Levée de l’anonymat des donneurs de gamètes : vers une destruction des stocks ?
Paris, le lundi 5 août 2019 - Le projet de révision des lois
de bioéthique qui sera examiné cet automne par le Parlement prévoit
de lever partiellement le régime d’anonymat strict des dons de
gamètes qui prévalait jusqu’à aujourd’hui. Le texte préconise d’une
part pour les enfants nés grâce à un don de sperme ou d’ovocyte,
ayant atteint leur majorité, l’accès à des informations non
identifiantes (âge, état de santé, situation familiale du donneur…)
: la transmission de ces éléments sera désormais obligatoire au
moment du don. Par ailleurs, en cas de demande de l’enfant, le
donneur pourra s’il le souhaite révéler son identité. Si ces
dispositions ne concerneront que les enfants nés après la
promulgation de la loi, les « anciens donneurs » pourraient
signaler leur consentement à la transmission de leurs données non
identifiantes (voire à leur identité en cas de demande des enfants
nés grâce à leurs gamètes) auprès d’une commission. Cependant,
au-delà de la mise en place de ce système, la période de transition
s’annonce complexe.
Des stocks difficiles à constituer et longs à écouler
Si toute rétroactivité pour les enfants déjà nés grâce à un don de
gamète est exclue, il est nécessaire d’éviter que puissent
coexister des conceptions réalisées grâce à des « nouveaux »
donneurs et à des « anciens » donneurs (c'est-à-dire non
soumis à l’obligation de transmission de leurs informations non
identifiantes et n’ayant pas consenti à la transmission de telles
données). Cependant, aujourd’hui, l’écoulement des paillettes
congelées de sperme (jusqu’à épuisement ou destruction parce
qu’atteinte du seuil de dix naissances par donneur) nécessite
souvent plusieurs années. Nathalie Rives, présidente de la
fédération des CECOS (Centre d’étude et de conservation des œufs et
du sperme humains) indique ainsi au Monde que, dans son centre (à
Rouen), trois à quatre ans sont nécessaires (la situation est
différente pour les ovocytes). D’autres, en se référant aux données
de l’Agence de biomédecine, mettent en avant des délais bien plus
long : jusqu’à six ans, à la condition que la « consommation
» des stocks de sperme soit deux fois plus rapide
aujourd’hui.
Option délirante
Difficile d’imaginer que les défenseurs de la levée de l’anonymat
acceptent d’attendre aussi longtemps pour que les nouvelles
dispositions s’appliquent. Difficile cependant d’envisager une
destruction de dons alors que les difficultés de recrutement de
donneurs et donneuses sont déjà importantes, que les besoins vont
être accrus en raison de l’élargissement de la Procréation
médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes
seules et que la levée de l’anonymat pourrait faire naître quelques
réticences. L’idée fait déjà frémir les spécialistes. « C’est un
peu perturbant. On est en train de faire des campagnes pour
recruter des donneurs et donneurs et on va détruire le stock »
s’alarme ainsi le professeur Louis Bujan, directeur du pôle
Médecine et biologie de la reproduction au CECOS Midi-Pyrénées cité
par Le Monde. « L’idée de faire table rase du passé et d’établir
une nouvelle liste qui mettrait tout le monde à égalité en
détruisant les paillettes congelées me paraît délirantes alors que
les banques de gamètes sont quasi vides. Il n’y a pas de solution
optimale quand on change le système d’accès au don, mais la
destruction des stocks n’est sûrement pas la bonne » observe de
son côté dans le Journal du Dimanche, le professeur Michaël
Grynberg (AP-HP).
Le gouvernement n’ignore pas cette question. Tout l’enjeu réside
dans la date qui sera fixée par décret à partir de laquelle les
anciens stocks ne pourront plus être utilisés. « La date à
laquelle les anciens dons ne pourront plus être utilisés (…) va
permettre de s’adapter au stock existant afin que presqu’aucune
gamète existant ne soit détruite » assure le ministère de la
Santé. Mais à la complexité intrinsèque du projet s’ajoute un autre
élément : le projet de texte prévoit que les dons de gamètes
relevant des nouvelles règles d’identification des donneurs
débuteront un an après l’entrée en vigueur de la loi. Ainsi,
pendant un an, des gamètes pourront-elles continuer à être
recueillies sous un régime d’anonymat alors qu’est parallèlement
prévue une destruction des anciens stocks et tandis que le don est
un long processus (entre six mois et un an !). Ne cédant pas face à
la complexité accrue par cette aberration, les CECOS sont
actuellement en train de mener un « travail assez rapide
d'évaluation, qui doit être prêt pour fin août-début septembre,
afin de soumettre une proposition du temps d'utilisation des
prélèvements conservés actuellement » indique au Monde Nathalie
Rives. Un exercice particulièrement délicat, tandis que la
situation peut faire redouter des périodes de tension importantes
pour l’activité de PMA. Déjà, ainsi, certains spécialistes
s’interrogent sur la pertinence de poursuivre dans les mois à venir
le recrutement de nouveaux donneurs, tandis que d’autres
s’inquiètent d’une possible orientation des couples vers
l’étranger.
Ah bon, ça veut dire que la loi est déjà votée ... J'ai du manquer un épisode !
Dr D. Carreau
PMA pour toutes...
Le 06 août 2019
C'est kafkaïen, et vive la France !
Dr Daniel Muller
Vous aimerez aussi la série "gpa pour tous" @ Dr Carreau
Le 06 août 2019
Non, vous n'avez manqué aucun épisode du feuilleton de l'été: la loi est virtuellement votée, puisque les députés-godillots de la secte macroniste ont la majorité absolue à l'assemblée "nationale" (sic) et qu'il ferait beau voir qu'ils ne votent pas comme leur gourou l'attend: gare à qui ne marchera pas droit, cornegidouille!!! En tout cas, si vous avez aimé la série "pma pour toutes" (sic), vous aimerez aussi la série "gpa pour tous"... dans deux à trois ans au maximum, on parie? C'est inéluctable, c'est comme qui dirait mécanique, il faudra en passer par là au nom de l'égalité des couples mariés et tôt ou tard on légalisera la gpa en dépit de tous les glapissements vertueux et indignés de ceux qui prétendent le contraire.