
Paris, le samedi 14 décembre 2019- C’est question qui soulève quelques interrogations juridiques. Le 28 novembre dernier, un médecin mosellan comparaissait devant le Tribunal d’instance de Mende pour s’expliquer sur son refus de payer sa cotisation annuelle à l’Ordre des médecins en raison d’un désaccord sur gestion de l’ordre.
Cette prise de position (financière) s’opère alors que le dernier rapport de la Cour des Comptes vient très clairement remettre en cause la gestion et le management de l’institution. Dans ce contexte, la question mérite d’être posée : est-il obligatoire de payer ses cotisations à l’ordre ?
Pour faire simple : oui
L’alinéa 3 de l’article L4122-2 du Code de la Santé Publique ne laisse guère de place au doute : oui, « les cotisations sont obligatoires ». Il appartient au Conseil national de fixer le montant de la cotisation qui doit être versée à chaque ordre par toute personne inscrite au tableau, qu’elle soit physique ou morale.
Le médecin peut-il refuser de régler les cotisations pour des motifs politiques (au sens large) ? A l’heure actuelle, la jurisprudence semble répondre par un non catégorique.
Dans le cadre d’un contentieux opposant un médecin à l’Ordre dans les années 80, un Tribunal d’Instance avait estimé que l’obligation de s’acquitter de sa cotisation constituait « pour les praticiens une contrainte de nature à porter atteinte à leur liberté de pensée, justifiait un refus de paiement ». Un médecin pouvait donc refuser de payer en cas de conflit avec l’Ordre.
Toutefois, la Cour de Cassation, dans un arrêt du 7 novembre 1986 a sanctionné le raisonnement du Tribunal dans une motivation tranchante. Ainsi, pour la Cour : « les médecins sont tenus, quelles que soient les prises de position de l'Ordre qu'il n'appartient pas aux tribunaux judiciaires d'apprécier, de payer la cotisation dont le recouvrement ne peut en aucun cas constituer une atteinte aux convictions personnelles ou à la liberté de pensée ».
Voilà qui a le mérite d’être clair.
En pratique reste l’opportunité des poursuites
Désormais, abordons la question sous un angle autrement : que se passe-t-il, en pratique, si un médecin ne règle pas ses cotisations ?
En premier lieu, si le médecin n’est pas en mesure de payer, ce dernier peut bénéficier d’une exonération totale ou partielle, au cas par cas, en raison d’une insuffisance de ressources. Cette exonération est de la seule compétence du conseil départemental et doit être prise en assemblée plénière.
Si le médecin refuse de s’acquitter de ses obligations par principe, il reste que la procédure de recouvrement repose sur le principe de l’opportunité des poursuites.
Sur le papier, la procédure devant mener à la saisine d’un
Tribunal est plutôt contraignante.
En cas de non règlement, une lettre de rappel doit tout d’abord
être adressée par courrier simple. S’il n’est pas donné suite à
cette lettre, un recommandé avec accusé de réception est alors
adressé au médecin récalcitrant. Après refus de s’exécuter, à la
suite de l’envoi d’un deuxième recommandé, le Conseil de l’Ordre
doit procéder à une délibération pour, éventuellement, autoriser
une action judiciaire devant le Tribunal d’Instance.
En pratique, il n’est pas rare que l’Ordre renonce ou refuse d’engager des poursuites. Ainsi en 2016, l’Ordre des médecins de Gironde a abandonné une procédure engagée contre un médecin retraité qui exerçait à titre bénévole une activité dans le cadre d’une association.
Enfin, rappelons que pour le Conseil d’Etat, le simple fait de ne pas payer ses cotisations ne peut pas constituer par nature une faute justifiant une sanction disciplinaire. Des poursuites de cet ordre ne peuvent être engagées que si le refus de payer s’accompagne de manquements déontologiques, tels que la défiance ou la désinvolture vis à vis de l’Ordre des médecins.
Charles Haroche