
Paris, le samedi 5 octobre 2019 – Les championnats du monde qui s’achèvent à Doha auront été marqués par plusieurs polémiques, concernant notamment la chaleur régnant dans le pays et rendant particulièrement difficiles certaines compétitions en extérieur (les stades étant climatisés !). Mais outre ces critiques, certaines épreuves ont rappelé le dilemme soulevé par l’exclusion de plusieurs athlètes hyper-androgènes. Plus d’une dizaine de femmes présentant une hyper-androgènie ont en effet été interdites de participer avec leurs concurrentes féminines aux courses dont la distance est comprise entre 400 et 1 500 mètres. Ces athlètes se trouvent alors face à un choix considéré par beaucoup comme hypocrite : participer aux compétitions masculines, changer de discipline ou subir des traitements destinés à faire baisser leur taux de testostérone (dont l’efficacité discutable et les éventuels effets secondaires sont souvent déplorés).
Bataille judiciaire
La plus célèbre de ces athlètes est la sud-africaine Caster Semenya qui mène depuis plusieurs mois une bataille juridique contre la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) pour contester son règlement. Si devant le tribune arbitral du sport (TAS), l’IAAF a elle-même reconnu que sa position pouvait être considérée comme discriminatoire, pour l’heure la justice lui a toujours donné raison. Caster Semenya attend ainsi le résultat de son appel formé contre le rejet de la Cour suprême helvète d’invalider la décision de l’IAAF la concernant.
Gonadectomie sans consentement ?
Si Caster Semenya a choisi la voie de la justice, d’autres athlètes se sont résignées à abandonner l’athlétisme, quand certaines ont accepté les traitements proposés par l’IAAF. Mais, un documentaire diffusé le jour de l’ouverture des Mondiaux d’athlétisme par la chaîne allemande ARD suggère des dévoiements condamnables. Les reporters allemands ont donné la parole à deux sportives ayant en 2012 subi une gonadectomie sans qu’elles en aient été informées. L’une de ces athlètes, l’ougandaise Annet Negesa a accepté de témoigner à visage découvert. Elle raconte comment elle a d’abord été reçue par un spécialiste à Nice travaillant avec l’IAAF qui l’a adressé à une équipe ougandaise. La jeune femme était convaincue qu’elle allait être l’objet d’un traitement par injection dont elle ne maîtrisait cependant pas parfaitement les enjeux. Cependant, arrivée à l’hôpital, elle a été anesthésiée et s’est réveillée peu après en sentant deux cicatrices en bas de l’abdomen. Jamais la réalisation de cette intervention ne lui aurait été clairement présentée et jamais elle n’aurait été sollicitée pour exprimer son consentement ou son refus.
Doute sur l’implication de l’IAAF
Alors qu’elle était considérée comme une sérieuse candidate pour
remporter le 800 mètres féminin aux Jeux Olympiques de Londres,
Annet Negesa n’a jamais repris le chemin des stages d'entrainement.
Outre des effets secondaires physiques (déminéralisation osseuse
également liée aux traitements hormonaux), l’intervention a
installé chez elle un profond désarroi. « Je n’ai jamais eu le
choix », déplore-t-elle dans le documentaire qui lui est
consacré où elle avoue avoir souvent songé à mettre fin à ses
jours, tant est difficile à supporter le sentiment d’humiliation
lié à cette opération. La jeune femme assure en outre qu’elle a été
ensuite complètement laissée à l’abandon par les équipes médicales
qui l’avaient prise en charge. Aujourd’hui, l’IAFF dément
totalement avoir favorisé la délivrance d’instructions ayant
conduit à cette intervention. « L’IAAF n’a jamais recommandé la
chirurgie pour aucun de ses athlètes » insiste-t-elle.
Peut-être que la révélation de ce cas par la presse conduira à une
enquête policière permettant de faire la lumière sur cette
affaire.
Aurélie Haroche