogue avant ou pendant leurs relations sexuelles pour l’euphorie, la connexion avec ses partenaires et l’exacerbation du plaisir que ces substances procurent. Actuellement, un certain consensus existe pour désigner le chemsex comme étant l’utilisation planifiée de certaines drogues dans le but d’amplifier la sexualité de la personne en termes de longueur (plusieurs heures, voire quelques jours) et d’intensité (type de pratique plus extrême, nombre de partenaires souvent augmenté). Plusieurs ‘synonymes’ se retrouvent sur la toile ou même sur des Apps : ParTy, HnH (pour Horny and High), Chemfun ou CF, Party & Play ou PnP, Wired Play, … qu’il faut connaître lorsqu’un patient consulte avec des infections sexuellement transmissibles (IST) à répétition. Quant à la littérature médicale, elle est encore relativement muette à propos du chemsex, avec seulement une centaine d’études recensées sur PubMed, mais en augmentation constante avec les années.

Quoi qu’il en soit, ceux qui pratiquent le chemsex recherchent souvent une augmentation du plaisir sexuel, une augmentation de leur confiance en eux, une désinhibition et de l’endurance. Ils ont souvent une faible estime d’eux-mêmes et une mauvaise image de leur corps. Les drogues utilisées sont très variables selon les pays. En France, ce sont surtout les cathinones, l’ecstasy et la ketamine alors, qu’en Grande-Bretagne, on retrouvera plutôt la méthamphétamine, le GHB, la cocaïne, la kétamine et le MDMA.

Des conséquences à tous les échelons du biopsychosocial

Quelles que soient les drogues utilisées (et ce compris les inhibiteurs de la PDE5), elles augmentent le risque de séroconversion VIH. En particulier, la méthamphétamine est connue connue pour augmenter l’inflammation muqueuse au niveau du rectum tandis que la plupart des drogues utilisées désinhibent tout en altérant les facultés cognitives. Elles ont aussi un effet relaxant musculaire et augmentent l’énergie de ceux qui en consomment. Le risque de transmission est d’autant plus élevé que l’on sait que les GBMSM VIH+ sont beaucoup plus enclins que les GBMSM VIH- à participer à des réunions chemsex. Enfin, les GBMSM qui pratiquent le chemsex sont plus enclins à multiplier les partenaires sexuels (OR = 5,4), à participer à des réunions de sexe en groupe (OR=16,6), à partager leurs sex toys (OR = 13,0) ou à faire du fisting (OR = 13,2). Ils sont également plus enclins à consommer de l’alcool (OR = 2,7) et à s’injecter des drogues (OR = 131,8). Dans ces conditions, il n’est pas étonnant qu’ils multiplient (par 3,51) le risque absolu de faire une IST, par 5,06 celui d’une infection par VIH ou par 9,16 celui d’une hépatite C. Une étude française a également montré qu’outre le risque d’hépatite C, celui d’une infection par Shigella est bien réel.

Pour expliquer les raisons de l’augmentation de transmission des IST chez les adeptes du chemsex, les spécialistes s’accordent à évoquer la multiplicité des partenaires, la pratique de sexe anal sans préservatif, la violence des rapports traumatisant les muqueuses, la synergie de transmission IST/VIH, la plus forte charge virale que l’on rencontre dans cette communauté et la mauvaise adhérence aux mesures de prévention (bien que les études soient contradictoires pour la prophylaxie préexposition ou PrEP), et l’usage de drogues injectables.

Enfin, il apparaît que certaines interactions peuvent exister entre agents antirétroviraux et drogues du chemsex. De plus, les agents stimulants comme la métamphétamine génèrent une moins adhérence aux antirétroviraux.

Et le futur ?

Lorsqu’on interroge les adeptes du chemsex, on constate qu’ils perçoivent de nombreuses conséquences négatives de leur addiction sur les plans professionnel, financier, mais aussi juridique (criminalité est accrue). Le risque d’accidents de surdosage et d’hospitalisations est également connu.

Le problème est donc bien réel, et les études s’attardent aujourd’hui sur l’histoire naturelle du chemsex et sur une meilleure connaissance des conséquences psychologiques et sociales de cette pratique afin de développer des interventions efficaces même si elles sont complexes, en les sortant de la vision réductrice de l’infection par VIH. On trouvera également utilement avec le lien suivant (https://santemontreal.qc.ca/fileadmin/fichiers/professionnels/DRSP/sujets-a-z/HARSAH/Depliant-Sex-Party-vf-Web.pdf) les conseils à donner aux adeptes du chemsex en groupe pour limiter le risque.

Dr Chloe Vaneeren

Référence
Pakianathan R : Chemsex and implications for HIV transmission and management. . The annual Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections (CROI) 2019 (Seattle) : 4-7 mars 2019.

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