
Paris, le samedi 12 octobre 2019 – Le combat pour le droit de mourir dans la dignité et plus spécifiquement pour la légalisation soit du suicide assisté soit de l’euthanasie est porté en France par plusieurs associations. La diversité de ces organisations interroge parfois et certaines craignent qu’elle n’altère la force et la portée du message. Cette pluralité est cependant à la fois la conséquence d’évolutions historiques mais aussi de la diversité des points de vue quant au champ que devrait couvrir une loi qui organiserait en France l’accès à une aide active à mourir. C’est ce que rappellent pour nous ici les fondatrices et responsables d’une des plus jeunes associations dans ce domaine, le Choix, qui décrivent les écarts historiques et plus encore les différences d’approches entre les associations.
A travers ce texte, elles veulent croire que l’évocation de cette pluralité permettra de mieux rendre compte des différents enjeux de ce combat et tout en même temps de la nécessité d’un dialogue plutôt que d’un affrontement entre ceux qui défendent une même cause.
Nos colonnes sont bien sûr ouvertes aux membres des deux autres associations... et aux opposants à un changement législatif.
Pour le collège décisionnel du CHOIX, Annie Babu et Nathalie Debernardi, Coprésidentes
Pourquoi trois associations et pourquoi ne pas unir nos forces
au lieu de mener des actions parallèles puisqu’elles tendent vers
le même but ?
Ces questions légitimes et importantes nous sont très souvent
posées et voici les réponses que nous pouvons apporter à ce
jour.
Autour « du mieux mourir », il existe actuellement en
France plusieurs associations et n’oublions pas les soins
palliatifs, qui doivent être encore plus développés et accessibles
à tous. Dans l’attente d’une loi qui permettrait toute aide active
à mourir, euthanasie ou suicide assisté, nous pouvons citer :
– l’ADMD, Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité, dont
fait partie le collectif Pour une mort sereine
– ULTIME LIBERTE,
– LE CHOIX, Citoyens pour une mort choisie.
Pour nous, il n’y a pas incompatibilité entre ces associations, mais plutôt complémentarité.
L’ADMD, l’association fondatrice
L’ADMD a été créée en 1980, après une tribune écrite par l’écrivain Michel Lee-Landa parue dans le Monde pour lutter contre "l’acharnement thérapeutique" en plein essor. Cette association est la plus connue des médias et de la plupart des Français.
Au fil des années, compte tenu du fonctionnement et de la gestion de cette dernière plusieurs mouvements de contestation se sont levés, donnant lieu à la création de groupes dissidents, voire d’autres associations.
Pour une mort sereine est ainsi un collectif né à l’occasion de
l’Assemblée Générale Extraordinaire de l’ADMD de septembre 2015 à
Annecy.
Une réforme des statuts était alors soumise à l’approbation des
adhérents qui ont découvert ces propositions en juillet et devaient
se prononcer par voie postale avant le 4 septembre.
Certaines des modifications proposées ont semblé inacceptables à de
nombreux adhérents car elles transformaient considérablement la
nature de l’association (voir détails sur le site Pour une mort
sereine, https://www.pourunemortsereine.org/naissance-du-collectif/).
Un collectif s’est alors constitué pour dénoncer ces changements et le comportement autocratique des dirigeants de l’ADMD en réponse aux demandes de report du vote pour permettre une discussion entre les adhérents. Il s’est ensuite organisé en force de proposition en présentant une liste de 12 candidats aux élections du Conseil d’administration en 2017.
Des perceptions différentes de l’aide à mourir
ULTIME LIBERTE a été créée en 2009 par le Dr Jean Guilhot et l’actuelle présidente Claude Hury, ancienne Secrétaire générale de l’ADMD entre 2006 et 2007.
Cette création a été justifiée par le regret exprimé par certains membres de l’ADMD que la proposition de loi portée par l’association veuille restreindre l’aide médicale à mourir à des situations de fin de vie, pour des personnes « en phase avancée ou terminale », « atteintes d’au moins une affection, grave, incurable…». L’ADMD avait aussi refusé d’inclure une aide concrète aux adhérents qui ne pouvaient pas attendre qu’une loi légalise l’euthanasie et le suicide assisté en France.
Ultime Liberté ne se contente pas d’une proposition de changement de loi sur la fin de vie mais considère que les propositions législatives en la matière doivent être repensées dans un cadre juridique incluant une révision des conditions actuelles d’exercice de la liberté de se suicider.
Nous remercions le collectif Pour une mort sereine et Ultime liberté d’avoir apporté leurs réponses aux questions posées pour la rédaction du présent texte.
Le Choix : dialogue avec les citoyens et les professionnels de santé
LE CHOIX, Citoyens pour une mort choisie est une association née, dans la foulée du succès des pétitions de Nathalie Debernardi et Marie Godard, lors des États Généraux de la bioéthique de 2018.
Elles avaient été auditionnées par la commission temporaire du CESE, Conseil Economique Social et Environnemental, fin novembre 2017. Cette institution avait alors émis un vote favorable à l’évolution de la loi en vue d’autoriser une aide active à mourir.
Très vite Annie Babu, le Dr Bernard Senet et Maitre Pierrette Aufiere, les ont rejointes et ont fondé l’association LE CHOIX en février 2018 pour porter la parole des signataires des pétitions devant les Etats généraux de la bioéthique, et continuer leur action pour obtenir le vote d’une loi autorisant le suicide assisté et l’euthanasie.
Les pétitions, mises en ligne en 2014 et 2017, jumelées par
Change.org en août 2017 ont atteint près de 435.000 signatures en
août 2019 et continuent d’en enregistrer quotidiennement de
nouvelles.
L’ADMD et LE CHOIX visent le même objectif mais diffèrent dans les
modes d’actions : depuis la présidence de JL Romero, l’ADMD
s’adresse plus spécialement au monde politique alors que LE CHOIX
met aussi l’accent sur le rapprochement avec le monde médical et
les personnels soignants en général.
La suprématie de l’une, en ce qui concerne le nombre
d’adhérents, est due à son ancienneté sur le terrain et à ses
moyens financiers ; la légitimité de l’autre au mouvement citoyen
qui l’a fait naître.
L’appartenance de certaines personnes à plusieurs de ces
associations marque leur détermination à mettre en œuvre tous les
moyens pour aboutir à l’évolution désirée de la législation
française ouvrant à toutes les options de fins de vie.
Pour d’autres sujets, crématistes, dons d’organe, libre penseurs, pro-vie etc. il existe également différentes associations. Elles sont plurielles et cela ne dérange en rien, au contraire, les variantes nourrissent la démocratie.
Les débats d’idées au sein des associations sont essentiels et faire entendre plusieurs voix sur le sujet de la mort choisie contribue, non à affaiblir, mais à en renforcer l’écho dans l’opinion publique.
Le plus important ne serait-il pas de se retrouver aux moments
déterminants pour notre cause commune ?
Le titre et les intertitres sont de la rédaction.