
Alors que le Covid-19 gagne du terrain de jour en jour au point
de donner de plus en plus de consistance au spectre de la pandémie
mondiale, la recherche d’un traitement efficace est plus qu’à
l’ordre du jour.
Le 17 février 2020, le Conseil d’État de la République populaire
de Chine (RPC) a annoncé que la chloroquine, un médicament qui a
fait ses preuves dans le traitement prophylactique et curatif du
paludisme depuis 70 ans, avait démontré une certaine efficacité
face à la pneumonie liée au SARS-Cov2.
Cette prise de position officielle qui fait grand bruit sur les réseaux sociaux et dans les médias depuis quelques heures s’appuie sur les résultats de plusieurs études cliniques multicentriques non contrôlées (précisons le) brièvement résumées en ligne (et en quelques lignes) dans la revue BioScience Trends Advance sous la forme d’une lettre à l’éditeur.
Une activité in vitro sur le virus
Tout est parti d'études in vitro qui avaient suscité quelque espoir en montrant que le phosphate de chloroquine était capable d’inhiber la multiplication du virus à des concentrations micromolaires faibles (donc encourageantes). De quoi déclencher rapidement près d’une vingtaine de petits essais cliniques auxquelles ont participé une dizaine d’hôpitaux implantés à Wuhan, Jingzhou, Guangzhou (Canton), Beijing (Pékin), Shanghai, Chongqing ou encore Ningbo.
Une centaine de cas issus d’études multiples
Les résultats qui concernent plus d’une centaine de patients semblent encourageants si l’on en juge d’après les propos des auteurs de la lettre à l’éditeur. Chez les patients qui ont bénéficié du traitement par la chloroquine aux doses utilisées dans le paludisme, l'évolution aurait été plus rapidement favorable et plus brève, comparativement aux patients des groupes témoins. Il en aurait été de même pour la disparition des signes biologiques et immunologiques de l’infection. Aucun évènement indésirable n’a été déploré chez les patients traités.
Intégrer la chloroquine dans les recommandations ?
A la lueur de ces résultats jugés concluants, une conférence de consensus a réuni toutes les parties prenantes le 15 février 2020, notamment les experts du gouvernement chinois et des autorités de régulation, mais aussi les organisateurs des essais précédemment évoqués. Il a été établi que le phosphate de chloroquine avait fait preuve d’une puissante activité contre Covid-19. Dans ces conditions, cet antipaludéen ancien qui prend un coup de jeune va figurer dans les prochaines recommandations élaborées par la commission spécialisée de la RPC sur la prévention, le diagnostic et le traitement de la pneumonie du Covid-19.
Rappelons que la chloroquine possède aussi des vertus anti-inflammatoires mises à profit dans le traitement de fond de la polyarthrite rhumatoïde ou du lupus érythémateux aigu disséminé ces dernières décennies. La chloroquine serait également capable d’interférer avec la glycosylation des récepteurs cellulaires du SARS-CoV2 et d’augmenter le pH endosomal nécessaire à la fusion entre le virus et la cellule ciblée.
Un profil pharmacologique qui a de quoi retenir l’attention face à l’épidémie actuelle de Covid-19.
Mais faut-il pour autant adhérer sans réserve aux conclusions
des auteurs et des autorités chinoises ?
La prudence est bien sûr de mise car les études citées qui ne portent que sur une centaine de patients ne sont pas contrôlées ce qui est un élément essentiel d'appréciation tant le pronostic de l’infection est variable d’un patient à l’autre, même dans les formes sévères. En outre, les données sont résumées plus que brièvement ce qui ne permet en aucun cas de juger de leur qualité : un espoir à confirmer au plus vite mais en toute rigueur…la viralité médiatique n’étant pas un gage de véracité, loin s’en faut.
Dr Philippe Tellier