Un peu d’espoir avec le plasma de convalescence dans les formes sévères du Covid-19

Aucun traitement autre que symptomatique n’a, pour l’instant, fait preuve de la moindre efficacité dans les formes sévères ou graves du Covid-19. Le plasma de convalescence a été proposé de manière totalement empirique au cours de l’épidémie à virus Ebola en 2014 avec un succès variable et un protocole a même inclus cette option dans le traitement du MERS (Middle East respiratory syndrome) lié au MERS-CoV en 2015. Dès 2005, lors de l’épidémie de SARS, le plasma de convalescence avait été utilisé à Hong Kong dans un essai comparatif non randomisé chez 80 patients avec des résultats jugés encourageants et il en avait été de même dans une autre petite étude -ouverte celle-là- portant sur 20 cas de grippe sévère lors de la pandémie liée au virus H1N1 en 2009.

Une série de 5 cas « critiques »

Face aux formes graves du Covid-19, alors que le pronostic vital est en jeu, le plasma de convalescence peut-il s’avérer bénéfique ? C’est à cette question que répond une publication du JAMA mise en ligne le 27 mars. Il s’agit d’une petite étude ouverte préliminaire menée au sein de l’hôpital de Shenzen (Chine). Ont été inclus cinq patients atteints d’un Covid-19 biologiquement confirmé, tous à un stade critique, le tableau clinique étant celui d’un syndrome de détresse respiratoire aigu (SDRA).

Le recours au plasma de convalescence a été décidé devant une situation évolutive et préoccupante comportant : pneumonie sévère rapidement extensive, charge virale persistante en dépit des traitements antiviraux, rapport PaO2/FiO2 < 300 et nécessité d’une ventilation assistée. Les cinq patients (âge : 36-65 ans ; sexe féminin inclus entre le 20 janvier 2020 et le 25 mars 2020 ont été suivis jusqu’au 25 mars 2020.

Au sein du plasma transfusé (obtenu à partir de prélèvements effectués chez cinq patients guéris du Covid-19), le SARS-CoV-2 avait laissé des traces de son passage : le titre des anticorps IgG spécifiques du virus était en effet > 1:1000 et celui des anticorps neutralisants > 40. Ce traitement a été administré ente le 10ème et le 22ème jour de l’hospitalisation alors qu’une corticothérapie était en cours dans tous les cas.

Des résultats… encourageants

Dans les trois jours qui ont suivi l’administration du plasma, la température corporelle s’est normalisée chez 4 patients sur 5. Parallèlement, le score SOFA (Sequential Organ Failure Assessment) a diminué, cependant que le rapport PaO2/FiO2 augmentait, passant en l’espace de 12 jours de 172-276 à 284-366. La charge virale a diminué pour s’annuler dans le même laps de temps. Les taux plasmatiques d’anticorps anti-SARS-CoV-2 et d’anticorps neutralisants ont augmenté chez tous les malades, passant en 7 jours de 40-60 à 80-120.

Le SDRA a régressé dans les 12 jours qui ont suivi la transfusion de sérum chez 4 patients, et le sevrage de la ventilation assistée a pu être obtenu en l’espace de deux semaines dans trois cas. Trois des 5 patients sont de fait sortis guéris de l’hôpital après de deux mois d’hospitalisation (respectivement 53, 51 et 55 jours). Les deux autres étaient dans un état stable 37 jours après la transfusion.

Cette petite étude ouverte qui ne porte que sur cinq patients n’autorise évidemment aucune conclusion définitive, de l’avis même des auteurs. Certes, l’état clinique des cinq patients traités par le plasma de convalescence était jugé très préoccupant, puisqu’il existait un SDRA dans tous les cas. Certes, l’amélioration clinique après la transfusion du sérum est indéniable et tous les patients ont survécu, le sevrage de la ventilation assistée étant obtenu dans deux cas en l’espace de deux semaines. Ces résultats sont suffisamment probants pour que l’INSERM décide d’entreprendre un essai thérapeutique dès la semaine prochaine afin de prendre rapidement position face à un traitement qui soulève encore beaucoup de questions. Des donneurs sont d’ores et déjà recherchés pour répondre aux besoins de l’étude.

Dr Philippe Tellier

Référence
Shen C et coll. Treatment of 5 Critically Ill Patients With COVID-19 With Convalescent Plasma. JAMA. 2020 : publication avancée en ligne 27 mars. doi: 10.1001/jama.2020.4783.

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Vos réactions (4)

  • Attention

    Le 04 avril 2020

    La sérothérapie est d'une utilité évidente quand elle neutralise en urgence une toxine, c'est même là son seul usage pratique à ce jour.
    Il est possible qu'administrer des anticorps dirigés contre un virus à un patient totalement incapable d'en produire puisse le sauver, mais cela reste à prouver.

    Il est plus difficile d'affirmer que l'addition d'anticorps dirigé contre des composants viraux chez un sujet qui en fabrique déjà améliore son état. On peut craindre que ces globulines exogènes ne répriment par rétroaction la signalisation lymphocytaire.

    La question se pose aussi de savoir quels sujets produisent quels types d'anticorps, dirigés contre quels épitopes, ce qui pourrait bien être hétérogène.
    Reste la question essentielle : qui exactement pourrait bénéficier d'un tel traitement, à quel stade de la maladie, à quelle posologie (dose, rythme, durée), et sous quelle forme ? Comment qualifier les donneurs, ou sur quelles bases théoriques concevoir les immunoglobulines les mieux adaptées ?

    On est, là aussi, bien loin d'avancer autrement que dans le brouillard. C'est certes plus chic que la vielle chloroquine mais ce n'est pour le moment pas moins hasardeux.

    Dr Pierre Rimbaud

  • Affirmatif

    Le 05 avril 2020

    En 1894, le docteur Émile Roux, disciple de Louis Pasteur, constate que, si l'on vaccine un cheval en lui injectant des doses croissantes de toxine diphtérique, on provoque chez lui l'apparition de grandes quantités d'anticorps antidiphtériques.

    Roux a donc l'idée de transférer le sérum de ce cheval ainsi « hyper immunisé » à des malades atteints de la diphtérie. Un grand nombre de malades guérissent : la sérothérapie est née. Et l'institut Pasteur sera ainsi financé sur ses propres recherches grâce aux applications pratiques d'Alexandre Yersin le découvreur de l'origine de la peste.

    Mais attention le coronavirus ne développe pas de toxines. Et puis les réactions aux protéines des autres peuvent être sévères.

    Dr JD

  • Immunité passive

    Le 05 avril 2020

    La sérothérapie peut être la solution, toute initiative est "bonne à prendre". Le dépistage massif de la population française permettrait aussi de déterminer le nombre de patients qui présentent des anticorps pour aider le reste de la population non immunisée. Cette immunisation passive ancestrale peut être un relais non négligeable à une futur vaccination.

    Le dépistage est la pierre angulaire pour une bonne prise en charge de la population française. Pourquoi rejeter l'aide proposée par les laboratoires vétérinaires dans la fabrication des test de dépistage?

    Henry Carric (IDE)

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