
Les maires (qui sont bien souvent encore en campagne pour un deuxième tour des municipales incertain !) ont bien compris que la question des masques était un point de fixation dans l’opinion publique.
Depuis plusieurs jours, et notamment le revirement de l’Académie de médecine sur la question, on assiste à la multiplication des arrêtés en faveur du port du masque.
Le 6 avril 2020, le Maire de Sceaux a pris un arrêté ayant pour objet de rendre obligatoire le « port d’un dispositif de protection buccal et nasal » lors des « déplacements dans l’espace public des personnes de plus de 10 ans ».
La contestation de cet arrêté n’est pas venue du gouvernement, mais bien de la Ligue des Droits de l’Homme.
En effet, cette association estime que cette décision porte une atteinte grave à un certain nombre de libertés fondamentales, et notamment à la liberté d’aller et venir ainsi que le droit à la vie privée.
La Ligue a donc engagé une procédure de référé liberté sur le fondement de l’article L.521-2 du Code de justice administrative, pour demander l’annulation de l’arrêté litigieux.
Qui est habilité à prendre des mesures contre l’épidémie
?
L’ordonnance rendue par le juge des référés est l’occasion de
rappeler un certain nombre de principes devant gouverner la lutte
contre l’épidémie de Covid-19.Elle rappelle tout d’abord que les mesures prises actuellement pour faire face à la crise trouvent leur base légale dans l’article L. 3131-1 du code de la santé publique.
Ce texte dispose que : « en cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d'urgence, notamment en cas de menace d'épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, prescrire dans l'intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population ».
C’est notamment sur ce fondement qu’a été pris le désormais célèbre décret n° 2020-293 du 23 mars 2020, édictant les mesures en matière de restriction de circulation et de déplacement.
Mais ce « pouvoir de police » détenu par le Premier ministre et le ministre de la Santé ne fait pas obstacle à ce qu’un maire puisse adopter pour sa commune des mesures plus contraignantes permettant d’assurer la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques.
Toutefois, ces décisions plus restrictives ne peuvent être prises pour autant que les circonstances locales particulières le justifient (notamment au regard de la menace de l’épidémie).
Le rappel à l’ordre du juge : les mesures de
déconfinement s’opéreront en temps utile
C’est précisément sur ce point que le juge des référés vient
attaquer la décision du Maire de Sceaux.En effet, pour justifier son arrêté, la municipalité s’est retranchée derrière l’avis de l’Académie Nationale de Médecine. Pour cette Institution la levée du confinement devra s’accompagner « à la fois d’un maintien des mesures barrière actuellement préconisées et du port obligatoire d’un masque grand public ou alternatif ».
En clair, le Maire de Sceaux a justifié sa décision non pas sur des considérations liées à la situation actuelle, mais à la perspective (future et incertaine) du fameux « déconfinement ».
C’est la raison pour laquelle le Tribunal a décidé de prononcer la suspension de l’arrêté litigieux : le maire ne pouvait rapporter la preuve de l’existence d’un trouble à l’ordre public actuel.
Un zeste de récupération politique ?
Il faut comprendre de l’ordonnance qu’elle est particulièrement
circonstanciée : ceci n’interdit pas dans l’absolu à un maire de
prendre un arrêté rendant obligatoire le port du masque, si les
données relatives à l’épidémie dans la commune le justifient.Mais le maire de Sceaux est rapidement passé du juridique au politique.
Alors que son arrêté insuffisamment motivé a été contesté par la Ligue des droits de l’homme, le maire a tout simplement accusé… Christophe Castaner d’être responsable de la situation !
Il est vrai toutefois que le Ministre de l’intérieur a demandé aux communes de ne pas avoir recours à de tels arrêtés, compte tenu du fait que la politique à adopter en matière de déconfinement devra d’abord faire l’objet de décisions nationales.
Charles Haroche