
Depuis, le SARS-Covid-2 a donné libre cours et consistance à son génie épidémique d’abord en Chine en décembre 2019 et janvier 2020, puis ailleurs avec les résultats que l’on sait, l’infection revêtant diverses formes cliniques, des plus légères aux plus sévères en passant par les formes asymptomatiques. Le 30 janvier 2020, l’OMS considérait que la pneumonie dite Covid-19 constituait une urgence de santé publique à l’échelon mondial. A l’heure actuelle, le nombre de cas confirmés à ce niveau est de 114 457 (10 mars 2020). Le 31 janvier 2020, les CDC (Centers for Disease Control and Prevention) étatsuniens ont annoncé que tous les citoyens de retour de la province du Hubei devaient être soumis à une quarantaine de 14 jours, de fait une quatorzaine. Cette mesure a pris en compte la durée d’incubation du Covid-19 à partir des données disponibles qui étaient limitées, reposant sur des séries de quelques dizaines de cas.
Premières estimations
Une première analyse de 88 cas diagnostiqués dans des provinces situées à distance de Wuhan avait estimé la période d’incubation moyenne à 6,4 jours (intervalle de confiance à 95 %, IC 95%, 5,6 à 7,7 jours), les extrêmes allant de 2,1 à 11,1 jours. Une autre analyse portant sur un effectif plus conséquent (158 cas de même provenance) avait conduit à une valeur médiane de 5,6 jours (IC 95 %, 4,4 à 5,6), les extrêmes étant alors de 2 et 14 jours. Ces estimations concordent globalement avec d’autres effectuées sur des séries plus petites ou des clusters familiaux toujours constitués en Chine à partir du foyer initial de Wuhan. Elles concordent aussi avec ce que l’on sait des caractéristiques épidémiologiques d’autres coronavirus humain: ainsi, pour le SARS, la période d’incubation moyenne a été évaluée à 5 jours (extrêmes, 2 à 14 jours) et pour le MERS, la valeur correspondante est de 5 à 7 jours (extrêmes, 2 à 14 jours). Il en va de même d’ailleurs pour les coronavirus propres à d’autres espèces- chauve-souris et pangolin, notamment), avec une moyenne de 3 jours et des extrêmes de 2 à 5 jours.Force est de constater que ces estimations restent finalement
approximatives, alors qu’elles sont de première importance pour
guider les mesures sanitaires et les modélisations permettant
d’affiner la connaissance de l’épidémie ou de la pandémie. La
surveillance active suppose que les sujets potentiellement exposés
aux patients infectés contactent les autorités sanitaires locales
dès l’apparition de symptômes évoquant la possibilité d’une
infection par le SARS-Cov2. La période d’incubation supposée ou
réelle est cette variable critique qui permet d’utiliser au mieux
les ressources limitées des systèmes de santé face à la situation
actuelle.
Cela semble bien être une durée médiane de 5,1 jours
De ce fait, il convenait de procéder à une réévaluation plus
exhaustive et plus récente de cette dernière en évoquant au passage
les conséquences potentielles pour la santé publique. Dans
l’article en ligne des Annals of Internal Medicine, les
auteurs ont analysé 181 cas de Covid-19, rapportés entre le 4
janvier et le 24 février 2020. Les sources de données sont plus
variées et plus représentatives de la diversité épidémiologique,
puisqu’elles émanent de provinces de Chine, toutes situées à
distance de la province du Hubei (n =73), mais aussi d’autres pays
ou régions atteints par l’épidémie (n =108). Au total, une
cinquantaine de sources constituées de rapports ou d’articles issus
de la presse médicale. Les données suivantes ont été
systématiquement prises en compte : variables démographiques,
moment probable de l’exposition, début des symptômes et de la
fièvre, hospitalisation etc.
Cette étude tend à confirmer les estimations initiales de la période d’incubation médiane du Covid-19 qui est approximativement de 5 jours, identique à celle du SARS de 2003. La durée de la surveillance active ou de la quarantaine adoptée en France comme ailleurs semble adaptée puisqu’elle ne passerait à côté que d’un pour cent des suspects potentiellement exposés au SARS-CoV2… Est-ce acceptable ? Les auteurs estiment que tout dépend du coût et des conséquences de ces faux-négatifs en suggérant d’allonger la quarantaine dans quelques cas extrêmes bien particuliers : l’exemple d’un soignant exposé, alors qu’il ne serait pas protégé contre le virus, paraît à cet égard judicieux, mais il en est d’autres…
Dr Philippe Tellier