Paris, le mercredi 25 mars 2020 – Dès le commencement de la
comptabilisation du nombre de personnes contaminées par SARS-CoV-2
dans le monde et en France, il était acquis pour l’ensemble des
observateurs que les chiffres annoncés ne permettaient pas une
appréciation parfaite de la réalité, compte tenu de l’absence de
dépistage à grande échelle et dans de nombreux états, dont la
France, et de la rareté des tests. Aussi, beaucoup jugeaient plus
pertinents de se concentrer sur le nombre de morts (et le profil
des patients décédés) pour mieux appréhender l’évolution, voire la
gravité de l’épidémie. Cependant, ce chiffre, tout au moins en
France, n’est lui aussi pas exhaustif, notamment parce qu’il ne
tient pas compte du nombre de morts dans les Etablissements
hébergeant des personnes âgées dépendantes (EHPAD) et à
domicile.
Décès hospitalisés
Assez systématiquement lors de ses bilans quotidiens, le directeur
général de la Santé (DGS) Jérôme Salomon précise que le nombre de
morts annoncés chaque soir concerne des personnes «
hospitalisées ». Cependant, jamais avant hier, il n’avait
publiquement insisté sur le fait que ce bilan ne comptabilisait pas
les décès survenus dans d’autres structures et notamment les EHPAD,
dont plusieurs semblent pourtant avoir été frappés très durement
par l’épidémie, comme l’ont mis en évidence plusieurs drames
révélés ces derniers jours.
L’absence de dépistage empêche un recensement
précis
L’absence d’exhaustivité du bilan, particulièrement
dommageable pour la bonne connaissance de l’évolution de
l’épidémie, est une préoccupation des autorités sanitaires depuis
plusieurs jours. Ainsi, parmi les objectifs de la mise à
contribution du Réseau Sentinelles pour disposer d’une meilleure
évaluation de la diffusion du virus dans la population générale,
figure l’amélioration des connaissances sur la mortalité hors
hôpital. « Nous aurons aussi des données de surveillance de la
mortalité en ville, parce qu’il peut y avoir des décès à domicile
ou dans des établissements, et pas dans le milieu hospitalier »
a en effet précisé Jérôme Salomon vendredi dernier. Si jusqu’à
l’heure les informations précises manquent c’est parce que « ces
établissements ne sont pas reliés au système qui permet de faire le
lien avec les hôpitaux ce qui complique les remontées
d’informations », précise l’Agence régionale de santé (ARS)
Grand-Est interrogée par Libération. Les services d’aide à domicile
sont plus encore concernés par cette lacune. D’autres écueils
peuvent par ailleurs brouiller le recensement : la diversité des
situations de chaque résident (certains ayant été hospitalisés,
d’autres non) et surtout l’absence de dépistage systématique. Le
plus souvent, la règle veut que le fait qu’une personne ait été
testée positive permet de suggérer que les autres résidents
symptomatiques ont également été infectés par SARS-CoV-2 ; encore
faut-il qu’au moins un dépistage ait été réalisé, ce qui est rare
quand aucun résident n’a été hospitalisé. Une incertitude encore
plus importante concerne les décès de personnes âgées à
domicile.
Entre 100 et 150 EHPAD touchés en Ile de France
Cependant, alors que sont également scrutés les éléments
évocateurs d’une surmortalité par rapport aux années précédentes,
le recensement se met en place, sous l’égide des Agences régionales
de Santé (ARS) comme l’a précisé hier le ministre de la Santé,
Olivier Véran à l’Assemblée nationale.
Les premières données disponibles sont inquiétantes. Ainsi la
Fédération hospitalière de France (FHF) indique ce matin qu’entre
100 et 150 EHPAD d’Ile de France (sur les 700 que compte la région)
seraient concernés par l’épidémie. « Mais on n’a pas de chiffres
agrégés sur les personnes touchées par le coronavirus dans les
Ehpad et on ne sait pas exactement quelle est la situation
réelle » a indiqué le président de la FHF, Frédéric Valletoux,
sur France Info.
Ces données contrastent avec les déclarations récentes de
Pascal Champvert président de l’Association des directeurs au
service des personnes âgées (ADEPA), qui dans une interview
diffusée ce 25 mars par Ouest France assure qu’en dépit des drames
constatés dans certains établissements, pour l’heure le nombre de
structures touchés serait faible. Néanmoins, le patron de l’ADEPA a
multiplié les appels auprès des pouvoirs publics afin qu’ils
mesurent l’urgence de la situation. L’ensemble des acteurs du
secteur a ainsi adressé vendredi une lettre au ministère de la
Santé, estimant que jusqu’à 100 000 personnes hébergées en EHPAD
pourraient être victimes du nouveau coronavirus. Aussi, pour éviter
une hécatombe, des mesures fortes doivent être prises pour assurer
la protection des résidents. Ici, comme ailleurs, les armes
essentielles manquent : non seulement les tests, mais aussi les
masques. « Les choses avancent. La totalité des établissements ne
sont pas encore pourvus de masques, mais ils arrivent. Les choses
se mettent en place petit à petit » observe Pascal Champvert,
tandis que Frédéric Valletoux déplore de son côté des retards
persistants. Cet appel des responsables du secteur est aujourd’hui
relayé avec force par de nombreux responsables sanitaires et
politiques. Ainsi, le professeur Philippe Juvin (Chef du service
des urgences de l’hôpital Georges Pompidou) a-t-il lancé
aujourd’hui sur LCI : « Il faut sauver les Ehpad, qu'on les
sauve très vite, il n'y a plus de personnels comment voulez-vous
qu'ils puissent respecter les conditions d'hygiène et de sécurité ?
Ils sont peu nombreux et n'ont pas de matériel il faut agir »,
a-t-il exhorté. S’ils sont effectivement débordés, ces personnels
montrent dans certaines organisations un dévouement exemplaire,
choisissant parfois de s’installer au sein de l’EHPAD pour éviter
que leurs contacts extérieurs lors de leurs allers-retours à leur
domicile ne favorisent l’entrée du virus dans la
structure.
Découverte macabre en Espagne
Ce drame des EHPAD est loin d’être propre à la France. Partout dans
le monde, ces établissements sont particulièrement à risques et les
situations sordides ont été nombreuses en Italie et en Espagne.
Dans ce dernier pays, ce sont des militaires qui ont fait la
découverte de plusieurs cadavres dans une maison de retraite
laissée à l’abandon. « Nous allons être implacables et
inflexibles avec la façon dont les personnes sont traitées dans ces
résidences », a assuré le ministre de la Défense Margarita
Robles.
Les professionnels des EHPAD ont depuis longtemps et avec assez d'insistance je crois, tiré les sonnettes d'alarme et dénoncé les conditions de travail et le sort qui était réservé à nos aînés, par faute de moyens.
C'était intenable avant et depuis fort longtemps. Comment voulez-vous qu'aujourd'hui la crise du Covid puisse être gérée efficacement et humainement ? Ce sera tout simplement impossible, car le quotidien des EHPAD est déjà impossible en temps normal. Et c'est la même chose dans les hôpitaux et dans l'ensemble du système de santé français.
A force de ne pas entendre les demandes des professionnels de santé, et d'ignorer les véritables priorités de notre société, voilà où l'on est rendu.
Laurence Verani (IDE)
A bout de souffle
Le 26 mars 2020
Pourquoi pourrait-il en être autrement? Cette catastrophe arrive dans un contexte hospitalier à bout de souffle. On va payer chère cette hémorragie qui dure depuis au moins 15 ans.
Cadre infirmier révoltée
Comptez vos morts
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Les ehpad et les hôpitaux disposant d’ehpad ne sont jamais oubliés par tous les donneurs de leçons institutionnels; ces petites structures sont souvent même plus réactives pour appliquer l’avalanche de recommandations et d’obligations qui leur tombent dessus comme une « diarrhée celeste » aurait dit Dali...
Ainsi, il y a belle lurette que les certificats de décès sont rédigés de façon électronique dans de multiples sites, le nombre de décès de covid est donc facile à connaitre. Mais il me semble plus simple d’attendre un peu, ce sera facile de compter les quelques survivants et en les soustractant au total on aura le nombre de morts, ces deux derniers chiffres devraient d’ailleurs être très proches...