
Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) sont la deuxième
cause de mortalité à travers le monde. Ils affectent près de 10
millions d’individus et sont responsables de plus de 6 millions de
décès. Environ, 10 à 15 % des AVC surviennent chez des adultes
jeunes qui ont entre 18 et 49 ans. Les données concernant le
pronostic et la mortalité spécifique dans cette tranche d’âge sont
limitées, de par des séries souvent anciennes, avec un faible
effectif et un suivi très limité, alors même que la prévention et
la prise en charge des AVC se sont considérablement améliorées lors
de ces dernières années.
Une étude a donc été menée afin de préciser le taux de
létalité et la mortalité cumulée à 1,5, 10 et 15 ans, ainsi que les
tendances évolutives, après un premier AVC survenu chez des adultes
jeunes, entre 18 et 49 ans. La surmortalité possible dans cette
population a été comparée à celle de la population générale et les
causes de décès analysées. Dans ce but, une cohorte d’ampleur
nationale a été constituée parmi les patients ayant souffert d’un
premier AVC (ictus ischémique, hémorragie cérébrale ou de nature
non précisée). Les auteurs se sont basés sur les registres
hospitaliers et de décès danois depuis le
1er janvier 1988 jusqu’au
1er janvier 2011 et 2017. Furent exclus de
l’enquête les accidents cérébraux transitoires et les hémorragies
sous arachnoïdiennes. Pour chacun des participants fut précisé
l’index de comorbidité de Charlson noté au jour de l’AVC (ICC).
Pour rappel, ce dernier est un score allant de 1 à 6, fonction des
pathologies associées (insuffisance cardiaque congestive, diabète,
cancers, autres défaillances organiques…). L’ICC s’est révélé être
un bon outil prédictif de l’évolution des patients.
Le résultat primaire analysé a été la mortalité cumulative,
toutes causes confondues, à 1, 5 10 et 15 ans chez les survivants à
30 jours après un premier AVC entre 1998 et 2010. La mortalité a
été stratifiée en fonction de l’âge, du sexe et de la nature de
l’AVC et comparée à celle de la population générale. Les paramètres
retenus en second lieu pour l’analyse ont été le risque annuel de
décès, la surmortalité en cas d’AVC, les tendances évolutives en
termes de mortalité et d’étiologie dans ce type de population. Le
suivi fut assuré jusqu’au décès, sortie de l’étude ou au
1er janvier 2017. Un ratio de mortalité
standardisé (RMS) fut calculé, à savoir le nombre de décès observés
dans la cohorte, rapporté à celui attendu dans la population
générale équivalente, en fonction des différentes classes d’âge
(entre 18 et 29 ans, 30 et 39 ans et 40 à 49 ans).
Pas de comorbidité dans plus de 8 cas sur 10 et une durée médiane de survie de 9,3 ans
Il fut identifié 15 257 adules jeunes ayant présenté, durant
la période d’étude, un premier AVC (dont 53,3 % de femmes). L’âge
médian était de 44 ans (IQR pour interquartile range : 38-47 ans).
8 444 sujets (55,3 %) avaient souffert d’un accident de type
ischémique, 3 077 (20,2 %) d’une hémorragie intra cérébrale et les
3 736 autres d’un AVC de type non précisé. Point notable, 12 803
(83,9 %) ne présentaient aucune comorbidité. La durée médiane de
survie fut de 9,3 ans (IQR : 5,9-13,1 ans).
1 776 (11,6 %) des patients étant décédés dans les 30 premiers
jours suivant l’accident cérébral, la mortalité s’établit à 7,4 %
en cas d’AVC ischémique (respectivement 7,6 % chez les hommes et
7,4 % chez les femmes). Elle est de 32,3 % après une hémorragie
intra cérébrale (respectivement 29,8 % et 34,8 % selon le sexe) et
de 4,2 % (4,2 % et 4,4 %) quand le type de l’AVC n’avait pas été
précisé.
A la fin du suivi, 3 540 patients (23,2 %) étaient décédés. La
mortalité cumulative, tous types d’AVC confondus, fut de 3,1 % (CI
: 2,8- 3,4 %) à un an. Elle s’établit à 7,0 % à 5 ans (intervalle
de confiance à 95 % [IC95] de 6,6 à 7,4 %), à 11,5 % à 10 ans (IC95
de 11,0 à 12,1 %), pour culminer à 17,0 % à 15 ans (IC95 de 6,2 à
17,9 %).
Une augmentation notable de la mortalité jusqu’à 15 ans
Le risque annuel de décès parmi les survivants a été élevé les
premières années, puis tendit à se stabiliser les années
suivantes.
En cas d’ictus ischémique, il fut, à un an, de 2,0 % (IC95 de
1,8 à 2,3 %) chez les hommes et de 1,6 % (IC95 de 1,4 à 1,8 %) chez
les femmes. A 10 ans, il avait légèrement diminué pour s’établir à
1,4 % (IC95 de 1,2 à 1,6 %) en cas de sexe masculin et à 0,9 %
(IC95 de 0,7 à 1,1 %) en cas de sexe féminin. Le taux de mortalité
standardisé, comparativement à celui de la population générale, fut
de 5,1 % (IC95 de 4,7 à 5,4 %) pour les accidents ischémiques (taux
de mortalité observée de 12,0/1 000 personnes-années vs un
taux attendu à 2,4/1000 personnes-années), soit un excès de taux de
mortalité de 9,6/1000 personnes-années.
Dans le cas d’hémorragies intra cérébrales, ce taux se situa à
8,4 (IC95 de 7,4 à 9,3), soit un taux rapporté de 18,7/1000
personnes-années (IC95 de 16,7 à 21,0/1000) pour un taux attendu
dans la population générale de 2,2/1000, soit un excès de taux de
mortalité de 16,4/1000 personnes-années.
Dr Pierre Margent