
L’homme n’est pas un rongeur
La majorité des études expérimentales ont été faites chez les rongeurs et avec des doses d’exposition parfois sans commune mesure avec celles auxquelles sont exposés les humains. Ces études ont apporté un grand nombre d’informations importantes, montrant le potentiel que de nombreux produits ont sur le développement de l’appareil génital masculin. Mais, il y a des différences importantes dans le développement du testicule fœtal du rat et celui de l’homme, tant en ce qui concerne le développement des cellules germinales que la stéroïdogénèse.Une revue systématique des études expérimentales menées sur des cellules et des tissus foetaux humains, publiées entre 2007 et 2018, a permis de colliger les données de 25 d’entre elles et de les comparer à celles de méta-analyses récentes issues de 44 études épidémiologiques.
Effets des polluants chimiques environnementaux
Les phtalatesChez le rat, l’exposition aux phtalates (DBP/DEHP) a provoqué, de manière constante, une réduction de la production fœtale de testostérone et une augmentation de la fréquence du syndrome de dysgénésie testiculaire.
Les études épidémiologiques n’ont retrouvé qu’une association inconstante entre l’exposition des mères et la production de testostérone fœtale ; aucune n’a montré de lien entre l’exposition aux phtalates et la cryptorchidie ou l’hypospadias.
Les études expérimentales faites sur des cellules et des tissus testiculaires foetaux humains n’ont montré aucun effet des phtalates.
En ce qui concerne les cellules germinales, les études faites tant chez le rat que chez l’homme ont montré que les phtalates diminuaient le nombre des gonocytes et augmentait celui des gonocytes multinucléées.
De même, les études épidémiologiques n’ont pas retrouvé de lien constant entre le BPA et les indicateurs d’une diminution de la testostérone fœtale que sont la cryptorchidie et l’hypospadias.
Parmi les études expérimentales faites sur les cellules et les tissus testiculaires fœtaux humains, les cultures cellulaires ont montré le potentiel qu’a le BPA de réduire la production de testostérone, mais les études sur tissus n’ont pas retrouvé d’effet similaire.
Une seule petite étude a montré un effet du BPA sur les cellules germinales.
Ces données restent à confirmer.
Les pesticides et les fongicides
La preuve de l’impact de plusieurs pesticides n’a été rapportée que dans un nombre limité d’études expérimentales sur des tissus testiculaires fœtaux humains. La majorité des agents étudiés jusqu’ici ont montré une réduction de la production de testostérone après des cultures cellulaires de courte durée. Cependant, les équivalences entre les concentrations utilisées pour chacun des produits et les niveaux de l’exposition humaine restent à préciser.
La possibilité de corréler les résultats des études épidémiologiques et des études expérimentales est gênée par la diversité des produits étudiés.
Pour le chlordécone, comme pour un certain nombre d’autres pesticides, une étude a montré une diminution dose-dépendante de la production de testostérone, jusqu’à 50 % pour les doses les plus élevées. En ce qui concerne le glyphosate, il n’y avait pas de diminution nette de la production de testostérone.
Effets des médicaments
Il y a de plus en plus de preuves, avec les études sur tissus humains, que le paracétamol et l’ibuprofène peuvent diminuer le nombre des cellules germinales tant dans le testicule humain que dans l’ovaire.
Néanmoins, même si cet effet semble indiscutable, aucune exploration n’a été menée afin de savoir si la fonction reproductrice et fertilité ultérieures étaient altérées. Peut-être existe-t-il des phénomènes de compensation ?
Le diéthylstilbestrol (DES)
Alors que les études sur les rongeurs avaient montré un effet négatif profond de l’exposition au DES sur la production de testostérone par le testicule fœtal, les études expérimentales faites sur le tissus fœtal humain n’ont pas montré d’effet semblable.
Les études épidémiologiques montrent que l’effet de l’exposition au DES sur le développement reproductif masculin est probablement de faible amplitude, contrairement à ce qui avait été dit initialement. Le DES ne doit pas être (et n’est plus) utilisé chez la femme enceinte, mais ces données peuvent être rassurantes vis à vis d’une exposition de faible niveau à d’autres produits possédant une activité œstrogénique.
Les études de l’impact des polluants environnementaux ou des médicaments sur le développement testiculaire fœtal des animaux sont nombreuses, mais parfois trompeuses. La confrontation de leurs résultats avec ceux des études faites sur des tissus fœtaux humains confirme qu’il existe des différences trop importantes entre le fonctionnement testiculaire fœtal humain et celui d’autres espèces pour extrapoler les résultats obtenus chez l’animal à l’homme.
Dr Catherine Vicariot