Grève des urgences : les soignants déterminés à ne pas devenir des robots

Paris, le lundi 1er juillet 2019 – Tout le week-end, la colle à cartons, les ciseaux, voir les machines à coudre se sont activés, malgré la canicule. Pas seulement pour préparer le costume de la fête de fin d’année du petit dernier. Mais aussi pour confectionner un déguisement sur mesure pour la manifestation organisée demain, dont le point de départ sera le ministère de l’Économie et des finances. Vêtus comme des robots, les soignants appelés à défiler par le collectif Inter Urgences ce 2 juillet sont en effet déterminés à rappeler à travers ces costumes qu’ils refusent la déshumanisation de leur métier, qui se profilerait en raison de la dégradation de leurs conditions de travail.

153 services en grève

Même si la canicule a quelque peu éclipsé leur mouvement, la grève des urgences continue à s’amplifier. Chaque jour ou presque un nouveau service rejoint l’appel : vendredi Dax et Mont-de-Marsan ont ainsi uni leurs forces aux bataillons de grévistes. Comme partout ailleurs, les personnels soignants (paramédicaux majoritairement mais aussi médicaux) veulent signaler leur manque de moyens. Aujourd’hui, 153 Services d’accueil des urgences (SAU) sont ainsi en grève.

Courage politique

Le gouvernement a pourtant tenté ces dernières semaines d’apaiser la grogne, comme l’illustre la publication hier au journal Officiel de la revalorisation de l’indemnité forfaitaire de risques des personnels non médicaux des urgences à hauteur de 100 euros net ; une augmentation qui devrait bénéficier à 360 000 agents hospitaliers. Si le collectif reconnaît que ce geste (et les autres annonces) constitue une avancée et en tout état de cause la reconnaissance de la légitimité de leur revendication, il l’estime cependant insuffisant. L’organisation exige en effet une prise de conscience bien plus profonde : « Nous attendons toujours une démonstration de courage politique de la part du Ministère des solidarités et de la santé » peut-on lire sur la page Facebook du collectif depuis vendredi tandis qu’un communiqué interroge : « Si le ministère n’assume pas son rôle de garant de la qualité des missions de service public, pourquoi les soignants devraient s’y épuiser » et prévient que des « désengagements » pourraient être à redouter cet été.

Sollicitation extrême des pompiers

De fait, toute la mécanique de l’organisation des premiers soins paraît aujourd’hui se détraquer comme le signale depuis ce mercredi 26 juin la grève des sapeurs-pompiers. Prévue pour durer tout l’été, mais sans aucun impact sur la réponse aux secours (les pompiers travailleront mais participeront à des manifestations ou dérouleront des banderoles sur les routes et dans les casernes), cette grève est soutenue par sept syndicats représentatifs de plus de 85 % des sapeurs-pompiers. Ces derniers décrivent un engrenage inquiétant. Depuis 2010, le nombre d’interventions des pompiers a augmenté de 10 %. Or, d’une part, cette progression ne peut être mise sur le compte d’un nombre croissant d’appels injustifiés : les appels de particuliers au 18 ont régressé de 2 %. Par ailleurs, cette hausse doit être assumée par un nombre de pompiers stable : 40 500 professionnels et 195 000 volontaires ; alors que ces derniers ont vu leur capacité d’intervention diminuer, en raison d’une moins grande tolérance des employeurs de pompiers volontaires, jugeant leurs indemnités de dédommagement trop faibles.

Variable d’ajustement

La progression des interventions des pompiers est liée à la dégradation des autres services publics d’urgence. Ainsi, comme en témoigne le fait que les sorties étiquetées « secours à la personne » représentent désormais 78 % des actes des pompiers contre 69 % en 2010, les renvois du SAMU vers les pompiers sont de plus en plus nombreux. « Quand on reçoit un appel au 18 et qu’on considère qu’il n’y a pas d’urgence, on le transfert au 15. Mais bien souvent le Samu nous renvoie la requête au lieu de solliciter un médecin de garde » explique cité dans Marianne, Arnaud, pompier professionnel dans les Côtes d’Armor. L’engorgement des urgences et le manque de médecins de garde sont à l’origine de cette mécanique.

Que fait la police ?

Les pompiers servent également de "variable d’ajustement" pour pallier le manque de transports ambulanciers (un secteur de moins en moins attractif alors que les tarifs de l’Assurance maladie n’ont pas été revalorisés depuis 16 ans et que les conditions sont de plus en plus difficiles pour les petites structures). Ils sont par ailleurs régulièrement appelés pour secourir les plus âgés (le nombre de relevage à domicile est passé de 120 000 par an en 2010 à 200 000) en raison du vieillissement de la population qui n’est pas pris en charge par des services adaptés et alors que les dispositifs de télé alarme reposent trop souvent sur les pompiers. Enfin, la police, elle aussi a tendance à se décharger sur les pompiers : ainsi les cas d’ivresse sur la voie publique sont transformés en malaise pour que les pompiers puissent être sollicités pour un transport aux urgences afin d’éviter un placement en cellule de dégrisement. Autant de rouages qui se grippent et dont la suractivité des pompiers est l’ultime conséquence, potentiellement désastreuse. Une mécanique vicieuse qui confirme qu’une prime de 100 euros sera insuffisante pour résoudre les problématiques comme le rappellera demain le Collectif Inter-Urgences qui souhaite en premier lieu le recrutement de 10 000 paramédicaux.

Aurélie Haroche

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