Quel impact sur la puberté des composés chimiques dans les produits de grande consommation ?

Des travaux, sous l’égide du National Institute of Environmental Health Sciences et de l’US Environmental Protection Agency ont, les premiers, attiré l’attention sur le fait qu’une exposition pré natale à différents perturbateurs endocriniens pouvait modifier la date de survenue de la puberté. Et, récemment, un article paru dans Human Reproduction (1) a suggéré que l’exposition à certains composés chimiques dans des produits de grande consommation (tels que dentifrices, cosmétiques et autres) pourrait être à l’origine d’une puberté précoce chez les filles.

Ces dernières années, certaines fillettes ont vu leur puberté survenir à un âge précoce, augmentant par là même le risque de problèmes psychologiques, de comportements déviants et, à un âge plus avancé, de cancer du sein et de l’ovaire. Certes, l’obésité joue un rôle notable dans la survenue d’une puberté précoce mais nombre d’indices laissent à penser que d’autres facteurs peuvent intervenir, dont certains produits chimiques perturbateurs endocriniens. De fait, des travaux expérimentaux ont révélé que, chez l’animal, une exposition prénatale à plusieurs perturbateurs endocriniens présents dans les cosmétiques, les produits d’hygiène corporelle, les produits ménagers parfumés pouvaient compromettre le développement reproductif. En clinique humaine, quelques études ont démontré qu’une exposition dans l’enfance pouvait affecter la survenue d’une puberté normale mais ces travaux étaient de qualité variable et n’ont pas concerné une possible exposition in utero.

Toutefois, on se doit de citer une étude longitudinale menée par le Center for the Health Assessment of Mothers and Children of Salinas (CHAMACOS Study), qui a inclus 179 filles et 159 garçons. Les concentrations de phtalates, parabène et phénols ont été collectées itérativement chez les mères durant leur grossesse et durant les 9 premières années de la vie des enfants. La survenue de la puberté a été surveillée tous les 9 mois, entre l’âge de 9 et 13 ans. Le diagnostic était posé sur les modifications spécifiques des seins et des parties génitales, suivant la classification de Tanner. Dans l’analyse furent pris en compte l’âge de la puberté chez la mère et le poids de l’enfant.

Quels résultats ?

- en prénatal durant la grossesse : des taux urinaires maternels élevés de triclosan (utilisé comme agent anti bactérien dans certains dentifrices et savons pour les mains) et de 2-4 dichlorophénol (produit de dégradation du triclosan, utilisé dans la composition de pesticides) ont été associés à des règles plus précoces chez les filles. Il en va de même de taux urinaires élevés de phtalate mono ethyl (métabolite du diethyl phtalate, utilisé dans les produits de soins corporels), associés à un développement plus précoce des poils pubiens chez les fillettes alors même qu’aucune association n’a été observée chez les jeunes garçons.

- en période péri pubertaire : les filles ayant un taux élevé de méthyl ou propyl parabène (utilisé comme conservateur dans les cosmétiques) décelé vers l’âge de 9 ans, présentent des règles plus précoces, comparativement à des fillettes ayant des taux urinaires moindres.  

De plus, le méthyl parabène était associé à un développement plus rapide des seins et des poils pubiens. A l’inverse, les filles avec une forte concentration urinaire de 2-5 dichlorophénol (présent dans la naphtaline, les déodorants d’intérieur et de toilettes) ont présenté un développement pubertaire retardé. Enfin, chez les jeunes garçons, des hauts niveaux urinaires de propyl parabène ont été associés à un développement génital plus précoce.

De fortes présomptions mais pas de preuves

Ces résultats sont d’importance mais il faut garder à l’esprit la limite de ces mesures urinaires qui ne reflètent pas, de par le métabolisme très rapide de ces composés chimiques, la totalité de l’exposition de ces enfants, d’où une sous-estimation possible de telles associations. On peut aussi faire l’hypothèse que les enfants avec une puberté précoce utilisent plus de produits d’hygiène que les autres, d’où une plus grande exposition. En 3e lieu, il faut se souvenir que la cohorte de l’étude de Salinas a concerné des enfants d’origine hispanique et de bas niveau socio-économique, vivant en milieu agricole. D’autres facteurs ont pu intervenir comme les pesticides et autres exposants environnementaux et une généralisation de ces résultats reste aléatoire.

Ainsi, existe-t-il des éléments forts tendant à démonter que certains perturbateurs endocriniens peuvent contribuer à une puberté précoce, particulièrement chez les filles. Mais ces résultats doivent être confirmés par d’autres études, concernant d’autres types de population. A contrario, aucune association n’a pu être mise en évidence avec des dérivés tels que le mono iso butyle phtalate, métabolite des phtalates utilisé dans les cirages et les produits de soins corporels, ni avec le phénol benzophénol -3 présent dans les crèmes solaires.

Dr Pierre Margent

Références
(1) Harley KG : Association of phthalates, parabens and phenols found in personal care products with pubertal timing in girls and boys. Hum Reprod. 2019 Jan 1 ; 34 (1) : 109-117. Abbasi J : Chemicals in Consumer Products Associated with Early Puberty. JAMA 2019. Publication en ligne le 3 avril 2019.

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Vos réactions (1)

  • Naturellement

    Le 25 avril 2019

    Savon de marseille dentifrice à l'argile et au sel et chapeau tee shirt aux heures les moins chaudes pour le soleil.
    Tiens on croirait revenir au bon vieux temps des grands-parents qui vivent jusqu'à 85 ans.

    Dr Frédéric Langinier

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