
Lèpre, paludisme, typhoïde... Les diverses maladies épidémiques « ont forgé le destin des civilisations », rappelle Mirko Grmek[1]. Flash-back sur quelques stars anciennes ou plus récentes du festival mondial du film d’horreur des affections contagieuses. Frissons garantis d’angoisse collapsologique...
Le concept de contagion
Philippe Labro rappelle que le médecin n’est jamais omniscient,
surtout face à une pandémie nouvelle : « On ne sait pas tout.
Dans mes contacts avec l’univers de la médecine, j’ai toujours
écouté celui qui disait : ‘‘Vous savez, je ne sais pas tout
!’’.Malgré certains précurseurs comme Ibn-al-Khatib (à Grenade) expliquant au XIVème siècle que « le contact avec des malades peut suffire à donner la maladie, alors que l’isolement maintient à l’abri et que le mal peut se transmettre par les vêtements ou la vaisselle », le principe de la contagion n’a pas toujours été compris. Émergeant lentement, ce concept de contagion semble installé dès le XVIème siècle, époque où (écrit Pierre Theil[2]) la maladie « n’est plus perçue uniquement comme un châtiment divin, mais comme l’effet d’un ‘‘miasme’’ » et où apparaît plus nettement la conscience d’une transmission possible d’un individu à l’autre, non par « l’effet d’un mystérieux décret de la Divinité », mais par l’intervention systématique d’un « agent subtil » : pour ce cheminement épidémique, « Dieu a besoin de ‘‘miasmes’’ (nous dirions aujourd’hui de microbes). »
Une peur atavique
Certes, l’agent contaminant n’est pas toujours correctement perçu,
jusqu’à Louis Pasteur qui propose un profond changement de
paradigme, en rattachant l’origine des affections contagieuses à
des micro-organismes. En entendant aujourd’hui Emmanuel Macron
marteler « Nous sommes en guerre », on pense immédiatement à
l’aphorisme de Pasteur, lors du conflit de 1870 : « Nos plus
grands ennemis, ce sont les microbes. » Depuis des siècles,
faute de préciser l’étiologie d’une maladie infectieuse,
l’observation attentive suggère l’implication d’un « facteur
responsable » dans l’environnement du patient. Par exemple,
pour le paludisme, longtemps appelé « malaria »,
l’étymologie est révélatrice : le mot « malaria » signifie «
mauvais air » en italien, car on rendait explicitement (mais
à tort) « l’air vicié » responsable de cette maladie. Si les
affections épidémiques proviennent généralement des bactéries, des
virus, ou des parasites, certains troubles (frappant de nombreuses
personnes) prennent le masque d’une épidémie, mais résultent en
fait soit d’une carence (par exemple le scorbut ou le béribéri),
soit d’un toxique exogène : nous évoquerons un tel cas dans une
prochaine tribune, consacrée au sinistre mal des ardents, dû à une
intoxication méconnue par l’ergot du seigle.La norme pathologique
Contre toute attente, il est parfois difficile de distinguer état
normal et pathologique. Comme dans l’histoire de cette mère-chameau
désolée : « J’ai des difficultés à marier ma fille, une
ravissante chamelle, mais affligée d’une infirmité : elle n’a pas
de bosse ! » Même trait dans cet épisode du dessin animé Les
triplés (d’après la BD de Nicole Lambert) où le ressort
humoristique provient d’une brisure d’analogie. Deux des triplés se
moquent de leur petite sœur : « Hou, elle a des boutons ! »
Cette éruption affecte ensuite l’un des railleurs, la contagion
épargnant le dernier : voilà deux enfants atteints et un seul
indemne. Par analogie avec la réplique précédente, on attend que le
rescapé se moque des deux autres : « Hou ! Ils ont des boutons
! » Mais l’analogie est brisée par la relativité de la norme
dans la majorité, et ce sont maintenant les deux sujets atteints
qui se gaussent du troisième : « Hou, il n’a pas de boutons
! » Pour paraître normal, l’infortuné bambin simule alors une
éruption en se peignant de faux boutons sur le corps ! Avec la
méconnaissance, l’absence de tare devient ainsi une grande tare : «
Mes frères, ne nous enorgueillissons pas des agréments physiques
que Dieu a bien voulu nous accorder mais refuse à d’autres. »
Dans cette homélie, un prêtre et ses paroissiens se croient
privilégiés d’avoir un goitre thyroïdien ! Inestimable à leurs
yeux, cette « faveur divine », présumée héréditaire, ne
touche pas les étrangers de la vallée d’Aoste où se déroule cette
scène, en 1751. Non tenu pour pathologique, le goitre renforce
alors la séduction : les jeunes filles du Valais et de la
Tarentaise ont la coquetterie d’insérer le cœur en or de leur
collier entre les deux proéminences d’un goitre. Endémique dans ces
contrées alpines, le goitre y semble naturel et son absence
anormale chez les « étrangers au cou de poulet », comme les
montagnards goitreux désignent péjorativement les gens du bord de
mer. On sait désormais que cette grâce se refuse aux habitants des
plaines côtières car la pathologie thyroïdienne est corrélée au
métabolisme de l’iode, élément d’origine marine, d’où l’endémisme
goitreux par carence iodée en habitat de montagne isolé. Autre
croyance sur la normalité d’une situation anormale : dans des pays
où sévit la bilharziose urinaire (Égypte, Afrique tropicale…),
maladie exotique se traduisant par des hémorragies urinaires, il
existe des populations accréditant l’idée selon laquelle le garçon
connaît une puberté accomplie quand il a, lui aussi, ses règles
comme la fille : signe de normalité, quand l’hématurie est commune
!La peste
Mirko Grmek[1] note que certaines maladies sont « aussi
anciennes que l’homme lui-même » et que des auteurs de
l’Antiquité les décrivaient déjà. Par exemple, Hésiode rapprochait,
de façon poétique, loimos (la peste) et limos (la famine), «
exprimant ainsi une vérité épidémiologique profonde de son
temps. » Cette association entre une affection d’allure
épidémique et la disette plane aussi sur le Moyen Âge, tant pour la
peste (car les rats, vecteurs des puces et du bacille détruisent
les stocks de céréales) que pour le redoutable mal des ardents. Ces
maladies terrifiantes suscitent un paradoxe des comportements
collectifs, les réactions des sujets apeurés oscillant en démarches
diamétralement opposées : « Pour guérir, ceux de Paris quittent
la ville pour prendre l’air des champs, et ceux de la campagne se
réfugient dans Paris ». Ces mêmes attitudes se retrouvent en
mars 2020 : près de 20 % des Parisiens (ou d’autres citadins)
désertent la grande ville pour avoir des conditions de confinement
présumées meilleures en résidence secondaire, alors que d’autres
personnes préfèrent au contraire se rapprocher des villes avec un
grand hôpital, au cas où le coronavirus viendrait à les frapper. Et
dans un contexte d’indigence, des exodes similaires sont observés
en Inde et en Afrique, à l’approche de la vague épidémique... À
propos de considérations socio-économiques, Marcel Sendrail[3]
rappelle cette vertu cardinale des grandes épidémies comme la
peste, l’arasement des différences sociales : « Dans un sillage
d’horreur, la Mort fondit sur l’Europe, une mort qui imposait à
tous une égalité refusée aux vivants, cette égalité sinistre qui
traînait indistinctement à la fosse et aux vers rois et laboureurs,
prélats et mendiants. » Avec la peste de 1348 sonne « le
glas de la peur. » Arrivant à Messine, en Sicile, les passagers
de galères en provenance de Crimée racontent que « des
assiégeants Mongols, décimés par un fléau mystérieux, avaient dû
battre en retraite, mais auparavant leur chef, le Khan Djanisberg
avait fait jeter par-dessus les murailles des centaines de
cadavres, ‘‘afin que les Chrétiens fussent anéantis par leur
puanteur’’... La panique dispersa la population, mais diffusa du
même coup le mal. » Le Khan Djanisberg est donc le précurseur
de la guerre bactériologique...En moins de dix ans, la peste fait le tour de l’Europe, revenant dans le port de Crimée d’où elle était partie : elle laisse dans son sillage « vingt-six millions de victimes, quarante-trois millions dans l’ensemble » du monde alors connu, un chroniqueur de l’époque estimant que « le tiers de l’humanité » succombe sous ce fléau. Marcel Sendrail confirme : « l’histoire des épidémies n’a jamais enregistré pareille moisson d’êtres humains. » Concernant la peste, un point intéressant est le rôle du rat, évoqué par Marcel Sendrail[3] : « Pendant que les barons chrétiens s’obstinaient à disputer les Lieux Saints aux Infidèles, le rat, vrai vainqueur des Croisades, s’emparait de leurs domaines, colonisait leurs greniers, dévorait leurs récoltes et, surtout, s’apprêtait à propager dans leur descendance, grâce à ses puces, la Peste Noire. » Si les praticiens médiévaux et de la Renaissance entendent limiter les épidémies de peste et de lèpre en imposant des quarantaines et le confinement des malades en lazaret ou en léproserie, et en s’imposant à eux-mêmes le port de masques de peste (à l’origine commune des masques vénitiens de carnaval et de nos masques FFP2 !), l’histoire de la peste montre aussi que la lutte contre les épidémies ne se résume pas à la médecine. Ainsi, la régression de la lèpre en Europe occidentale aurait été corrélée à... l’augmentation de la production de laine[4] ! En effet, les paysans avaient alors moins besoin de réduire les fameuses « distances sociales » en se serrant la nuit les uns contre les autres pour lutter contre le froid : être vêtus plus chaudement aurait donc contribué à « couper les voies de contagion épidémique de la lèpre. » Autre exemple d’un facteur inattendu dans l’évolution des épidémies : Bernard Werber[5] rappelle que le véritable vainqueur de la peste n’est pas le médecin, mais le chat : « En France, à partir de l’an 300, le Pape interdit aux Chrétiens de posséder des chats. Du coup, il y a très peu de chats... Il faut attendre 1600 pour que la papauté autorise les Chrétiens à avoir des chats. Jusque-là, on leur demandait, à la fête de la St Jean, d’aller jeter tous les chats qu’ils trouvaient dans un grand bûcher collectif. » Lors d’une épidémie de peste, ceux qui ne possédaient pas de chat étaient plus vulnérables, car les rats et donc leurs puces porteuses du bacille de la peste risquaient de les côtoyer, comme le résume Marcel Sendrail[3] : « L’un portant l’autre, les trois compagnons, le rat, la puce et le bacille pesteux accomplissaient leur sinistre office, acteurs du Triomphe de la Mort : le rat noir mus rattus, originaire de l’Inde, ou le rat égyptien à ventre blanc mus alexandrinus (tous deux introduits en Europe par les vaisseaux des pèlerins d’Orient vers le XIIIème siècle), la puce Xénopsylla Chéophis et le bacille de Yersin. »
Si le Covid-19 a d’évidentes répercussions socio-économiques dans le monde, il emboîte ainsi le pas aux épidémies de peste dont les conséquences politiques et sociales furent considérables : par exemple, la Guerre de Cent ans dut être interrompue à deux reprises (en 1347 puis en 1356) à cause de flambées épidémiques, à une époque où la seule contre-mesure au fléau de la contagion était « le repentir des fautes justifiant le courroux divin. » Autre conséquence historique, majeure, imputable aux épidémies à la Renaissance[4] : l’Europe exporte aux Amériques « la variole, la lèpre, la rougeole, la tuberculose, le paludisme, toutes infections qui entraîneront une telle dépopulation (chez les Amérindiens sans immunité) que la traite des Noirs s’imposera pour la survie du colonialisme. » Après une pause de 50 ans, la peste revient en France en 1720, à cause de la cupidité d’un armateur qui soustrait frauduleusement un navire à la quarantaine, causant ainsi la mort de 50 000 personnes dans la région de Marseille...
La syphilis
Océans et montagnes ont longtemps constitué des obstacles naturels
contre la marche des épidémies, mais se sont révélés des barrières
dérisoires depuis l’essor des grands voyages, d’abord terrestres
lors des Croisades (avec notamment la propagation de la peste),
puis maritimes (avec les Conquistadores et celle de la syphilis) et
enfin aériennes (avec celle du sida, et désormais du coronavirus).
Exemple donné par Robert Gessain[1] : en 1935, un bateau norvégien
aborde près d’une population isolée du Groenland ; atteint d’un
rhume banal, un marin éternue, contamine les autochtones, et «
un dixième de cette population esquimaude meurt en quelques mois
des complications pulmonaires » de cette maladie virale,
nouvelle pour elle... Avec la mondialisation, la marge est ténue,
entre épidémie et endémie : toute affection transmissible a
vocation à s’étaler, tel un discours du Pape, Urbi et Orbi.Un bon exemple de maladie contagieuse tendant à voyager partout dans le monde est la syphilis. Mirko Grmek[1] rappelle l’origine de son appellation définitive, due à « l’inspiration poétique » de Girolamo Fracastoro (Jérôme Fracastor) en 1530 : c’est la « maladie du berger Syphilus, l’amateur de cochons. » Le rapprochement de cette « maladie d’amour » avec un contexte « cochon » est audacieux, car « sur le cadran de l’histoire de la médecine, Fracastor avait trois siècles et demi d’avance » écrit Pierre Theil[2] : « La notion de contagion devra piétiner en attendant la confirmation bactériologique que permettront la découverte et le perfectionnement du microscope, les travaux de Pasteur, la constitution d’une hygiène moderne et les acquisitions immunologiques et virologiques du XXème siècle. » Adopter une terminologie, c’est un pas contre l’angoisse de l’innominé, ce nom « syphilis » mettant un terme aux querelles de paternité : pour les Français, la « grande vérole » était ainsi « le mal napolitain », mais elle représentait « le mal français » pour les Napolitains... On rattache cette « nouvelle maladie » à la découverte du Nouveau monde, à la fin du XVème siècle, et au « commerce » vénérien subséquent entre Européen(ne)s et Amérindien(ne)s. Hasard ? Le berceau présumé de cette affection « d’une contagiosité initiale extraordinaire, grave et souvent mortelle » est l’île d’Hispaniola, l’ancien nom d’Haïti. Quand le sida apparaît, avec la place particulière des Haïtiens parmi les premiers patients détectés, certains s’en souviennent et s’interrogent : tenue pour une tréponématose, l’épidémie des années 1500, n’était-elle pas plutôt une première incursion du sida ? Mirko Grmek[1] écarte cette hypothèse : « les données paléopathologiques sur les ossements anciens démontrent que la syphilis de la Renaissance était réellement due au tréponème pâle. »
Le sida
Quoi qu’il en soit, l’apparition du sida impose au corps médical
une douloureuse conclusion : non, les maladies infectieuses ne sont
pas encore « des maux d’une autre époque », et l’arsenal
thérapeutique moderne (en particulier les antibiotiques) ne suffit
pas à écarter définitivement toute menace épidémique. Si certaines
affections (très peu, en vérité –seule la variole est éradiquée
officiellement en 1980) disparaissent du paysage médical mondial,
d’autres apparaissent en revanche, occupant en quelque sorte la
place laissée vacante par la maladie déclinante. Pour désigner cet
« état d’équilibre », dans chaque société, entre deux ou
plusieurs éco-systèmes morbides, à une certaine époque Mirko Grmek
forge le concept de pathocénose : l’existence et l’importance d’une
maladie dépendraient de celles des autres maladies, les différents
germes se trouvant dans une sorte de « compétition »
darwinienne pour contaminer des populations. Par exemple, le sida
fait florès précisément lorsque la variole est éradiquée, la
tuberculose relègue la lèpre à l’arrière-plan (ces deux maladies
sont dues à des mycobactéries), et la drépanocytose (affection
génétique) constituerait un avantage hétérozygote adaptatif contre
le paludisme... En résumé, de nombreuses maladies seraient
interdépendantes : avec ce concept, Mirko Grmek s’efforce «
d’améliorer la compréhension des maladies émergentes. »
Cette idée semble applicable à l’épidémie actuelle de Covid-19,
pour laquelle on doit s’interroger : bien que porteurs sains,
pourquoi les enfants et les adolescents sont-ils généralement moins
atteints que les adultes ? On peut supposer qu’ils disposent d’un
facteur protecteur. Pourrait-il s’agir d’une immunité croisée,
conférée par un vaccin obligatoire, récemment reçu à cet âge, mais
jamais pratiqué ou révolu chez des sujets plus âgés ? Comme les
virus de la rougeole, des oreillons (Paramyxoviridae) et du
Covid-19 (Nidovirales) appartiennent à des familles proches (virus
ARN simple brin, Groupe IV & V de la classification de David
Baltimore)[6], une certaine antigénicité croisée n’est pas
impossible... Cette idée est sans doute partagée par certains
chercheurs, puisque le site de l’Institut Pasteur[7] explique : «
Le 19 mars 2020, le CEPI (Coalition for Epidemic Preparedness
Innovations) annonce le financement d’un montant de 4,3 millions
d’euros du projet de développement d’un vaccin contre le SRAS-CoV-2
émergent. Ce projet, porté par l’Institut Pasteur dans le cadre
d’un consortium avec Themis et l’université de Pittsburgh/Center
for Vaccine Research (CVR), est fondé sur l’utilisation du vaccin
contre la rougeole comme vecteur de ce candidat vaccin. » Mais
revenons à l’émergence du sida, rappelée par Mirko Grmek[1] : «
Un fléau nouveau s’est abattu sur l’humanité. On s’applique à
insinuer que les groupes à risque sont tous ‘‘marginaux’’. Le mal
ne met pas en danger les ‘‘honnêtes gens’’ mais des personnes
‘‘stigmatisées’’ d’avance par leur comportement, leur origine
ethnique ou une tare. Les épidémiologistes américains appelèrent
les groupes particulièrement exposés au sida ‘‘le club des quatre
H’’ : homosexuels, héroïnomanes, Haïtiens et hémophiles’’… Pour
rassurer le public, on n’incluait pas deux groupes ‘‘innocents’’ :
les transfusés et les nouveaux-nés infectés pendant leur vie
intra-utérine. » Le célèbre historien du sida rapporte les
propos d’une dame américaine interviewée au début de cette
épidémie. Si le sida suscite un effroi compréhensible, un autre
sujet d’inquiétude est la réaction de personnes ordinaires,
promptes à stigmatiser les malades, voire à leur ôter toute
appartenance humaine, comme dans les propos de cette dame «
ordinaire » : « Cette maladie affecte des homosexuels,
des drogués, des Haïtiens et des hémophiles, grâce à Dieu, elle ne
s’est pas encore propagée parmi les êtres humains. » Autre
sujet de réflexion, l’acharnement (conscient ou non) des
épidémiologistes des États-Unis à s’efforcer de rejeter l’origine
du sida hors de leur pays : venu d’Haïti, d’Afrique, voire
d’Amazonie, il fallait que le VIH fût un « article
d’importation », entré subrepticement au pays de l’Oncle Sam,
mais en aucun cas une innovation made in USA. Mirko Grmek
résume aussi la « fascination » exercée par cette nouvelle
pandémie : « Le sida fascine parce qu’il concerne le sexe et le
sang : c’est un extraordinaire exutoire à fantasmes. On avait
oublié l’existence de tels fléaux. L’épidémie du sida surprend et
provoque le retour de peurs irrationnelles parce qu’elle montre
l’impuissance de la médecine au moment même où on commençait à
croire que les maladies infectieuses étaient définitivement
vaincues. » Parmi les théories sur l’émergence inopinée du
sida, citons l’éventualité d’une relation sexuelle d’un homme de la
région de Los Angeles « avec un chimpanzé (porteur du VIS) qui
lui servait d’animal de compagnie. » Suite à des relations avec
des homosexuels, ce présumé « patient zéro » zoophile aurait
ensuite transmis ce virus, affranchi de la fameuse « barrière
d’espèce. » À propos de cette transgression de la barrière
d’espèce par un virus, un aphorisme humoristique sur les réseaux
sociaux dénonce les conséquences imprévues d’un tel « effet
papillon » : « à cause d’un habitant de Wuhan ayant mangé
une chauve-souris ou un pangolin, je dois rester confiné chez moi,
et je ne trouve même plus de pâtes ni de papier-toilette dans mon
supermarché ! » La grippe
Le Covid-19
Dr Alain Cohen