Face au Covid, les inquiétudes des psychiatres

Paris, le vendredi 10 avril 2020 – La réorganisation des services hospitaliers pour accroître les capacités d’accueil des patients atteints de Covid-19 a débuté dès le début du mois de mars : le 6, le déclenchement du plan blanc, qui suppose notamment la déprogrammation des soins non urgents, était annoncé. Pourtant, dans les services de psychiatrie, il aura fallu attendre le 23 mars pour que des lignes directrices soient officiellement établies. Pour les psychiatres, qui signaient hier dans Le Parisien une tribune initiée par l’association Fondamental, il s’agit d’un nouveau témoignage du dédain dont pâtissent les patients atteints de troubles psychiques.

Des patients à risque

Pourtant, ces derniers sont très exposés au risque infectieux actuel. Les malades souffrant de troubles psychiques sont en effet plus fréquemment susceptibles de présenter des comorbidités associées à un risque accru de complications en cas d’infection par SARS-CoV-1. « La prévalence accrue de pathologies associées (troubles cardiovasculaires, de diabète, hypertension…), 1,5 à 2 fois plus élevée qu’au sein de la population générale, constitue, nous le savons, un facteur de risque d’infection sévère au Covid-19 pour nos patients », écrivent ainsi les psychiatres, dont beaucoup observent que les unités Covid qui ont été mises en place dans les services de psychiatrie ne semblent pas prévoir le nombre de patients attendu eu égard à la situation épidémique. Par ailleurs, les praticiens signalent que certains troubles psychiques peuvent rendre plus complexe l’observation des mesures barrières et du confinement.

Symptômes de stress post-traumatique retrouvés chez 7 % de la population en Chine

L’inquiétude des psychiatres concerne également le suivi des troubles psychiques, d’autant plus que l’épidémie a conduit à des sorties prématurées et que les matériels de protection faisaient largement défaut dans les établissements psychiatriques à la date de cette tribune
Enfin, ils souhaitent attirer l’attention des pouvoirs publics sur les répercussions psychologiques de l’épidémie, d’une part chez les patients qui ont dû être hospitalisés en réanimation et d’autre part au sein de la population générale. Beaucoup redoutent en effet une augmentation des suicides. « Comment répondre à l’émergence d’états de souffrance psychologique au sein de la population générale (irritabilité, insomnie, anxiété, tristesse, addiction au tabac et à l’alcool) et prévenir des situations de stress post-traumatiques ou d’états dépressif qui pourraient en découler ? S’il est difficile de prévoir le retentissement psychologique de cette crise au sein de la population, des premières données chinoises nous alertent néanmoins : une étude a montré, dans les régions les plus touchées, que des symptômes de stress post-traumatique étaient rapportés chez 7 % de la population », écrivent les auteurs de la tribune.

Faisant écho à cette préoccupation, le programme Papaganeo de prévention des suicides insiste sur l’importance d’une solidarité collective face à cette épreuve, invitant à conserver les liens par tous les moyens autorisés et rappelant aux médias la nécessité d’éviter toute communication pouvant induire un effet Werther. On retiendra également l’initiative de l’Agence régionale de santé (ARS) d’Ile de France ayant mis en place une ligne d’écoute à l’intention des proches de personnes atteintes de troubles psychiques, afin de pouvoir répondre à leurs préoccupations spécifiques (plateforme coordonnée par le professeur Antoine Pelissolo et accessible tous les jours de 13h à 21h au 01 48 00 48 00).

Une réponse forte indispensable

Essentielles, ce type d’initiatives qui s’observent dans toute la France, ne peuvent cependant constituer une réponse suffisante. Les signataires de la tribune initiée par l’association Fondamental exhortent en effet les pouvoirs publics à une prise de conscience de la situation, afin d’inclure au plus vite les soins psychiatriques dans la réponse à l’épidémie et dans les réflexions en germe concernant le renouveau de l’hôpital.

Aurélie Haroche

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