
La chirurgie urologique a été l’objet d’une véritable
révolution ces dernières décennies, marquée d’abord par l’avènement
de la coelioscopie, puis de la robotique. Des équipes pionnières
ont contribué en France à un essor rapide de ces techniques
apportant des bénéfices significatifs pour les patients. Au sein de
la clinique Saint-Augustin à Bordeaux, appartenant à ELSAN, les
docteurs Richard Gaston et Thierry Piechaud ont été (parallèlement
à deux équipes parisiennes) les principaux artisans de cette
révolution. Pour nous, le docteur Thierry Piechaud retrace l’essor
de la chirurgie mini-invasive urologique et évoque son avenir, en
soulignant également l’importance de l’enseignement et de la
recherche et d’une médecine toujours guidée par le bien et
l’intérêt des patients.
JIM.fr : La clinique Saint-Augustin est pionnière en
matière de chirurgie mini-invasive urologique. Quelles sont les
pistes d’avenir actuellement explorées par votre pôle et qui
pourraient contribuer elles aussi à faire évoluer cette chirurgie
?
Docteur Thierry Piechaud - La cœlioscopie comme
technique chirurgicale est née en 1987 : un chirurgien français, le
docteur Mouret, a pour la première fois réussi une procédure de
cholécystectomie. Il s’agissait d’une révolution technologique
incroyable qui permettait d’imaginer l’exérèse d’un organe sans
abord chirurgical direct. La cœlioscopie a été introduite en
urologie au tout début des années 90, avec un développement
progressif qui a permis à de nombreuses interventions auparavant
réalisées en chirurgie ouverte classique d’être converties en
chirurgies cœlioscopique, comme la pyéloplastie pour la chirurgie
du rein, le traitement du prolapsus génito-urinaire chez la femme,
le curage ganglionnaire pour le bilan de l’extension des cancers.
Ainsi, un certain nombre de ces interventions ont été
progressivement développées par quelques équipes françaises. Nous
n’étions en effet pas nombreux au début, deux ou trois équipes en
France, qui ont participé à cette évolution, dont l’équipe du
professeur Abbou (Henri Mondor), l’équipe de Montsouris (Professeur
Guy Vallancien, docteur Bertrand Guilloneau) et nous-mêmes à la
clinique Saint-Augustin, à Bordeaux, avec le docteur Richard
Gaston, Camille Mugnier et moi-même.
La chirurgie cœlioscopie urologique s’est ainsi développée de
façon progressive. La véritable révolution en urologie s’est
produite quand il a été possible de réaliser la première
prostatectomie radicale chez un patient atteint d’un cancer de la
prostate par cœlioscopie. Cette première mondiale a été conduite à
la clinique Saint-Augustin, par le docteur Gaston en novembre 1997.
Il s’agissait d’une étape très importante, puisque la
prostatectomie radicale est une opération très technique. Ainsi, le
fait de démontrer qu’elle était possible par cet abord mini invasif
ouvrait la voie à de nombreuses autres interventions.
Rapidement, les trois centres pionniers et innovateurs ont
acquis une expérience clinique importante qui ont permis de valider
cette chirurgie mini-invasive.
Désormais, pratiquement toutes les grosses interventions, sous
réserve de certaines limites et certaines réserves, peuvent-être
faites sous cœlioscopie, à partir du moment où le chirurgien
dispose de l’expérience de cette technique.
De la cœlioscopie à la cœlioscopie robotisée
Dans les années 2000, l’assistance robotique donnée à la
cœlioscopie a été une innovation importante. La première
prostatectomie radicale robotisée publiée a été réalisée par le
professeur Abou à Paris. A Saint Augustin, nous avons été très
rapidement équipés, dès 2004, du premier système robotique en
établissement privé en France. Puis, en 2007, d’un second système.
Nous avons donc développé toutes les interventions préalablement
décrites en cœlioscopie par cette nouvelle technologie
robot-assistée et transformé toutes ces interventions majeures
jusqu’aux procédures de cystectomie et reconstruction de
néo-vessies.
Depuis 2005, nous en sommes à la quatrième génération de robot
(Da Vinci Xi) et bientôt la cinquième génération avec la technique
Single Port.
Quel va être l’avenir ? L’avenir est de travailler encore sur
l’aspect mini-invasif grâce au principe du trocard unique.
Toutefois cette évolution doit faire l’objet d’une évaluation
clinique pour déterminer si elle permet la même sécurité et si elle
apporte des avantages par rapport aux techniques de multi
trocards.
JIM.fr : Le plateau technique de la clinique Saint-Augustin
est aujourd’hui très sophistiqué. Quels dispositifs pourraient
demain s’ajouter aux robots et systèmes déjà à votre disposition
?
Docteur Thierry Piechaud - Nous sommes une équipe de
neuf chirurgiens urologues : les docteurs Richard Gaston, Jean-Luc
Hoepffner, Laurent Lopez ,Jean-Baptiste Roche, Julie
Piechaud-Kressmann, Julien Riviere, Grégory Pierquet, Jean
Rouffilange et moi-même. Notre culture est de garantir que tous les
chirurgiens urologues qui ont rejoint notre équipe, notamment ceux
des nouvelles générations puissent accéder à la pratique de
chirurgie robotisée ou coelioscopique. Parallèlement, une partie
des jeunes urologues associés développent des technologies
nouvelles , telles que l’énucléation par laser de l’hypertrophie
prostatique bénigne (HPB) avec l’objectif de réaliser cette
intervention sur une hospitalisation de 24 heures, voire en
ambulatoire (Laser HOLEP [Holmium Laser Enucleation of the
Prostate] et Laser Thulium). Dans ce domaine du traitement de
l’HPB seront peut-être également disponibles des techniques
purement robotisées en cours d’évaluation. Le troisième grand axe
parallèlement à la cœlioscopie robotique et au laser, est la
pathologie de la lithiase, mais qui est un peu moins spécifique
puisque tous les centres à peu près accès au même équipement, avec
les endoscopies souples et les lasers de fragmentation de calcul.
Ce sont les trois grands secteurs qui nous permettent pratiquement
de couvrir toutes les indications de la chirurgie
urologique.
JIM.fr : Comment est organisée l’activité oncologique
?
Docteur Thierry Piechaud – Une grande partie de notre
activité ceolioscopique et robotique intéresse en effet la
chirurgie uro-oncologique. Or, la clinique Saint-Augustin n’ayant
pas d’agrément pour l’oncologie médicale ni la radiothérapie, nous
sommes en partenariat pour l’organisation du parcours de soins du
patient en urologie oncologique avec des centres anti cancéreux de
référence. Il s’agit tout d’abord de l’Institut Bergonié qui est
l’institut du cancer de la grande région Aquitaine. Nous sommes un
partenaire de l’Institut : certains associés sont praticiens
hospitaliers à temps partiel et d’autres sont des consultants
vacataires. Par ailleurs, nous travaillons également avec deux
autres centres d’oncologie privés de Bordeaux, qui sont d’un très
bon niveau : la polyclinique Bordeaux Nord (qui est doté d’un
important service d’oncologie et de radiothérapie avec lesquels
nous collaborons) et la clinique Tivoli. Nous avons organisé avec
ces centres des partenariats contractualisés pour que nos patients
puissent bénéficier d’une continuité des soins entre la partie
chirurgicale qui est réalisée par nos soins et la partie
oncologique ou radiothérapique qui est conduite dans les autres
centres. Telle est l’organisation générale de notre
activité.
Recherche : des engagements indispensables
JIM.fr : Votre pôle participe-t-il ou conduit-il
actuellement des essais cliniques ?
Docteur Thierry Piechaud - Nous pouvons parfaitement
participer à des essais cliniques. Nous sommes par exemple
actuellement impliqués dans un protocole d’essai clinique qui est
monitoré par la Haute autorité de Santé (HAS) et l’Association
française d’urologie (AFU) concernant le traitement par ultrasons
focalisés du cancer de la prostate (technique HIFU). Un protocole a
en effet été mis en place par la HAS en partenariat avec l’AFU pour
évaluer l’efficacité et la tolérance de cette technique dans le
traitement du cancer de la prostate, protocole auquel nous
collaborons. Nous participons par ailleurs à des protocoles
d’études cliniques de comparaisons de techniques (PHRC, programmes
hospitaliers de recherche clinique), par exemple des comparaisons
entre cœlioscopie et robotique pour le traitement du prolapsus. Sur
ce sujet, les protocoles sont monitorés par le CHU de
Nîmes.
Plus largement, avec ELSAN, le groupe auquel appartient la
clinique dans laquelle nous exerçons, nous commençons à développer
des pôles de recherche clinique qui vont débuter par des analyses
rétrospectives afin de permettre aux médecins et aux chirurgiens de
pouvoir évaluer leurs pratiques, leurs résultats et de disposer de
documents scientifiques, qui les aident à obtenir et à maintenir
leur accréditation et leur agrément pour les futurs
contrôles.
JIM.fr : Pouvez-vous nous évoquer les spécificités de votre
clinique en ce qui concerne l’accompagnement des patients
?
Docteur Thierry Piechaud - Sur ce sujet et en lien avec
votre question précédente, il est important de souligner que nous
sommes engagés dans des protocoles de développement de ce que l’on
appelle la récupération rapide après chirurgie (RRAC), dans des
chirurgies majeures pour nous, qui sont les chirurgies de la
prostatectomie radicale et la cystectomie.
Un accompagnement personnalisé et un accès aux soins garanti
Nous faisons en sorte d’offrir à nos patients des parcours de
soins coordonnés en nous appuyant sur la complémentarité des
expertises médicales nécessaires pour qu’ils soient assurés de la
meilleure prise en charge gobale de leur pathologie, médicale ou
chirurgicale.
L’intégration de ces chirurgies dans un protocole de RRAC
amène une prise en charge complètement différente de la prise en
charge classique. La RRAC est en effet une procédure qui intègre
toutes les étapes du parcours chirurgical du patient au sein de
l’établissement et tous les professionnels (anesthésistes,
infirmières, infirmières d’accueil, infirmières de suivi). Ainsi,
aboutit-on à une prise en charge qui est beaucoup plus
institutionnalisée. Les patients sont reçus avant leur
hospitalisation programmée pour l’intervention chirurgicale. Ils
ont des contacts avec les différents intervenants que je viens de
citer. L’accompagnement est beaucoup plus personnalisé et permet
aux patients de mieux comprendre la RRAC et surtout de comprendre
qu’il n’est pas toujours nécessaire de rester longtemps hospitalisé
dans un établissement de soins après une intervention, parce que la
convalescence peut être très bien faite à la maison quand elle est
bien accompagnée et bien comprise. Il s’agit d’une prise en charge
évidemment plus chronophage, qui implique beaucoup plus l’ensemble
de l’équipe par rapport aux pratiques habituelles mais qui nous
semble très importante parce qu’elle s’inscrit dans le sens de
l’évolution moderne, à la fois en ce qui concerne la qualité des
soins et la qualité de la relation avec le patient mais aussi en ce
qui concerne la réduction du temps d’hospitalisation.
En ce qui concerne l’accompagnement social, nous sommes
toujours confrontés à ce dilemme un peu compliqué entre le fait que
nous nous inscrivons dans un système libéral avec tout ce que cela
suppose de possible cout financier mais parallèlement, nous
refusons d’empêcher des patients de bénéficier de nos techniques
uniquement pour ce type de problème. Ainsi, nous nous sommes
engagés dans un programme d’accès à des procédures robotiques sans
frais, pour des patients dans certaines situations de difficultés
financières et pour un nombre limité de cas.
JIM.fr : Êtes-vous dotés de dispositif interactif
spécifique pour le suivi des patients en ambulatoire
?
Docteur Thierry Piechaud - La chirurgie ambulatoire
suppose un suivi obligatoire qui repose sur plusieurs contacts
téléphoniques avec le patient dans les heures et jours qui suivent
la chirurgie, avec une traçabilité du suivi, par le service
d’hospitalisation ambulatoire. Dans le cadre de la RRAC, le suivi
est également constant. Pour l’instant, nous avons développé notre
propre système de suivi des patients avec un calendrier très précis
de prise de contact téléphonique avec chaque patient le lendemain
de la chirurgie ambulatoire, puis régulièrement dans les jours qui
suivent sans prendre contact pour l’instant avec des sociétés qui
proposent aux établissements ce type de service.
Enseignement : une implication centrale
JIM.fr : Pouvez-vous rapidement nous préciser les activités
de la clinique en matière d’enseignement ?
Docteur Thierry Piechaud - Nous sommes agréés par
l’European Association of Urology (EAU) comme un centre de
formation adhérent au Fellowship program en cœlioscopie et
en robotique. Ainsi, reçoit-on beaucoup d’urologues en fin de
formation pour des périodes de six mois ou un an et également des
urologues extra-européens, notamment d’Amérique du sud et centrale
pour les mêmes périodes de formation. Nous avons en outre été
agréés par l’ARS pour la validation du DESC des internes jusqu’à
ces deux dernières années. Actuellement, la position de l’hôpital
universitaire nous a privé du renouvellement de cet agrément, ce
qui est regrettable, car notre service était choisi par les
internes très régulièrement.
Par ailleurs, nous sommes impliqués dans l’enseignement des
techniques chirurgicales par le biais de stages de formation
pratique animés par les chirurgiens de l’équipe sur le site de la
clinique. En outre, j’assure l’organisation de l’enseignement
urologique à l’école de l’IRCAD à Strasbourg avec une équipe
d’experts nationaux et internationaux et une implication de
nombreux chirurgiens de notre équipe dans ce programme
d’enseignement.
Docteur Thierry Piechaud - Je pense que le service
urologique de la clinique Saint Augustin a maintenant acquis une
vraie reconnaissance nationale et internationale pour la qualité de
ses techniques opératoires novatrices et mini invasives. Nous
sommes maintenant à une étape importante de notre développement
avec un passage de génération. Notre objectif est de permettre que
cette reconnaissance se confirme avec les nouvelles générations
d’urologues régulièrement intégrés. Notre équipe a ainsi été
rajeunie de façon très régulière, et nous sommes aujourd’hui neuf
chirurgiens, âgés de 33 à 64 ans. Nous allons tout faire pour que
nos jeunes confrères, grâce aux moyens d’investissement du groupe
ELSAN, aient la capacité de demeurer dans l’innovation. Il faut que
la clinique Saint-Augustin puisse demeurer toujours reconnue comme
étant une garantie d’une part en termes de qualité chirurgicale et
d’autre part en termes de recherche de ce qui est le plus moderne
et le moins invasif pour le patient en urologie.
Le développement d’une telle équipe est également le fruit
d’un partenariat entre un projet médical, (notre projet
urologique), et un projet d’entreprise. Vous ne pouvez pas
développer un tel projet médical si vous n’avez pas l’appui complet
et la confiance du groupe, parce que cela implique un
investissement financier important. Parallèlement, l’investissement
de l’entreprise est lié à sa confiance dans l’équipe. Il est clair
que le groupe ELSAN a cette volonté de toujours privilégier la
pertinence du projet médical et des équipes impliquées dans les
choix qu’il va soutenir. C’est une dynamique très importante et
dont nous sommes heureux de bénéficier.
A propos d’Elsan | |
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