Arrêt cardiorespiratoire hors du milieu hospitalier : quelle évolution des manœuvres de réanimation au fil des recommandations ?

L’arrêt cardiorespiratoire survenant hors du milieu hospitalier reste l’urgence absolue à laquelle tout un chacun, médecin ou autre, peut être confronté. Parmi les réflexes premiers, outre la recherche d’un défibrillateur automatique externe, figure en priorité le massage cardiaque externe (MCE). Les compressions thoraciques de qualité (100 à 120 par minute) sont désormais préconisées sans manœuvre de réanimation respiratoire associé (le classique bouche-à-bouche ayant progressivement disparu de la plupart des recommandations émanant des sociétés savantes ou des organismes officiels).

Le MCE seul (MCE-seul) s’est imposé au moins en théorie face au MCE couplé à la réanimation standard (MCE-RS). Mais, sur le terrain, il peut en être autrement car les intervenants ne sont pas forcément au fait des recommandations qui ont évolué en l’espace d’une dizaine d’années.

Et 10 ans, c’est peu face aux habitudes conditionnées par les mentalités. Cette hypothèse est confortée par une étude réalisée en Suède : depuis 2010, c’est le MCE-seul qui est recommandé, de préférence au MCE-RS, et les témoins d’un arrêt cardiorespiratoire sont censés s’y conformer, qu’ils soient ou non rompus à l’exercice. Comment les pratiques des intervenants ont elles évolué sur le terrain ? Cette étude apporte des éléments de réponse en se concentrant sur trois périodes, respectivement « 2000- 2005 », « 2006-2010 » et « 2011-2017 », qui correspondent de facto à l’évolution des recommandations au fil du temps.

2000-2017 : plus de 30 000 arrêts cardiorespiratoires

Tous les arrêts cardiorespiratoires figurant dans le registre national ad hoc, survenus hors du milieu hospitalier, en présence de témoins entre 2000 et 2017, ont été inclus dans l’analyse des faits qui ont précédé l’arrivée des équipes de secours spécialisées. Au total, 30 445 observations ont été incluses et regroupées dans trois catégories : absence de réanimation (AR), MCE-seul et MCE-RS. Le critère de jugement primaire a été le taux de survie à 30 jours après l’arrêt cardiorespiratoire.

Globalement, au cours des trois périodes précédemment définies, la proportion de patients qui ont bénéficié d’une réanimation cardiorespiratoire dans l’attente des secours a été respectivement de 40,8 %, 58,8 % et 68,2 %. Une tendance plutôt réconfortante qui témoigne de la sensibilisation du public aux messages concernant la prise en charge de l’arrêt cardiorespiratoire. Pour ce qui est du MCE-seul, les chiffres correspondants ont été respectivement de 35,4 %, 44,8 % et 38,1 % et pour le MCE-RS de 5,4 %, 14,0 % et 30,1 %.

Des taux de survie à 30 jours encore et toujours très bas

Les taux de survie à 30 jours en l’absence de toute réanimation (AR) avant l’arrivée des secours ont été de 3,9 %, 6,0 % et 7,1 %, toujours au cours des trois périodes de référence. Dans le groupe MCE-seul, les valeurs correspondantes ont été respectivement de 9,4 %, 12,5 % et 16,2 %, versus 8,0 %, 11,5 % et 14,3 % dans le groupe MCE-RS. Si l’on combine les trois périodes précédentes pour évaluer les chances de survie à 30 jours en fonction des modalités de la réanimation en termes d’odds ratios (ORs) avec ajustement en fonction des facteurs de confusion potentiels, les résultats sont les suivants : un OR ajusté de 2,6 (intervalle de confiance à 95 % [IC95] de 2,4 à 2,9) pour le MCE-seul et de 2,0 pour le MCE-RS, comparativement au groupe AR. Le MCE-seul s’est avéré quelque peu supérieur au MCE-RS, l’OR ajusté correspondant étant en effet estimé à 1,20 (IC95 de 1,1 à 1,4).

Cette étude suédoise donne une idée de ce qui se passe sur le terrain en cas

d’arrêt cardiorespiratoire, ceci avant l’arrivée des secours. En moins d’une vingtaine d’années, les témoins d’un tel évènement ont été deux fois plus nombreux à entreprendre une réanimation cardiorespiratoire. L’approche standard combinant MCE et insufflations conserve un certain succès, en dépit des recommandations : au cours de ce laps de temps, le recours au MCE-RS a été multiplié par six pour atteindre 30 %, cependant que le MCE-seul plafonne autour de 40 % depuis 2000-2005. Le taux de survie à 30 jours avec ces manœuvres (MCE-seul ou MCE-RS) est deux fois celui obtenu en l’absence de réanimation avant les secours. Enfin, il s’avère que les insufflations, même si elles restent à l’ordre du jour sous le poids des habitudes et des mentalités, ne sont guère utiles : de fait, le MCE-seul fait un peu mieux que le MCE-RS en termes de survie à 30 jours, ce qui confirme le bien-fondé des recommandations actuelles face à un arrêt cardiorespiratoire survenant hors du milieu hospitalier.

Dr Philippe Tellier

Référence
Riva G et coll. : Survival in Out-of-Hospital Cardiac Arrest After Standard Cardiopulmonary Resuscitation or Chest Compressions Only Before Arrival of Emergency Medical Services Nationwide Study During Three Guideline Periods. Circulation 2019. Publication avancée en ligne le 1er avril 2019.

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